Certaines hérédités finissent immanquablement par vous rattraper. Même si vous aviez longtemps cru leur échapper les doigts dans le nez, parce que reproduire les schémas lamentables, c’est vraiment pas votre genre. Mais paf, voilà qu’un beau jour, vous vous retrouvez en plein dedans.Mon schéma héréditaire lamentable à moi, c’est le caca de chat.
Séquence souvenir: j’ai 6 ans, on est à table et ma mère a préparé une salade russe maxi mayo – un classique de la gastro seventies, heureusement largement tombé dans l’oubli depuis. Je fronce le nez devant ce monticule informe barbouillé de blanc et je demande: «C’est quoi, ça?» A quoi ma mère répond sèchement: «Du caca de chat!» Cette réaction à deux balles pétrie d’agressivité démontre à quel point ma mère était incapable de prendre la moindre distance: se laisser piquer au vif par une gosse de 6 ans, c’est pitoyable, on est d’accord.
Séquence aujourd’hui: je viens de préparer un succulent «risotto verde» avec plein de légumes frais – notre mayo contemporaine, si on y réfléchit bien, y’a pas un plat où on n’en met pas. J’apporte triomphalement ma marmite à table. L’aîné fronce le nez en scrutant le contenu et demande: «C’est quoi, ce truc vert?» Je n’en reviens pas. Ce que ce gosse est ingrat! Et moi qui vient de passer deux heures en cuisine! Deux! J’essaye de me maîtriser. Je veux rester calme, souveraine, et lui dire avec douceur: «C’est du risotto! Tu vas adorer!» Mais le piège atavique se referme, implacable. Et je m’entends articuler sèchement: «Du caca de chat!»