29 septembre 2007

The Robby-Dog Strikes Back

Marc déteste son clébard – lequel est en réalité le clébard de Julie, mais comme Julie est du genre «jamais sans mon clebs», Marc a dû faire avec depuis le début et par la force des choses, le clébard est aussi devenu le sien. C’est pourtant lui qui sort la bête tout les matins: il aime laisser ses pensées vagabonder dans l’aube... Et en plus, comme Leo est geignard au réveil, Marc invoque volontiers l’excuse du clébard-qui-doit-pisser pour abandonner à Julie la gestion de ce combat quotidien.

Ce matin-là, en dégainant un Robby-Dog pour un premier ramassage d’étron, Marc s’est remémoré l’excellente histoire signée Martin Suter où un manager fourre un Robby-Dog rempli de frais dans la poche de son imper de peur d’être surpris la chose à la main et l’y oublie… jusqu’au moment de vider ses poches au contrôle de sécurité à l’aéroport. Ha! Ha! Ha! Marc riait tout seul en nouant le packson, lorsqu’il a tout à coup a senti l’exquis aiguillon de la tentation… Son chef n’avait-il pas été odieux avec la jolie stagiaire, l’autre jour? Et s’il gardait le Robby-Dog pour le fourrer dans la poche de cet imbuvable salaud, ni vu ni connu? Ça, ça lui ferait les pieds!

De retour chez lui, Marc s’est fait alpaguer par une Julie très en colère: «Si tu te débines encore une fois avant qu’il ait fini ses corn flakes, a-t-elle grondé, je te jure que je divorce!» Marc a mis machinalement la main au Robby-Dog dans sa poche, en se demandant si tout compte fait, le trench qui méritait le plus une merde de chien ce matin, n’était pas celui de Julie.

22 septembre 2007

L’accélérateur évolutif

Flash-back, il y a quatre ans et demi: je suis en train de tenter de calmer les plaintes affamées du cadet à coups de bouillie pâtisson-nouillettes, alors que l’aîné s’égosille depuis les toilettes «Maaamaaan! J’ai fini de faire caca! Maaamaaan!» Une situation exemplairement double bind, où soulager l’un fera forcément redoubler les hurlements de l’autre et où je réalise que je suis en train de toucher le fond, genre: «Nourrir ou torcher, tel est mon destin.»

Me reviennent alors les propos de ma belle-mère: «On a l’impression que nos enfants resteront toujours des bébés, et puis tout à coup, les voilà qui partent pour leur premier jour d’école.» J’enfile une nouvelle cuillerée de bouillie dans la bouche du cadet, tandis que l’aîné braille de plus belle: «Caacaaa! Fiiniii!» Et je gronde entre mes dents: «Ben là tu vois, vieille noix, je donnerais cher pour un petit coup d’accélérateur évolutif!»

Aujourd’hui, mes enfants vont à l’école et c’est vrai, ces années ont passé à toute vitesse. J’ai aussi changé de destin, puisqu’ils savent se torcher, se préparer un bol de corn flakes et grimper sans ma permission jusqu’au placard à junk food. Ils savent également qu’on adoubait les chevaliers et qu’il y a des superclips Star Wars Lego* sur Youtube qui leur inspirent une rhétorique puissante et futuristico-scato, genre: «Ben moi, je fais pipi sur Dartedevooor.» J’écoute, je n’en reviens pas. Et en goûtant le potage pâtisson-nouillettes de midi, je médite aux ratés de l’accélérateur

15 septembre 2007

Went du bon secours

Ces derniers temps, Anke aurait eu un mal fou à garder les idées claires s’il n’y avait pas eu Wentworth Miller. Enfin plus exactement s’il n’y avait pas eu les DVD de la 1 de «Prison Break» (qui lui ont fourni tout cet été du concentré de Went) et la TSR (qui diffuse enfin la 2 et lui donne de quoi poursuivre sur sa lancée).

Went a en effet permis à Anke de mettre Paolo à distance. Sans lui, elle aurait peut-être déjà cédé à son retour de drague au téléphone ou à la plage et…. «Stop! lui fait Went en se désaquant dans son pénitencier. Regarde-moi plutôt enlever mon t-shirt!» C’est ce sens de l’à propos qu’Anke aime chez lui. Tout comme sa façon de sortir de la douche couvert de gouttelettes et vêtu de son seul tatouage scofieldique, avec ce splendide soupçon de gras sur le ventre… «Alors que Paolo, lui rappelle Went, t’as jamais eu envie d’entrer dans le poste pour l’aider à se sécher.»

Il y a aussi eu cette fameuse fois où Anke a cherché à se remémorer la façon dont Paolo embrassait et constaté avec stupéfaction qu’elle n’en avait plus la moindre idée: Went a débarqué pile poil pour lui donner un aperçu très convaincant de ses propres compétences par télé interposée. Sans oublier sa façon de dire «Wait for me» à torse nu, la voix idéalement étranglée. «Encore un truc dont Paolo ne sera jamais capable, même s’il s’entraîne à mort», lui a assuré Went.

«Wow!», conclut Anke. Mais comme Went vient de détourner le regard, il ne voit pas le baiser qu’elle lui souffle – et qui se désintègre dans l’électricité statique du tube cathodique.

8 septembre 2007

Dent pour dent

Patrick est rentré hébété de sa visite chez l’hygiéniste dentaire, avec deux saucissons de coton sanguinolent à la place des gencives.

«Aïe! a lâché Chantal en l’apercevant. Toi, tu l’as pilée, on dirait» «Pilée? Tu veux dire que je viens de me faire mutiler! Violer!» «Te faire violer… Par Bianca, l'hygiéniste dentaire?» «Non, Bianca est malade, alors ils m’ont collé cette brute à la place, avec ses crochets. Elle tirait tellement fort que j’ai cru qu’elle allait m’édenter. Et puis ces bruits horribles… Ziiiiii… Ziiii… Krrk… Krrk…» «Ça, ça veut juste dire que t’as beaucoup de tartre.» «Non, ça veut juste dire que c’est une malade mentale!»

«Comment elle s’appelle?» «Me rappelle plus. Un nom turc, je crois… En tout cas, la prochaine fois, je te jure que je vais leur dire directos que je me tire s’ils osent me la refiler encore, la Turque!» «Mais enfin, tu peux pas dire les choses comme ça! Tu te rends compte que tu vas passer pour un raciste, un mec haineux qui refuse de se faire soigner par quelqu’un uniquement à cause de ses origines?» «Rien à foutre! Je me suis fait violer!» «Oh, là tu exagères…» «J’ai craché au moins un litre de sang! J’ai le droit de refuser qu’elle me charcute, non?» «Mais tu sais même pas si elle est Turque!» Patrick a dardé des yeux emplis de haine sur sa femme et est sortit en claquant la porte.

