Cora aurait pu le gifler. «Sa mère vous l’a pas dit?» Non, elle l’avait pas dit. Ni en déposant la petite Noemi vendredi, ni en la récupérant dimanche soir. Et là, voilà que la papa de la petite Noemi lui annonçait ça, à la soirée de parents, entre les gobelets d’eau gazeuse et les mandoches: Noemi avait des poux, enfin, avait eu, elle était entre deux phases de traitement. Horrifiée, Cora revoyait Tessa et Noemi en train de pouffer sous la même couverture... Tessa et Noemi en train de regarder la télé blottie l’une contre l’autre sur le canapé... Tessa et Noemi roupillant sur le même matelas... Et Cora trouvant ça si mignon... Quelle saucisse!!!
A peine la soirée de parents terminée, Cora a couru à la pharmacie de service, exigé une «arme de destruction massive», foncé à la maison, chopé Tessa, lu à toute vitesse le mode d’emploi tout en mouillant les tifs de sa fille et découvert par la même occasion tout ce qu’il lui resterait à faire une fois qu’elle l’aurait huilée de paraffine asphyxiante et passée à la peignette: laver «l’ensemble du linge de maison» (Tessa et Noemi s’étaient roulées sur <em>tous </em>les lits) et «placer au congélateur» quarante kilos d’animaux en peluche, de doudous, de coussins pour cryogéner les parasites... Trois heures plus tard, Cora avait terminé son opération atomique et se récompensait en enfournant des poignées de chips, assez contente d’elle, somme toute: elle avait bien réagi, elle avait été systématique, elle avait été vachement à la hauteur, elle était une sacrée nana.
Le lendemain, Cora a raconté ses démêlées pouilleuses à Anke et Anke lui a dit: «Tu peux vider le congélo, ça sert à rien, les poux peuvent pas survivre sur les tissus.» «Tu rigoles?» «Non, y a des études qui ont montré que c’était un mythe. On a dû te filer un produit avec un mode d’emploi périmé.» Cora aurait pu la gifler. Mais elle est restée forte, une sacrée nana, vachement à la hauteur. Et sitôt rentrée chez elle, elle s'est récompensée en enfournant tout un paquet de chips. Familial, s'entend.
21 novembre 2009
7 novembre 2009
Halloween et le yeti
Samedi dernier, c’était Halloween et pour Chantal, cette date est le symbole du supplice absolu. D’abord, «parce que ça nous a été imposé par les Américains et leur mentalité mercantile»: les maquillages hideux, les hordes de gosses armées de sacs qui sonnent à sa porte et font la moue quand elle leur donne des friandises en pâte de fruit 100% naturelle. En plus, depuis que Chantal ne peut plus les enclaver dans un univers barbelé de feutrine faite à la main et de touchants bricolages de feuilles mortes, Hugo et Louis la tannent chaque année pour «faire Halloween comme les copains». Mais surtout, Chantal hait Halloween parce les sourires sardoniques des courges lui rappellent le film «About a Boy»: un nanar facile et commercial, estime Chantal. Mais qui l’a quand même marquée à cause de cette mère cinglée qui fait de son fils un paria mobbé parce qu’elle s’accroche à ses convictions new age et macrobiotiques. Bon, il faut dire que Patrick contribue de manière sadique et systématique à cette association: chaque fois qu’elle s’élève contre Halloween, il lui dit «T’as mis ta veste de yeti, là?», en allusion à la veste hirsute que la mère cinglée porte dans le film. Halloween l’immerge donc chaque fois dans un dilemme atroce: doit-elle mener envers et contre son combat contre le conformisme impérialiste, au risque de faire de ses enfants des Marcus? Ou céder?
Elle a bien tenté une échappatoire: «On devrait leur montrer que les Américains nous ont spoliés de notre fête des morts», a-t-elle suggéré à Patrick. «La Toussaint?» «Mais oui!» «T’as jamais fêté la Toussaint.» «Peu importe!» «Donc au lieu de les laisser s’éclater avec leurs copains, tu veux les emmener au cimetière mettre de la bruyères sur des tombes?» Chantal sentait plus que jamais les poils de yeti et des larmes de désespoir lui piquer les yeux. Alors Patrick a eu pitié d’elle. Il l’a prise dans ses bras et lui a demandé: «Si je trouve une solution culturelle, tu viens avec moi voir ‘Star Trek’? Il repasse le soir du 31.» Chantal a frissonné de dégoût, mais elle n’avait pas le choix, elle a dit oui.
«Où sont les enfants?», a-t-elle demandé le 31 au soir en rentrant du yoga. «Ils fêtent Halloween aux Etats-Unis», a répondu Patrick. Chantal l’a regardé sans comprendre. «Ils sont chez Sean, a précisé Patrick. Pour la monstre Halloween-party des expats américains. T’es prête? On va au ciné?»
Elle a bien tenté une échappatoire: «On devrait leur montrer que les Américains nous ont spoliés de notre fête des morts», a-t-elle suggéré à Patrick. «La Toussaint?» «Mais oui!» «T’as jamais fêté la Toussaint.» «Peu importe!» «Donc au lieu de les laisser s’éclater avec leurs copains, tu veux les emmener au cimetière mettre de la bruyères sur des tombes?» Chantal sentait plus que jamais les poils de yeti et des larmes de désespoir lui piquer les yeux. Alors Patrick a eu pitié d’elle. Il l’a prise dans ses bras et lui a demandé: «Si je trouve une solution culturelle, tu viens avec moi voir ‘Star Trek’? Il repasse le soir du 31.» Chantal a frissonné de dégoût, mais elle n’avait pas le choix, elle a dit oui.
«Où sont les enfants?», a-t-elle demandé le 31 au soir en rentrant du yoga. «Ils fêtent Halloween aux Etats-Unis», a répondu Patrick. Chantal l’a regardé sans comprendre. «Ils sont chez Sean, a précisé Patrick. Pour la monstre Halloween-party des expats américains. T’es prête? On va au ciné?»
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