Lumi a donc accouché il y a quelques semaines grâce à la magie du bistouri. Elle a trouvé cette expérience césarienne «pas mal, peut-être juste un peu courte». Sean aussi. Sinon, ils n’ont pas grand-chose à signaler. Ils sont contents, very fans de leur petite Pirkko, of course, mais comme a remarqué Julie, «pas franchement chamboulés».
«En avoir trois, c’est une délivrance, affirme Lumi. Tu n’as plus d’autre choix que d’accepter que c’est le bordel, que tu ne maîtrises pas, que tu ne peux pas être parfaite et ne penser qu’à ça.» Lumi est d’ailleurs admirablement conséquente avec cette révélation: la dernière fois où nous nous sommes vues, nous avons parlé davantage du coffret DVD de la première saison de «Lost» que de Pirkko.
Comme la nounou laponne et les aînés «s’occupent beaucoup» de Pirkko (la première lange et berce, les autres se flanquent parfois des baffes pour savoir qui aura le droit de lui faire des grimaces), Lumi a aussi repris ses cours post-grade: «Il suffit de s’organiser», dit-elle. Elle monte donc vaillamment dans le train tous les jeudis, tire-lait sous le bras (la haute école où elle fait son master est «juste» à 90 kilomètres de chez elle). Certes, les choses ne sont pas encore rôdées à 100%, elle l’admet volontiers (il lui arrive par exemple de quitter l’auditoire en trombe pour aller traire en urgence ses nénés). Mais l’un dans l’autre, elle ne s’est jamais sentie aussi cool. «Il y a juste mon tour de taille, soupire Lumi. J’ai un mal fou à renouer avec des valeurs décentes. On se refait un hot dog?»
31 janvier 2006
20 janvier 2006
De la mère à la poubelle
Cora avait jusqu’à présent vécu le côté fun de la maternité avec sa fille Tessa, reine des bébés modèles... Elle n’avait donc jamais eu le même air hâve et dépenaillé que les autres mamans. Elle mangeait des trucs sains et complexes à apprêter. Elle se faisait des masques et répétait souvent qu’elle trouvait «effarant» ces mères «incapables» de s’occuper d’elles et qui finissaient pour le midi les nouillettes-brocoli recrachées par leur bébé – parce qu’elles avaient oublié de faire des courses pour un menu d’adulte. «Les psys parlent de mères poubelles! disait Cora. Tu te rends compte?»
Et puis peu avant Noël, Tessa a commencé à marcher. Ou plutôt essayé de commencer et découvert que c’était pas facile, qu’on se cassait la gueule et que… c’était frustrant. Ce moment-clé de son développement cognitif a fait dans la foulée découvrir à sa mère l’envers de la maternité – comme les crises de rage interminables.
Cora la pile donc sec, d’autant plus que rien ne l’avait préparée: elle avait toujours cru que si ça foirait chez les autres, c’était parce qu’ils ne savaient pas s’y prendre. Mais pas de soucis, l’instinct de survie l’emportera. Et Cora découvrira bientôt sans doute que ce qui compte si on veut tenir le coup, c’est d’avoir toujours chez soi quelques stupéfiants: par exemple du vin rouge (pour en descendre un verre à dents cul-sec à la salle de bain quand on va craquer et qu’on a besoin d’un effet spa) et du Chocmel (au cas où il ne resterait pas assez de nouillettes-brocoli pour faire une portion).
Et puis peu avant Noël, Tessa a commencé à marcher. Ou plutôt essayé de commencer et découvert que c’était pas facile, qu’on se cassait la gueule et que… c’était frustrant. Ce moment-clé de son développement cognitif a fait dans la foulée découvrir à sa mère l’envers de la maternité – comme les crises de rage interminables.
Cora la pile donc sec, d’autant plus que rien ne l’avait préparée: elle avait toujours cru que si ça foirait chez les autres, c’était parce qu’ils ne savaient pas s’y prendre. Mais pas de soucis, l’instinct de survie l’emportera. Et Cora découvrira bientôt sans doute que ce qui compte si on veut tenir le coup, c’est d’avoir toujours chez soi quelques stupéfiants: par exemple du vin rouge (pour en descendre un verre à dents cul-sec à la salle de bain quand on va craquer et qu’on a besoin d’un effet spa) et du Chocmel (au cas où il ne resterait pas assez de nouillettes-brocoli pour faire une portion).
10 janvier 2006
Péter les plombs
Juan se voyait déjà passer une super soirée: Isabel et lui se siffleraient un chouette Rioja, et ensuite, toute échauffée, Isabel lui ferait des tas de trucs au lit.
En rentrant chez lui, il a trouvé son épouse absorbée dans la contemplation d’un tas de minuscules vêtements. «Tu tries les habits de bébé de Marion?», a demandé Juan, du miel dans la voix. C’est là qu’Isabel a éclaté en sanglots, que Juan a regardé le tas de plus près, reconnu son propre mohair anthracite rétréci à taille nourrisson et lâché: «Merde! Justine!» Justine est leur femme de ménage. Elle brique comme personne, mais lave TOUT à 90 degrés. Or là, Juan et Isabel avaient oublié de planquer leurs cachemires hors de sa vue. «Fais quelque chose!» a hurlé Isabel. Et Juan a compris qu’il allait devoir se montrer créatif s’il voulait sauver son plan sexe.