Chantal a secoué la tête avec réprobation. Avant d’appeler le cabinet dentaire et de demander: «Euh oui, pour mon détartrage la semaine prochaine… Oui, je voulais juste m’assurer… Bianca sera rétablie, vous pensez? Ou il vaut mieux repousser?»

1 septembre 2007

Neutre et non-engageant

Cet été, Anke et Paolo ont prouvé qu’ils ont encore beaucoup en commun. Notamment une conception bien particulière de l’audace et du don de soi.

Fin juin: Paolo appelle Anke. Un coup de fil sur lequel nous ne nous étendrons pas, fait de banalités confondantes, où chacun se demande: «Je fous quoi, là?» L’échange s’achève sur un neutre et non-engageant: «Ouais, on se verra peut-être à la plage cet été.»

Juillet: Paolo entame une liaison passionnée avec une Danoise plus grande que lui, mais cette dernière finit par repartir retrouver son fiancé sous une éolienne en pleine mer du Nord. Anke entame une liaison passionnée avec un dénommé Ophélien: «Québecois?», demande Chantal. «Ivoirien», répond Anke. «Alors il est…?», s’écrie Chantal, subjuguée. «Black…», confirme Anke. «Oh, c’est merveilleux!», s’exclame Chantal. Mais Anke largue Ophélien deux semaines plus tard, après que ce dernier lui ait demandé mille balles «pour la famille». «T’aurais quand même pu lui laisser une chance, déplore Chantal. La multiculturalité, c’est un défi magnifique. Mais si tu baisses les bras à la moindre difficulté… Ouais, je sais, tu préfères te la jouer neutre et non-engageante.»


Mi-août: Anke et Paolo se billent dedans à la buvette de la plage. En dépit d’un trouble intense, chacun s’efforce de rester cool: Paolo en riant d’un air dégagé, Anke en poussant des exclamations légères. Paolo pense: «Elle a grossi, mais elle est toujours canon.» Anke pense: «Il a pris du lard, mais il est toujours classe.» Ils se séparent sur un neutre et non-engageant: «Ouais, alors peut-être à plus tard.»

27 août 2007

Bi, tan ou ciré?

Suite de notre parcours estival au GPS: nous avons localisé Cora, Sam et les enfants dans un idyllique cottage des verdoyantes Cornouailles. Triptyque façon imper.

1) D’abord, il a plu à seaux durant des jours et toute cette humidité a mis cruellement en évidence les limites desdits cottages: ça caille salement, à la moindre averse. Le Gulf Stream n’est donc plus ce qu’il était, affirme Cora, qui désormais cite Al Gore toutes les deux phrases – ben ouais, le Gulf Stream, tu dois imaginer ça comme un tapis roulant, mais avec les calottes glaciaires qui fondent à causes des ces sales 4x4, il ralentit. Du coup, ben l’air doux...

2) Après la flotte, il y a eu ce fameux labo qui a eu la riche idée de lâcher un virus de fièvre aphteuse sur les bovins qui paissaient dans le Devon voisin. Découragés par cet enfer sanitaire, Cora et Sam ont décidé d’avancer leur retour. Et sont arrivés pile poil pour se retrouver pris dans les inondations et les glissements de terrain helvétiques de la semaine dernière.

3) Cora se plaint à cor et à cri de ses vacances pouraves. Mais c’est pour la galerie. Car dans le secret de son for intérieur, elle interprète cette version post-moderne des plaies d’Egypte comme un signe de la Providence. Grâce à elles, en effet, elle n’a pas eu une seule fois à répéter les pénibles essayages auxquels elle s’était livrée avant son départ. Bikini ou tankini? Telle était la question borderhamletienne qu’elle avait dû affronter face au miroir en tentant (vainement) de rentrer le ventre...Heureusement, le dieu Ciré est accouru a sa rescousse. Il a noyé la racaille bitankinique en abattant son arrosoir vengeur et enveloppé Cora durant tout l’été de sa bienveillante opacité.

2 août 2007

La carte

Avis aux Chambreurs qui se demandaient ce qu’ils étaient devenus, Lumi et Sean ont passé tout le mois de juillet sur les plages de Skhiatos et sont en train de virer hellénophiles atteints. La preuve par cette carte postale reçue l’autre jour. Lorsque vous l’aurez lue, vous comprendrez pourquoi quelques explications par SMS s'imposaient, en dépit du racket nommé roaming.


SMS explicatif:

Moi: Alors, Skhiatos?
Lumi: SO HOT!
Moi: So hot façon... Cap d’Agde?!?
Lumi: Mais non! Juste super chô, 40! Impossible de dormir. Heureusement, l’ouzo coule à flots
Moi: C’est Tuula, le dessin sur la carte?
Lumi: Mati
Moi: Se dessine lui en bikini?!?
Lumi: Il avait la diarrhée. Abus de pastèques.
Moi: OK. Et Sean?
Lumi: OK! Il adore tzatziki + moussaka + retsina et il a dansé le sirtaki… Hyperamerloque.
Moi: Et toi?
Lumi: En plein live de fantasme exotik pour femme suomi: j’aime bcp les mecs grecs et leurs grands yeux noirs…
Moi: C’est pas cliché, ça?
Lumi: Si mais y’a pas de fumée sans feu. Tu veux une photo?
Moi: OK.

Lumi est du genre vache qui met volontiers ses interlocuteurs au supplice: son MMS héllénico-illustratif n’est jamais arrivé sur mon portable. 

14 juillet 2007

«Chambres de l'été» et Bruits de couloir

L’édition papier de «Chambre avec vie» est en vacances et devrait reprendre du service le 1er septembre. Ce long silence, nous en sommes conscients, a quelque chose d’insoutenable pour nos lecteurs, désespérément accros et rongés par les spéculations les plus folles: Paolo saura-t-il tirer parti des sensualités playesques pour faire vaciller les réticences d’Anke? Cora va-t-elle vivre l’heure de vérité en tentant de renfiler son bikini? Et où diable sont passés Lumi et Sean? Les témoignages contradictoires se multiplient, donnant tour à tour Djerba, Oulan-Bator, Miami, Reykjavík…

Pour vous aider à tenir le coup face à tant d’interrogations brûlantes, nous vous proposons 1) de vous inscrire à Bruits de couloir, la newsletter de «Chambre avec vie», dont profitent déjà quelques initiés, afin 2) d'être tenus au courant au moins durant les semaines qui viennent des bonus dont nous allons vous gratifier dans le cadre de notre série estivale - fort originalement et joliment intitulée, vous en conviendrez - les «Chambres de l'été».

