Quand elle avait mon âge, ma mère était déjà une vraie mémère. Elle détestait Nina Hagen et les jeans moulants. Très, très méchamment, je pensais qu’elle faisait semblant de ne pas aimer mes stretch parce qu’elle était déjà trop grosse pour entrer dedans. Pour elle, faire la fête c’était se siffler du Single Malt entre amis dans un bar bourge avec musique douce, sans avoir dans les pattes des ados moulés au stretch. Une vraie has been, pas cool du tout.
Aujourd’hui, nombre de mes contemporains (moi comprise) ont sincèrement l’impression de ne pas être comme ça, d’avoir su rester cool et ouverts, sans rupture. Et pourtant. Un gourou du Zurich branché a récemment livré une éclairante analyse des «nouveaux trends urbains hypes». Sa conclusion: les «Ü 35» (pour «über 35», c’est-à-dire les 35 et plus) dans le coup réclament des endroits «pour eux». Avec «atmosphère douillette» (mais branchée), «tranquille, propice à la discussion», où la musique serait «pas trop fort» et les tenues «moins sexy».
L’avenir in est donc au club pour quadras qui n’aiment pas les nombrils à l’air (c’est «tellement pitoyablement fashion victim» et en plus, avec le pneu qui pousse, ce n’est plus pour nous), mais veulent picoler de bons alcools dans une lounge design (pas se flinguer au Red Bull-vodka dans une cave où ça pue) en faisant la causette (sans qu’un DJ cinglé nous explose les tympans).
Quelque part, c’est vrai que nous ne sommes pas comme nos vieux: nous, nous avons des concepts cool qui nous font croire qu’on peut être «Ü 35» sans être has been.
28 mars 2006
21 mars 2006
Chicken Alert
Chantal est une maman mordue d’alternatif. Et en tant que telle, une obsédée du système immunitaire. Sa mission de tous les jours: le «fortifier». Que ce soit en emmenant régulièrement ses enfants dans une ferme bio «pour le lien à la terre», en leur interdisant les hamburgers ou en les gavant de médics «naturels». Chantal est en effet une enthousiaste adepte de l’homéopathie et des décoctions «ancestrales qui renforcent les défenses». Elle ne se résigne donc aux antibiotiques qu’en dernier recours, par exemple en cas d’inexplicable échec des globuli; face à une otite aiguë.
Chantal a évidemment refusé de faire vacciner ses enfants. Elle est «sûre» que cette saleté leur bousillerait leur système immunitaire et trouve «inquiétant» que tant de parents fasssent encore preuve d’aveuglement, tout en comprenant que c’est «dur» de rester vigilant, vu les «milliards» qu’investit l’industrie pharmaceutique pour dissimuler «les effets secondaires dévastateurs du ROR». Chantal, elle, préfère «protéger» ses gosses. Et faire confiance à l’allaitement et au jus de bouleau.
Mais depuis que la grippe du poulet ne sévit plus seulement dans la lointaine et holistique Asie, Chantal a les jetons. Les globuli anti-grippe suffiraient-ils si ses mouflets venaient à contracter cette saloperie dans le poulailler bio? Dans le doute, elle a jugé plus prudent de se procurer une décoction amazonienne. Ainsi que quelques boîtes de Tamiflu. Et trouve «scandaleux» que l’industrie pharmaceutique n’ait pas encore réussi à mettre au point un vaccin.
Chantal a évidemment refusé de faire vacciner ses enfants. Elle est «sûre» que cette saleté leur bousillerait leur système immunitaire et trouve «inquiétant» que tant de parents fasssent encore preuve d’aveuglement, tout en comprenant que c’est «dur» de rester vigilant, vu les «milliards» qu’investit l’industrie pharmaceutique pour dissimuler «les effets secondaires dévastateurs du ROR». Chantal, elle, préfère «protéger» ses gosses. Et faire confiance à l’allaitement et au jus de bouleau.
Mais depuis que la grippe du poulet ne sévit plus seulement dans la lointaine et holistique Asie, Chantal a les jetons. Les globuli anti-grippe suffiraient-ils si ses mouflets venaient à contracter cette saloperie dans le poulailler bio? Dans le doute, elle a jugé plus prudent de se procurer une décoction amazonienne. Ainsi que quelques boîtes de Tamiflu. Et trouve «scandaleux» que l’industrie pharmaceutique n’ait pas encore réussi à mettre au point un vaccin.
14 mars 2006
Le père et le cash
La semaine dernière, Lumi et moi avons passé un après-midi remarquable, façon paix royale. Pirkko pionçait ferme couverture, les grands jouaient aux princesses-dinosaures et aux chevaliers-Shrek à l’étage. On pouvait donc bâfrer du cake sans redouter d’avoir à chaque instant un conflit insoluble à arbitrer la bouche pleine. La plénitude!
C’est là que Lumi m’a raconté qu’elle avait récemment réalisé un truc: elle était lessivée, alors que Sean pétait la forme, carrière au poing. «Ce qu’il y a de vache, a poursuivi Lumi, c’est que même quand il voit à peine les enfants, il n’a jamais de doute sur sa place de paternel. Il peut même brandir l’argument bateau de la société moderne qui n’est pas mûre pour le temps partiel masculin. Alors l’autre jour, j’ai décidé de mettre les pendules à l’heure.» «Comment?», ai-je demandé. «J’ai cessé de me sentir mal par rapport au fric et au fait que je vis à ses crochets, a répondu Lumi. J’ai compris que pour m’en sortir, je devais réussir à considérer l’argent qu’il gagne comme étant le mien. De la même façon qu’il considère les enfants que j’élève moi comme étant les siens.