La semaine suivante, comme d’habitude, Justine s’est acquittée de son énergique récurage. Puis elle est venue dire à Juan: «Y’a un problème avec la machine.» «Comment ça?», a fait Juan, qui est allé voir. Il a appuyé sur les boutons, donné des coups de pied. Rien. Justine est donc repartie sans avoir pu faire de lessive. Et Juan est allé remettre en place le fusible de la buanderie qu’il avait discrètement retiré pendant qu’elle passait l’aspirateur.
Le soir, Isabel lui a demandé: «Alors?» «On a trouvé une solution», a répondu Juan d’un air entendu. «Elle n’a pas pété les plombs?», a fait Isabel. «Oh, à peine», a dit Juan en lui tendant un verre de Rioja. Et en la regardant au fond du décolleté.
En rentrant chez lui, il a trouvé son épouse absorbée dans la contemplation d’un tas de minuscules vêtements. «Tu tries les habits de bébé de Marion?», a demandé Juan, du miel dans la voix. C’est là qu’Isabel a éclaté en sanglots, que Juan a regardé le tas de plus près, reconnu son propre mohair anthracite rétréci à taille nourrisson et lâché: «Merde! Justine!» Justine est leur femme de ménage. Elle brique comme personne, mais lave TOUT à 90 degrés. Or là, Juan et Isabel avaient oublié de planquer leurs cachemires hors de sa vue. «Fais quelque chose!» a hurlé Isabel. Et Juan a compris qu’il allait devoir se montrer créatif s’il voulait sauver son plan sexe.
La semaine suivante, comme d’habitude, Justine s’est acquittée de son énergique récurage. Puis elle est venue dire à Juan: «Y’a un problème avec la machine.» «Comment ça?», a fait Juan, qui est allé voir. Il a appuyé sur les boutons, donné des coups de pied. Rien. Justine est donc repartie sans avoir pu faire de lessive. Et Juan est allé remettre en place le fusible de la buanderie qu’il avait discrètement retiré pendant qu’elle passait l’aspirateur.
Le soir, Isabel lui a demandé: «Alors?» «On a trouvé une solution», a répondu Juan d’un air entendu. «Elle n’a pas pété les plombs?», a fait Isabel. «Oh, à peine», a dit Juan en lui tendant un verre de Rioja. Et en la regardant au fond du décolleté.
3 janvier 2006
Cubisme en séries
La télé alémanique diffuse en ce moment la quatrième saison de «24». En adorateurs de Jack Bauer, son fabuleux héros insoumis, le chéri et moi sommes aux anges de pouvoir à nouveau clamer tous les lundis «Jack is back!» en sabrant les chips et la binch. 2006 ne pouvait démarrer avec plus de panache! D’autant plus que nous avons cessé d’avoir vaguement honte de notre condition de sérioliques incurables. Pour tout dire, nous sommes même fiers de nous.
Ce retournement, nous le devons à un doc récemment diffusé par Arte. Lequel démontrait avec brio qu’aujourd’hui, à l’heure où le ciné s’englue, l’avant-garde de la fiction audiovisuelle est bel et bien au pays longtemps raillé des séries télé. Et le doc de souligner l’éblouissance révolutionnaire des scénarios, les époustouflantes audaces formelles, la magistrale redéfinition des personnages… Ce soir-là, le chéri et moi avons compris qu’il existait un troublant parallèle entre nous et les brillants esprits qui, en leur temps, avaient compris la peinture cubiste avant tout le monde. Enfin on nous affranchissait de notre humiliant statut de parents largués qui ne sortent plus et se condamnent à la télé! Enfin, on nous rendait hommage!
Il est donc temps que les séries TV figurent dans l’Encyclopaedia Universalis. Et que les historiens se préparent à expliquer aux générations futures que ceux que les moralistes de l’an 2000 fustigeaient comme de navrants abrutis araldités au petit écran étaient en fait des précurseurs incompris qui faisaient acte de génie visionnaire.
Ce retournement, nous le devons à un doc récemment diffusé par Arte. Lequel démontrait avec brio qu’aujourd’hui, à l’heure où le ciné s’englue, l’avant-garde de la fiction audiovisuelle est bel et bien au pays longtemps raillé des séries télé. Et le doc de souligner l’éblouissance révolutionnaire des scénarios, les époustouflantes audaces formelles, la magistrale redéfinition des personnages… Ce soir-là, le chéri et moi avons compris qu’il existait un troublant parallèle entre nous et les brillants esprits qui, en leur temps, avaient compris la peinture cubiste avant tout le monde. Enfin on nous affranchissait de notre humiliant statut de parents largués qui ne sortent plus et se condamnent à la télé! Enfin, on nous rendait hommage!
Il est donc temps que les séries TV figurent dans l’Encyclopaedia Universalis. Et que les historiens se préparent à expliquer aux générations futures que ceux que les moralistes de l’an 2000 fustigeaient comme de navrants abrutis araldités au petit écran étaient en fait des précurseurs incompris qui faisaient acte de génie visionnaire.
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