Non seulement Bruits de couloir vous fera 1) entrer dans le club très ragoteur des Lecteurs-Chambreurs, mais elle vous offira en plus et en avant-première 2) toutes sortes de révélations concernant l’univers et les rebondissements de «Chambre avec vie».

30 juin 2007

Cybertrouble à caractère prénominal

C’est ce qui s’appelle un coup de foudre. Il a suffit que Juan pose ses yeux dessus pour se sentir ému. Pas de doute, c’est le numéro 5. Delphine. Des proportions parfaites, un grain qui doit être fabuleux au toucher, il le sent déjà sur sa peau. Il le sent même vachement bien, rien qu’en regardant l’écran. Incroyable. Il semble fait pour lui, ce grain… Juan frissonne en imaginant le contact. D’abord sur ses cuisses, puis contre son aine, avant d’envelopper souplement ses reins… Oh… Juan se cramponne un peu plus fort à sa souris. C’est fantastique de faire ça par Internet. Jamais il aurait cru que la sensation pouvait être si… concrète. Delphine, il faut qu’il booke. En abonnement. Sans la moindre hésitation.

Juan aspire une grosse goulée d’air et poursuit son exploration. Deux clics plus loin, il tombe sur Babette, numéro 2. Des lignes idéales, là aussi. Surtout cet arrondi, juste en dessus des clavicules: splendide… La caresse que ça fera sur son torse quand Babette glissera sur lui… Juan a la respiration qui s’accélère. Il voit déjà le tableau: lui, dévêtu, avec juste Babette en-haut et Delphine en-bas... Babette aussi, en abonnement mensuel. Direct.

Okay. Taper le mot de passe – Juan en a imaginé un limite lubrique qui colle au caractère hyperintime du deal…. Départ. Juan se renverse en arrière et ferme les yeux. Ça y est. Il a franchi le pas. Il a osé.

Il vient de passer commande d’un abonnement mensuel de trois slips-boxers «Delphine» et de trois maillots de corps «Babette» sur blacksocks.com.

23 juin 2007

Babyphone à l’envers

Tous les couples font ça quand ils quittent une soirée et regagnent leurs pénates: ils commentent 1) la bouffe (franchement, le tartare, je m’attendais à mieux, pas toi?), 2) les hôtes (ils avaient l’air vachement à cran, t’as remarqué aussi?) et 3) la déco (il est bizarre, leur fauteuil, hein?). La vocation de ces échanges étant strictement privée, évidemment. Chantal et Patrick n’échappent pas à la règle. Mais en champions de la pédagogie positive, ils ont pour principe de s’abstenir en présence des enfants.

L’autre soir, comme ils étaient invités chez des voisins de quartier, Chantal et Patrick ont décidé de tester leur nouveau babyphone (800 mètres de portée): si les jumeaux devaient se réveiller, ils pourraient rappliquer en moins de deux.

Le truc, c’est que Chantal et Patrick n’avait pas eu le temps de lire le mode d’emploi. Et c’est seulement sur le chemin du retour, alors qu’ils étaient en train de commenter le dessert et la terasse des voisins, qu’ils se sont rendu compte de leur bévue: ils avaient inversé les bidules, emporté l’émetteur avec eux et laissé le récepteur dans la chambre des garçons. Heureusement, Hugo et Louis les attendaient sagement allongés dans leur plumard, les yeux clos. Ouf! Ils avaient visiblement dormi à poings fermés.<br/><br/>Le lendemain, Chantal a croisé la voisine. Elle voulait la «remercier encore», mais Hugo a été plus rapide: «Ma maman, elle trouve que c’est moche, les meubles en plastique sur la terrasse», a-t-il expliqué. «Et mon papa, il a roté à cause du gâteau», a ajouté Louis.

16 juin 2007

Cora et Sam font leurs premiers pas dans leur condition de parents-qui-en-ont-deux et ça se passe pas mal du tout. Comme sa sœur à son âge, Victor est du genre bébé modèle. Quant à Tessa, elle est fan de «Vitor» et pleure régulièrement toutes les larmes de son corps parce qu’elle n’a pas le droit de le «prendre comme doudou pour dormir».

Ça n’empêche pas Cora de vivre des journées plutôt harassantes: en dépit de son charme ravageur, Sam n’a en effet réussi à extrorquer qu’une semaine de congé paternité à son chef, lequel est aujourd’hui l’être que Cora hait le plus au monde.

Elle a donc été extrêmement soulagée de voir sa belle-mère se pointer l’autre jour et lui dire: «Va faire un tour. Je m’occupe de tout.» Eperdument reconnaissante, Cora a regretté toutes les fois où elle l’avait intérieurement traitée d’emmerdeuse et s’est fait la malle, en se sentant délicieusement légère sans poussette ni porte-bébé.

En ville, elle est tombée sur sa cousine Marianne: 22 ans, dreadlockée, piercée au nez, altermondialiste et fan d’Hugo Chavez, qui trouve les enfants «chiants, mais faut pas le prendre contre toi». Comme elle vit avec ses écouteurs iPod vissés dans les oreilles, Marianne a par ailleurs tendance à parler extrêmement fort. «Ça alors! Cora! a-t-elle braillé. On m’avait dit que t’étais enceinte! Mais je savais pas que c’était des jumeaux!» Cora l’a regardée sans comprendre: «Non, non, tu…» «T’es superbe, sans dec! Et ce bidon! Putain, quelle masse! On voit que c’est pour bientôt! Tu flippes à l’idée d’accoucher, hein?»

9 juin 2007

Se montrer charitable

Il y a quelques jours, Lumi a ressenti l’impérieux besoin de changer d’air. «On pourrait filer deux semaines en Finlande, tous ensemble, avec Essi et les enfants, a-t-elle expliqué à Sean. On irait trouver ma mère à Helsinki. Et puis on louerait une bagnole et on se tirerait dans les forêts, par exemple dans la maison de Veera. Tu sais, avec ce merveilleux petit lac où t’avais adoré pêcher…»

A la perspective de devoir se saouler prochainement en compagnie de sa belle-mère dans un sauna, Sean s’est senti défaillir. Et l’évocation dudit petit lac a fait remonter en lui le souvenir de ces longues heures pénibles qu’il avait été obligé de passer à bord d’un canot avec le mari de Veera qui ne parlait que le suomi et refusait de le ramener à terre.

Sean a donc précipitamment levé les bras et secoué la tête d’un air exagérément désolé: «Sorry, honey, impossible… j’aurais adoré, mais j’ai le week-end avec Gloor… En plus Essi a l’air rétamé… Et puis, on est tellement bien, ici, avec les enfants…» Lumi l’a écouté attentivement, avant de concéder: «T’as raison, le plan Finlande, c’est pas une bonne idée.» Et elle est allée de ce pas dire à Essi la nounou de prendre une semaine de congé bien méritée.