»Eh bien depuis, a-t-elle poursuivi, je comprends mieux les mecs qui ont le front d’affirmer qu’avoir des enfants, ça ne vous chamboule pas tant que ça l’existence. J’ai même décidé de les battre à plate couture sur le terrain de la mauvaise foi et de leur dire, chaque fois qu’ils geignent à cause du boulot, que gagner sa vie, ce n’est pas si dur que ça. La preuve, taper 300 balles à Sean, ça n’a rien d’éreintant.»
C’est là que Lumi m’a raconté qu’elle avait récemment réalisé un truc: elle était lessivée, alors que Sean pétait la forme, carrière au poing. «Ce qu’il y a de vache, a poursuivi Lumi, c’est que même quand il voit à peine les enfants, il n’a jamais de doute sur sa place de paternel. Il peut même brandir l’argument bateau de la société moderne qui n’est pas mûre pour le temps partiel masculin. Alors l’autre jour, j’ai décidé de mettre les pendules à l’heure.» «Comment?», ai-je demandé. «J’ai cessé de me sentir mal par rapport au fric et au fait que je vis à ses crochets, a répondu Lumi. J’ai compris que pour m’en sortir, je devais réussir à considérer l’argent qu’il gagne comme étant le mien. De la même façon qu’il considère les enfants que j’élève moi comme étant les siens.
»Eh bien depuis, a-t-elle poursuivi, je comprends mieux les mecs qui ont le front d’affirmer qu’avoir des enfants, ça ne vous chamboule pas tant que ça l’existence. J’ai même décidé de les battre à plate couture sur le terrain de la mauvaise foi et de leur dire, chaque fois qu’ils geignent à cause du boulot, que gagner sa vie, ce n’est pas si dur que ça. La preuve, taper 300 balles à Sean, ça n’a rien d’éreintant.»
7 mars 2006
Les enfants de la télé
Question TV, je suis très double discours. Alors que j’entretiens une relation hpyeraddictive au petit écran, je règle de manière draconienne les périodes où mes enfants y ont droit, rapport à l’état catatonique et un rien effrayant dans lequel ça les plonge.
Mais j’ai aussi constaté l’effet dévastateur que peut avoir la télé-abstinence sur des adultes. Julie, par exemple, n’a plus de poste depuis dix ans et prétend volontiers que c’est «super» comme ça. Pourtant, son paradis préservé de la vulgarité cathodique a récemment connu une grosse perturbation, lorsqu’elle s’est retrouvée en tentation et terriblement désireuse de découvrir la série «Desperate Housewives».
Au moment de la sortie du coffret DVD, elle s’est évidemment ruée dessus. Et a immédiatement cédé à l’enchantement, en se faisant sept épisodes d’un coup sur son ordi. Une sacrée dose, mais Julie y est allée avec l’élan de la novice, qui vit la révélation et trouve ça tellement bon qu’elle en veut toujours plus. Elle a remis ça trois soirées d’affilée, zonant la journée en robe de chambre, oubliant le rendez-vous chez le pédiatre… Le quatrième, elle a vomi tripes et boyaux.
La preuve, me direz-vous, que la télé, c’est super néfaste. Alors qu’en réalité, le vrai danger, c’est de ne jamais la regarder. Car se priver de ce qu’elle fait de meilleur, c’est idiot. Mais pour en profiter, il faut de l’exercice. Sans quoi on se retrouve devant elle comme Julie et mes enfants, médusé, vulnérable.
Okay, l’entraînement de ma progéniture commence dès demain.
Mais j’ai aussi constaté l’effet dévastateur que peut avoir la télé-abstinence sur des adultes. Julie, par exemple, n’a plus de poste depuis dix ans et prétend volontiers que c’est «super» comme ça. Pourtant, son paradis préservé de la vulgarité cathodique a récemment connu une grosse perturbation, lorsqu’elle s’est retrouvée en tentation et terriblement désireuse de découvrir la série «Desperate Housewives».
Au moment de la sortie du coffret DVD, elle s’est évidemment ruée dessus. Et a immédiatement cédé à l’enchantement, en se faisant sept épisodes d’un coup sur son ordi. Une sacrée dose, mais Julie y est allée avec l’élan de la novice, qui vit la révélation et trouve ça tellement bon qu’elle en veut toujours plus. Elle a remis ça trois soirées d’affilée, zonant la journée en robe de chambre, oubliant le rendez-vous chez le pédiatre… Le quatrième, elle a vomi tripes et boyaux.
La preuve, me direz-vous, que la télé, c’est super néfaste. Alors qu’en réalité, le vrai danger, c’est de ne jamais la regarder. Car se priver de ce qu’elle fait de meilleur, c’est idiot. Mais pour en profiter, il faut de l’exercice. Sans quoi on se retrouve devant elle comme Julie et mes enfants, médusé, vulnérable.
Okay, l’entraînement de ma progéniture commence dès demain.
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