Puis une fois Sean au boulot, Lumi s’est booké via Internet un last minute wellness à Marrakech, dans un hôtel interdit aux enfants. Avant d’appeler Gloor pour annuler le week-end: «Sean tenait tellement à passer ces quelques jours seuls avec les enfants à la maison, lui a-t-elle expliqué. Je n’ai pas eu le cœur de lui dire non.» 

2 juin 2007

Kimber contre slim&kolandjim

Récemment, Kimber de «Nip/Tuck» a fait quelque chose pour l’humanité. Elle était tout habillée pour une fois, et c’est par son vêtement que le miracle est arrivé. Notre ex-star du porno portait en effet à cet instant un somptueux pantalon sombre au tombé ample et majestueux. Un froc incroyable, idéal, un froc… taille haute! Jusque sous les côtes!

Cette vision, ç’a été délivrance indescriptible. Après toutes ces années de sévices taille basse, de bourrelets explosants, de bides à l’air et de micro-braguettes, Kimber semblait vouloir nous susurrer: «Le cauchemar est terminé. Fini le derche descendu, fini les jambons raccourcis, fini le pneu…»

Mais le paradigme du froc humilieur n’a pas dit son dernier mot et le voilà qui se déchaîne, en rebrandissant deux abominables spécimens eighties: le jeans moulant et le kolandjim – c’est comme ça qu’on prononçait le syntagme «collant de gym» au temps de nos premiers soutifs, quand on volait les chemises à nos papas parce qu’on les trouvait extrêmement cool.

Aujourd’hui, ces choses s’appellent respectivement «slim» et «leggings», mais l’effet reste le même: ça se porte avec des succédanés de chemises (des choses croisées sous-nichons façon femme enceinte appelées «tuniques»), ça vous métamorphose n’importe quelle femme en tasson et ça nous ramène à la case cauchemar.
Y’a donc plus qu’une issue pour échapper au fléau slim&kolandjim, les filles: faire comme Kimber – pour les frocs, en tout cas. Pour la scientologie, le porno et le détournement de mineurs, c’est vous qui voyez. 

26 mai 2007

Les témoins incompris

«Je crois que Marc fait sa crise de la quarantaine, nous a confié Julie, l’autre jour sur une terrasse. Ça fait trois semaines qu’il me bassine avec un bilan de sa vie sauce nostalgie. Genre ‘En fait, quand j’y pense, je vivais des trucs vachement forts avant de te rencontrer’. C’est pas odieux, ça?» Anke et moi avons acquiescé vigoureusement.

«Mais ce qui craint le plus, a ajouté Julie, c’est qu’il a ressorti ses disques de l’époque berlinoise.» «Aïe!», a fait Anke. «Et il les écoute sans arrêt, a poursuivi Julie avec humeur. Il prend cet air extatique, bourré de sous-entendus, genre ‘tu peux pas comprendre’… (Julie s’est mise à imiter Marc) …Le Berlin de l’époque? In-croy-able…Il y a avait une énergie… Un désespoir... La chute du mur, il faut l’avoir vécue pour comprendre...» Puis ç’a été au tour d’Anke de «parler Marc»: «Nick Cave… Les clubs… Si vous aviez vu comme on vivait dans Kreuzberg… Ces appartes in-croy-ables à 7 mètres de plafond…» «…Et ça caillait tellement qu’on devait dormir avec nos Docs…», a enchaîné Julie.

«En fait, Marc est en train de devenir comme ton père», ai-je dit en me tournant vers Anke. «Y’a de ça», a admis Anke. Avant de se mettre à imiter son paternel: «Mai 68, à Paris, les filles, vous avez au-cune idée, vous pouvez pas i-ma-gin-er… L’élan…» «…Cette conscience politique dans tous nos gestes…», ai-je ajouté. «…Et la petite étudiante maoïste qui brûlait son soutien-gorge devant le Flore…», a rechéri Julie. «Et la fois où il a touché Cohn-Bendit…, a soupiré Anke d’un air douloureux. Non, pitié…» 

19 mai 2007

Conséquences présidentielles

Cora a perdu les eaux sur son canapé pendant le discours de Sarko suite à sa victoire aux élections présidentielles françaises. C’est ce qui s’appelle un timing biologico-historique magistral. «Et merde…», a fait Cora, en découvrant simultanément le nouveau président de la République et la tache sur le sofa. «Tu veux qu’on y aille?», a demandé Sam. «Non, non, a répondu Cora de l'air désinvolte de la fille cool qui ne flippe jamais. Je préfère attendre ici. Chez moi. Au calme. Tant que c’est supportable, ça sert à rien de s’exciter.»

Sam a fait semblant de la croire. Mais quand Cora a eu ses premières contactions et s’est mise à ponctuer la captivante passe d’armes entre DSK et Jack Lang de jurons étouffés, il a décidé qu’il était temps d’appeler sa mère pour lui demander de rappliquer fissa.

Marine Le Pen venait juste de prendre la parole – et d’imprimer une émotion inavouable à Sam qui, phénomène ô combien honteux, frémit involontairement chaque fois qu’il entend sa voix de panthère … – quand Cora a tout à coup gémi: «Taxiii… Hostioo… Viite… Aah…»

L’un dans l’autre, l’accouchement s’est plutôt bien passé. Sam a stoïquement servi de reck à Cora durant cinq heures d’affilée – elle disait que les seuls moments où elle n’avait pas mal, c’était quand elle se suspendait à son cou de tout son poids. Et il a accueilli ses plaintes avec une empathie remarquable – tout en se jurant de flinguer l’anesthésiste qui préférait «attendre encore pour la péridurale».  

12 mai 2007

Juste entre parenthèses

Comme le gynéco lui a dit que ses contractions n'étaient qu'une fausse alerte, Cora a décidé d’empoigner le dossier Paolo et d’appeler Anke.

Mais pas question de mettre les pieds dans le plat, non, Cora se l’est jouée super subtile. Elle a commencé par décrire en long et en large les détails de sa grossesse pour flatter les compétences médicales d’Anke (le col fait encore 2,3 centimètres… ouais, le gynéco pense 2 kilos 8 pour l’instant… non, le sexe on sait toujours pas et, on veut pas… ouais, je suis pas mal constipée… non, je suis sous mucilage). Ensuite, Cora s’est un peu plaint de Sam, histoire de faire évoluer la conversation du côté du versant «les mecs» (il m’énerve, il quitte plus son Bose Quiet… ouais, le casque… kèsset’en penses, il bloque, il angoisse parce qu’on en aura bientôt deux?). Ensuite, elle a demandé à Anke s’il y avait du nouveau (alors raconte, les amours... aha... woaow… mmh… beau mec… mmh… ouais… ouais… ah au fait, tu sais pas la meilleure, Paolo m’a demandé ton numéro, c’est incroyable, tu trouves pas?). Et là, bingo! Anke lui a donné une réponse sans équivoque (qu’est-ce que tu veux que ça me foute?).

Cora a raccroché, réfléchi un moment, puis appelé Paolo pour lui décrire la situation en toute honnêteté (tu vas morfler mais c’est jouable… t’es vraiment prêt? okay… mais tu vas devoir payer de ta personne, je t’avertis… exact… viens chez moi demain… et t’as pas intérêt à débarquer sans chips Burts … non, je veux les Hot Chili Lemon… et je les veux rien que pour moi, t’as bien compris?) 

28 avril 2007

«Entourage» et dérapage

Chantal a regardé les premiers épisodes d’«Entourage» et elle s’est tellement répandue en «excellent», «super» et autres «délectable», que Patrick a pris le train en marche pour suivre avec elle les aventures de ces New-Yorkais un peu bas de plafond, qui partent à Hollywood rejoindre leur copain promis à un avenir de star de ciné. On les suit donc après les joints du petit-dèje dans les partys glam-décadentes de L. A. Sous le soleil de Californie, filles et garçons semblent n’avoir qu’un seul but dans la vie: «baiser un maximum de stars».

Tout ce cynisme, Patrick, ça l’a déstabilisé: c’était comme si on lui faisait sentir 1) qu’il était définitivement passé du côté des vieux ringards, 2) que sa jeunesse à lui, en dépit de folles bitures et d’échappées cochonnes, n’avait été qu’une retraite au couvent face à l’estomaquante endurance sexuelle de ces jeunes débiles.

La cerise sur le gâteau, c’est que Chantal, elle, ne semblait pas perturbée le moins du monde. D’où ça lui venait, tout ce know-how, hein? «Mais arrête! lui a-t-elle lancé. Depuis le dernier Tom Wolfe, tout le monde sait que le nouveau hobby de la jeunesse US, c’est de niquer des célébrités.» «Mais ça craint!» «Mais oui… Mais c’est marrant, aussi!» «Ben là, tu vois, ton attitude est complètement hypocrite!» «Mais pas du tout! Et puis relaxe! C’est juste une série… Allez, détends-toi… Tu veux que je t’amène une autre bière?» «Non, je veux qu tu me fasses ce que la blonde à gros seins aurait fait à Vince dans la piscine, si Ari n’avait pas débarqué…»

21 avril 2007

QuietComfort3: l'addiction

Sam a toujours trouvé que même s'il est vachement sympa, Juan est un frimeur. Surtout en matière d'équipement électronique. Car dans ce domaine à haut snobisme ajouté, tout ce que Juan possède est top. Et chacun de ses gadgets électroniques high-tech high-design est pour lui comme un voluptueux marche-pied vers l'extase et la paix intérieures. Au point que quand son téléphone Bang &amp; Olufsen tinte suavement ou quand ses micro-enceintes multiorientées Bose l'enveloppent de leur sonorité satinée, Juan est dans un état qui doit se rapprocher de celui qu'atteint le dalaï-lama après cinq heures de méditation: carrément second.

Sa dernière acquisition, c'est un casque. Mais pas n'importe lequel, évidemment. Car ce casque-là (nom de code Bose QuietComfort3) ne sert pas qu'à écouter de la musique avec une qualité sonore exceptionnelle, non: ce qu'il sait faire, surtout, c'est distiller... du silence. Et affranchir celui qui le porte de l'incessante rumeur du monde pour lui offrir le luxe ultime... du rien - tout ça pour la modique somme de 648 francs, frais de port non compris. «Mais on devient super vite accro, a confié Juan à Sam. Moi, en tout cas, je souffre chaque fois que je dois l'enlever.» Et comme il voyait que Sam ne le croyait pas, Juan lui a prêté son QuietComfort3.

C'était il y a deux semaines. Aujourd'hui, Sam a reçu le sien par courrier et éprouvé un soulagement colossal. Là, c'est bon, le bébé peut arriver: Sam, maintenant, a les munitions nécessaires pour aller affronter Cora en salle d'accouchement. 

14 avril 2007

Le caca de chat

Certaines hérédités finissent immanquablement par vous rattraper. Même si vous aviez longtemps cru leur échapper les doigts dans le nez, parce que reproduire les schémas lamentables, c’est vraiment pas votre genre. Mais paf, voilà qu’un beau jour, vous vous retrouvez en plein dedans.Mon schéma héréditaire lamentable à moi, c’est le caca de chat.

Séquence souvenir: j’ai 6 ans, on est à table et ma mère a préparé une salade russe maxi mayo – un classique de la gastro seventies, heureusement largement tombé dans l’oubli depuis. Je fronce le nez devant ce monticule informe barbouillé de blanc et je demande: «C’est quoi, ça?» A quoi ma mère répond sèchement: «Du caca de chat!» Cette réaction à deux balles pétrie d’agressivité démontre à quel point ma mère était incapable de prendre la moindre distance: se laisser piquer au vif par une gosse de 6 ans, c’est pitoyable, on est d’accord.

Séquence aujourd’hui: je viens de préparer un succulent «risotto verde» avec plein de légumes frais – notre mayo contemporaine, si on y réfléchit bien, y’a pas un plat où on n’en met pas. J’apporte triomphalement ma marmite à table. L’aîné fronce le nez en scrutant le contenu et demande: «C’est quoi, ce truc vert?» Je n’en reviens pas. Ce que ce gosse est ingrat! Et moi qui vient de passer deux heures en cuisine! Deux! J’essaye de me maîtriser. Je veux rester calme, souveraine, et lui dire avec douceur: «C’est du risotto! Tu vas adorer!» Mais le piège atavique se referme, implacable. Et je m’entends articuler sèchement: «Du caca de chat!»

31 mars 2007

Back To Basics

Quelque chose ne va pas, Sean le sent bien. Un truc, en lui, est sur le point de céder. De craquer. Aucun doute, il flirte avec la limite. Et le test sur Internet vient de confirmer ce qu’il pressent depuis un bon moment: le burn out le guette.

Ça y est, le mot est lâché: burn out. Deux syllabes qui résument implacablement ce qui lui arrive. A lui, Sean, qui se défonce sans compter, alors que tout le monde s’en fout. A lui, Sean, qui sera bientôt complètement cramé. Dans l’indifférence générale.

Sans compter que les symptômes annonciateurs se multiplient à vitesse grand V: il a du mal à se lever le matin (quatre heures de sommeil ne lui suffisent plus), son rendement professionnel diminue (comment expliquer sinon la stagnation de son bonus), il se sent désabusé (les hedge funds l’enthousiasment moins), il a l’impression que personne ne remarque ses efforts (à l’image de Gloor qui lui a démoli le point b de son concept stratégique durant toute la séance de ce matin) et il oublie ses rendez-vous (comme cette récente visite ratée chez le pédiatre avec Pirkko, précisément parce qu’il était absorbé par la formulation du fameux point b).

Bref, s’il veut enrayer cette spirale, Sean doit réagir: 1) en posant des limites, 2) en redéfinissant ses aspirations professionnelles profondes. Un sacré challenge. Mais que Sean relève sans hésiter. 1) Il demande à sa secrétaire d’appeler Lumi pour lui dire qu’il ne pourra plus amener Tuula au cours de musique, 2) il se renverse dans son fauteil en méditant au meilleur moyen d’anéantir Gloor. 

24 mars 2007

Réchauffe en vue?

A peine Paolo avait-il tourné les talons que Cora a attrapé le téléphone et appelé Chantal.

- J'ai une exclu!
- Quoi?
- Je crois que Paolo est sur un plan réchauffe avec Anke!
- Quoi?!
- Je t'assure!
- Mais il l'a jetée il y a vingt ans, il n'a plus jamais demandé de ses nouvelles et là...
- Ben justement! Là, il a reprononcé son nom!
- Non!
- Siii! Au moins trois fois!
- Et qu'est-ce qu'il voulait?
- Oh il a fait comme s'il était là pour prendre des nouvelles, papoter... D'ailleurs, il avait apporté des chips Burts Hot Chili Lemon, super bonnes, d'ailleurs...
- Arrête de penser qu'à bouffer!
- Euh ouais. Bon alors il me raconte l'air de rien qu'il a aperçu Anke de loin l'autre jour près de l'hôpital et il me demande si je sais si elle bosse toujours là...
- Nom de Dieu!
- Tu l'as dit! Et il rougissait!
- Paolo?
- En personne! Et t'aurais dû voir! Il bâfrait les chips, genre pour se donner contenance et moi ça m'a énervée, parce qu'avec mon ventre j'arrivais pas à allonger le bras vers le plat aussi vite que lui...
- Arrête avec tes chips!
- Ouais. Donc je lui ai demandé s'il voulait son numéro.
- Et?
- Il a dit ouiiii!
- Donc il va l'appeler!
- Tu l'as dit.
- Ce serait quand même incroyable...
- Tu l'as dit.<code><br/></code>- Arrête de répéter tout le temps tu l'as dit.
- Et toi arrête de m'engueuler.
- Okay. Bon, il faut que t'appelles Anke.<code><br/></code>- Non, impossible.
- Et pourquoi ça?<code><br/></code>- Parce que j'ai des contractions.
- Ah... Merde, c'est vraiment pas le moment...<code><br/></code>- Tu l'as dit! Non seulement c'est trop tôt, mais en plus avec cette histoire de réchauffe, j'ai vraiment d'autres priorités... 

17 mars 2007

Pouvoir parler à quelqu'un

La scène représente deux mères dans le bus: D avec son nourrisson (3 semaines) et E avec son enfant (9 mois).
E: Et l'allaitement, ça roule?
D: Super bien, c'est trop chou, comme contact, c'est...
E: Ouais, c'est génial! Moi j'ai adoré et franchement, j'ai pas trouvé facile, le sevrage, surtout avec tous ces gens qui te culpabilisent quand tu passes pas au bib du jour au lendemain, alors que franchement y'a rien de plus naturel...
D: Mmmh, je peux pas encore vraiment....
E: Mais c'est net! Y'a plein de cultures où on allaite les enfants super longtemps! Moi je comprends pas toute cette réticence, comme si c'était un truc malsain, pervers... Enfin, l'essentiel, c'est de t'écouter toi et de pas les laisser te mettre la pression! Parce que c'est ton corps, ton bébé, ton lien! C'est toi qui décide, faut pas déconner, ça regarde personne à part toi, faut laisser personne vivre cette histoire à ta place...
D (baisse la voix): Bon, y'a juste que dormir en soutien-gorge...
E (éclate d'un rire sonore): Ha, ha, ha! Ah ouais, je vois! T'es le genre généreux qui en met partout, hein? Ha, ha, ha! Faut le soutif avec machins absorbants dedans, sinon tu te réveilles trempe... Ha, ha, ha! Qu'est-ce que ça me fait marrer, maintenant, mais bon, c'est vrai que sur le moment, c'est mezzo comme impression! Ha, ha, ha!
D (glaciale): Ouais, mezzo, vraiment et...
E: Mais bon, l'essentiel, tu vois, c'est de pouvoir en parler librement. Avec quelqu'un qui t'écoute et qui sache s'effacer sans projeter sa propre histoire sur ton vécu, tu vois ce que je veux dire?

10 mars 2007

Le Scorsese de la deuxième chance

Martin Scorsese a enfin reçu ses Oscars et Paolo, ça lui a fait quelque chose. D'abord parce qu'il a toujours considéré Scorsese comme un génie - le fait que Sharon Stone soit dix fois plus bandante dans «Casino» que dans «Basic Instinct» en est la preuve irréfutable, à ses yeux. Mais surtout, il se sent une sorte d'intimité secrète avec le papa des «Goodfellas», notamment depuis qu'il sait que c'est lui qui a réalisé en 1987 le clip de Robbie Robertson «Somewhere Down The Crazy River».

Objectivement, ledit clip n'arrive par à la cheville de «Raging Bull», mais pour Paolo, le redécouvrir, ç'a été une colossale madeleine audio-visuelle: il lui a suffi de réentendre la voix de Robertson crooner «Catch the blue train...» pour se retrouver vingt ans en arrière, dans cette chambre d'hôtel borgne à New York, où il avait passé trois semaines à pélos à faire des trucs hyperlubriques avec Anke... Ah! Le New York eighties! Vertigineux, déferlant, ultraglauque! Paolo revoyait tout: lui, jeune et très cool, Anke, vachement belle et insatibale, leurs orgies de nachos-margharita dans Tribeca, leurs kilos de joints, les groupes grunge au CBGB, Anke en train de vomir, lui en train de vomir, Anke en train de lui... Stoop! Et dire qu'il avait été assez naze à l'époque pour la plaquer comme le dernier des salauds...

Paolo a senti l'aiguillon de la nostalgie, mais aussi qu'il n'était pas seul. Pas de doute, Martin et Robbie lui faisaient signe: «T'as bientôt 40 ans, mais pas trop de pneu: t'as droit à une deuxième chance.» 

3 mars 2007

Chacun sa croix

Cora et a entamé les cinq semaines de «purgatoire horizontal» prescrites par son gynécologue pour éviter qu'elle accouche prématurément. Concrètement, ça veut dire qu'elle vit couchée (de jour sur son canapé, de nuit dans son plumard) et est interdite de tâches quotidiennes. Sam, lui, gère tout le reste: Tessa, les courses, les repas, le ménage, son chef...

C'est vrai qu'en apparence, Sam en bave et Cora se la coule douce. Elle s'est déjà fait deux saisons de «Deadwood» pendant que lui jonglait entre la crèche, les rendez-vous d'affaires et l'aspirateur. Et elle s'est servie de sa carte de crédit à lui (la sienne à elle est «quelque part au boulot») pour écumer les e-shops du web entier - sept coffrets DVD, seize saucissons de Morteau et une fontaine à absinthe (c'est bizarre, parce que normalement, Cora déteste l'anis), deux kilos de choc berlinois hors de prix, les soldes Formes...

Mais il faut voir au-delà. Parce qu'en réalité, Sam n'échangerait pour rien au monde ses tonnes de lessive contre les piquouses anti-thrombose abominablement douloureuses que Cora doit se faire tous les matins, ou pire, contre les bas nylon blanc (anti-thromboses également) qu'elle est obligée de porter jour et nuit - surtout à cause de cette ouverture qu'ils ont sur le coup de pied et qui leur confère une aura particulièrement dégradante. Et surtout, Sam est soulagé que ce soit la masse musculaire de Cora qui fonde à vue d'œil et pas la sienne: entre nous, lui, il serait au fond du trou s'il n'avait plus que la graisse sur les os.

24 février 2007

Un parfum de nénés

Marc a appris par hasard une histoire vraie qui l'a vachement remué: celle de ce pauvre gosse que sa mère oignait tous les jours avec une lotion corporelle «riche en huile essentielle de lavande». Résultat: ledit petit garçon s'était vu pousser des seins.

En apprenant cette sombre affaire d'oléo-hormone, Marc a été saisi d'angoisse. Est-ce que Julie faisait pareil avec Leo? Une inquiétude d'autant plus justifiée que Marc connaît (presque jusqu'à l'écœurement, pour être honnête) l'inclination ultra-lavandique de son épouse, qui a tendance à en mettre partout. Marc a donc passé fébrilement en revue les champs de déchaînement de Julie: les armoires (petits sachets), les chiottes (pots pourris), la buanderie (eau de repassage), la salle de bain (bougie), le garde-manger (miel)... Mais ouf! Pas de lotion ni de bain moussant à la lavande pour Leo: le torse de son fils serait sauf!

Marc a alors réalisé que le lavande-monopole avait épargné jusque là un pan majeur de ses fantasmes, alors que c'est précisément là que ses plus beaux effets restaient à déployer: le décolleté de Julie. Il a donc foncé à la droguerie pour acheter une lotion à la lavande et l'a offert à Julie en affirmant que c'était «chaudement recommandé par les spécialistes pour les soins du buste».

Depuis, Marc est aux aguets pour vivre en direct le moment où les seins de Julie boostés à l'hormone de Provence feront péter le soutif. Quant à l'odeur, il est devenu insatiable et s'est même porté volontaire pour le repassage. Histoire de sniffer son comptant de vapeur de nénés. 

17 février 2007

Le complot

A la rédaction du magazine féminin «Elle», on a pris une décision forte, on a franchi le pas, on a dit merde aux conventions. Via la rubrique culinaire, dont on sous-estime trop souvent le potentiel subversif et contestataire. Son dernier-né s'appelle «Recettes en séries» et il fait très fort. D'un côté, il libère les lectrices de leur culpabilité, en leur disant franco qu'elles ont le droit d'être elles-mêmes et de s'outer (parce que ouais, y'a rien de dégradant à être raide-dingues de Lost-Jack et du Dr Troy, d'ailleurs tout le monde l'est, et en plus, rien qu'entre nous, les filles, y'a pas plus tendance). De l'autre, il émancipe la lectrice-téléspectatrice qui s'assume en lui proposant des recettes de «plateaux-télé à thèmes» censés coller aux séries. Vous ne rêvez pas: «Elle», qui sinon se gargarise au gastro-raffinement frouze, porte au pinacle le dégoûtant emblème de la décadence fast-foodique ricaine et le déclare même «ultra-chic».

C'est presque un changement de paradigme et je devrais battre des mains de me sentir enfin comprise... si les plateaux-télé made in «Elle» n'étaient pas des variations sur le thème «la gamelle de mon clébard» - le «plateau-tôle» pour «Prison Break», par exemple, a l'air de dégueuli tout frais. Incroyable, d'autant plus que d'habitude, «Elle» la joue à fond food-design.

Conclusion: ce statement, c'est du pseudo, de la propagande de diététiciennes, qui veulent nous faire passer toute envie de plateau-télé. Alors avis aux sérioliques qui ne sont pas dupes: «The Shield» va vachement bien aux chips M-Budget paprika (les meilleures) et à la Ticino-binche Fine Food. 

10 février 2007

Fausses impressions

Cora n'en est à qu'à sa 30ème semaine de grossesse, mais son bébé menace déjà de débarquer. Verdict de son gynécologue: une semaine d'hostio pour des examens, suivie de cinq semaines de repos strict à la maison avec le droit de se lever «uniquement pour aller aux toilettes». Cora a failli éclater en sanglots en apprenant ce qui l'attendait, mais Sam lui a remonté le moral en lui faisant miroiter tous les DVD qu'elle allait pouvoir engloutir.

Une fois arrivée à la clinique, Cora l'a rappelé, totalement déprimée. «Parle au toubib, l'a-t-elle supplié. Promets-lui n'importe quoi, que tu feras le garde-chiourme, mais tire-moi d'ici. Je me sens si... diminuée...» Pour Sam, ça ne faisait pas un pli: Cora venait de réaliser que ces semaines de repos forcé seraient aussi des semaines sans relation sexuelle.

Il s'est donc senti légèrement humilié en se rendant compte que sa femme n'avait pas pensé une seule seconde à tout ce sexe mis entre parenthèse et qu'en réalité, ce qui la minait, c'était sa voisine de chambre: un superbe bidon mégatendu par des jumeaux, juché sur une silhouette irréellement svelte et ferme. Un vrai mannequin Cocoon, l'air outrageusement frais et reposé. «Sa première grossesse», Cora en aurait mis sa main au feu.

D'autant plus que le mannequin Cocoon l'avait écouté d'un air captivé quand Cora lui avait longuement expliqué qu'une grossesse, quand on a déjà un enfant, «ça n'a rien à voir». «Première grossesse» avait acquiescé d'un air admiratif. Avant de raconter sa vie à Cora et de lui parler... des quatre filles qu'elle avait déjà.

3 février 2007

Infection, baston, malédiction

Toute la semaine dernière, notre quotidien a eu l'allure dévastée d'un champ de bataille. Avec le trio chéri-enfant1-enfant2 canardé par les virus, et moi qui tentait d'endiguer le mal - paracétamol à la louche (jour et nuit), hectolitres d'eau salée (jour) et gouttes nasales (nuit), sirop expectorant (jour) et sirop antitussif (nuit)... Une vraie dèche. Heureusement, nous avions des sucreries et des DVD pour des traitements supplétifs: Smarties et «Age de glace 2» en boucle pour les enfants (jour), Toblerone et trilogie «Seigneur des Anneaux» pour le chéri (nuit).

Samedi, j'ai cru qu'on avait donné le tour et que j'allais enfin pouvoir me laver les cheveux. Quand tout à coup, la température de l'aîné a repris l'ascenceur et le chéri a couru s'enfermer aux toilettes, ahanant d'une voix faible à travers la porte: «Bide...foutu...» Traduction: «Chéri hors service STOP Pédiatre de garde avec aîné et cadet sous le bras pour ta pomme STOP Tant pis pour tes tifs STOP»

Après nous avoir abandonnés une bonne heure dans la salle d'attente entre trois briques Lego et quelques livres déchiquetés, l'assistante médicale du pédiatre de garde est venue nous chercher pour piquer le doigt de l'aîné(«Faut qu'on vérifie si c'est bactérien»). L'aîné s'est aussitôt mis à hurler. Je l'ai maintenu tant bien que mal alors que l'assistante médicale lui piquait le majeur en faisant le gros dos, parce que le cadet la rouait de coups en vociférant «Méchante! Méchante!»

Là, j'ai eu la sensation très nette que quelqu'un voulait ma peau. 

27 janvier 2007

L'ivresse du choc

Chantal est depuis toujours en conflit avec ses parents à cause de l'enthousiasme que ces derniers nourrissent pour le progrès technologique, «sans jamais se préoccuper des conséquences de cette fuite en avant». Face à son père et à sa mère qui piratent des séries sur le Net et adorent le convinience food, Chantal tente donc d'opposer de «vraies valeurs». Et elle les tance vigoureusement dès qu'elle apprend qu'ils ont fait découvrir à Louis et à Hugo les sticks de poisson ou «Cars» en format DVX.

En allant récupérer sa progéniture mercredi dernier, Chantal se demandait contre quoi elle allait devoir s'insurger cette fois. Elle a donc éprouvé un certain soulagement en voyant que Louis et Hugo brandissaient juste un paquet de biscuits fourrés au chocolat -même si Chantal a frémi en imaginant tous les agents conservateurs planqués dedans. «Et grand-maman nous a montré un truc vachement cool pour les manger!» s'est écrié Louis, avant de faire à sa mère la démonstration d'une répugnante technique de rongeage du biscuit double.

Irritée, Chantal s'est laissé aller à une surenchère qu'elle aurait normalement jugée hyperdéplacée: «Grand-maman n'a aucune idée, a-t-elle lâché. Quand on est vraiment cool, on fait comme ça.» Et c'est ainsi que Chantal a initié ses bambins à l'art gore du décollage de biscuits double (avec les dents) et du raclage de choc (toujours avec les dents).

Jamais elle n'oubliera l'ivresse qui l'a envahie lorsqu'elle a entendu ses enfants murmurer «Super!» en la regardant faire. Normal, c'était la première fois. 

20 janvier 2007

Juan@youtube.com (2)

La semaine dernière, nous avions laissé Juan effondré devant youtube.com, un verre de whisky à la main. Motif de cette descente aux enfers intérieure: la vénération qu'Isabel nourrit pour le sémillant Paolo Nutini et sa version live de «Last Request», précisément offerte sur youtube.com pour d'infinies replayites.

Juan était sur le point de jeter Nutini et l'ordinateur par la fenêtre, mais s'est ravisé après avoir sifflé un schluck de Single Malt. A la place, il est allé visiter youtube.com. Et a été récompensé dans sa quête par une splendide trouvaille: un live de «Hey» (*), le tube mythique des Pixies, punk-rockeurs vénérables qui avaient été jeunes en même temps que Juan, mais jamais beaux, contrairement à Paolo Nutini - et à Juan.

Sur ledit live, ses Lutins cultes avaient tous terriblement vieilli et grossi. Au point que la guitare du chanteur Black Francis, par exemple, paraissait toute petite entre ses bras grassouillets. Mais jamais Juan ne les avait vus meilleurs, plus trash, plus charnels. Jamais Black Francis n'avait bramé ses cochonneries plus sensuellement, jamais «Hey» n'avait été plus sexe et plus désespérée. A côté de ça, Nutini c'était du sirop de grenadine! Juan était aux anges. Il s'est resservi un double-whisky, avant de monter le son à coin et de se refaire «Hey-cuvée-old» vingt-huit fois d'affilée.

En rentrant, Isabel l'a trouvé cabré devant son écran d'ordi, en train de brailler un peu obscènement et très faux (il avait le casque sur les oreilles): «But Heyyyy! Whe-heeere have youuuu be-eeeen??»

13 janvier 2007

Juan@youtube.com (1)

Juan a démarré l'année avec le moral au fond des bottes à cause du brit-popeur Paolo Nutini. Ou plutôt à cause d'Isabel. Enfin plus exactement à cause d'une récente rediffusion de l'édition de Taratata où l'odieux Nagui avait invité Paolo Nutini.

Jamais Juan n'oubliera cette maudite émission par laquelle tout est arrivé. Ni l'écœurante fascination que Nutini a aussitôt exercé sur sa femme avec sa voix geignarde et sa dégaine de bellâtre lippu à grande mèche. Ni le soupir humide qu'a poussé Isabel lorsqu'elle a entendu l'odieux Nagui clamer: «Et il n'a que 19 ans!»Pas de doute, ça sentait très mauvais.Dès le lendemain, Juan est allé écumer le Net pour prendre la mesure du danger. Et le web a confirmé toutes ses inquiétudes. Juan a par exemple eu la nette impression qu'Isabel pourrait souscrire sans mal aux propos d'une certaine Mimi256 qui confiait: «C'est vrai qu'il est un peu jeune, mais j'en ferais bien mon quatre heures...!» Et les jours suivants, Isabel en a copieusement rajouté en se repassant sans arrêt d'un air ému Nutini à Taratata sur Youtube (*), «parce qu'en live c'est tellement plus fort».Juan a donc décidé qu'il était temps d'aller affronter l'ennemi.

En le (re)découvrant sur Youtube, il a cru défaillir de rage: c'est qu'il avait presque oublié à quel point ce petit salaud pouvait être convaincant avec sa voix brisée et sa bouche à bouffer du praliné! Juan est allé se servir un Single Malt pour ne pas flancher. Puis il s'est mis à faire les cents pas en méditant au meilleur moyen de flinguer P.N.