29 mai 2005

X-File épidermique

J’ai attrapé une rougeur au visage. Une inflammation aussi discrète et seyante qu’une lampe de chantier, à vous flanquer des coups au moral chaque fois que vous vous regardez dans la glace. J’ai quand même essayé de prendre sur moi pendant dix jours en me disant «ça finira bien par passer tout seul».

Mais cette recette pétrie de sagesse populaire est restée totalement inefficace. Si bien que j’ai fini par aller voir mon généraliste, qui m’a longuement scruté le visage en plissant les yeux, et a achevé de m’humilier en décrivant ce qu’il voyait: «C’est vraiment très rouge, hein? Et ça s’étend là… Vous avez remarqué vous aussi ces petites pustules sur le bord, hein? Tsss… Bon! On va mettre un peu de cortisone. Mais il se peut que ça revienne.»

Mon généraliste est aussi prophète: il s’est produit exactement ce qu’il avait dit, c’est revenu. En pire. Si bien qu’il m’a envoyée chez un dermatologue. Ce fascinant personnage chaussé de baskets lamées argent et assis dans un bureau design baigné de musique easy listening m’a balayé le visage de son œil au laser. Avant de déclarer lapidairement «Ce n’est pas de l’acné» et de me faire une ordonnance… pour un traitement anti-acné.

Les voies de la dermatologie sont impénétrables: ma rougeur s’est envolée. Peut-être parce que ce traitement contre l’acné est secrètement efficace contre ce qui «n’est pas de l’acné». Ou alors, ce sont les baskets en papier d’alu. Dommage que Mulder et Scully aient définitivement raccroché: j’aurais bien aimé avoir leur point de vue. 

18 mai 2005

Gros rires

Mon beau-frère m’a envoyé l’autre jour par voie électronique d’adorables photos de mes enfants avec leurs cousins. On y voit ces quatre petites merveilles vêtues de leur déguisement préféré: un épatant costume de chevalier Ikea qui englobe une cape bleu roi 100% synthétique, une cagoule imitation cote de maille avec gants assortis, une épée en mousse et un bouclier. L’accoutrement idéal pour se sentir invincible et traverser à toute vitesse le salon en hurlant «A l’attaaaaque!!!!»Sur lesdits clichés, nos petits compagnons du roi Arthur en herbe sont juchés tous les quatre sur un lit. Ils brandissent leurs épées en direction de l’objectif et rient aux éclats. Des images qui font fondre le cœur d’une mère, surtout lorsqu’elle les reçoit sur son mail alors qu’elle était en train de se débattre dans un labeur particulièrement ingrat. Là, d’un coup, la vie a sens.

Débordante d’amour et de tendresse, je les ai forwardées derechef à mon chéri qui m’a aussitôt répondu que oui, décidément, c’était des photos épatantes, à vous faire oublier les récents levers nocturnes de notre cadet, qui vient nous avertir à 3 heures du matin, que là, maintenant, il « doit jouer au garage et aux dinosaures».

Bien sûr, nous avons montré ces photos le jour même à nos enfants dès leur retour de la crèche. C’est là que j’ai demandé à mon aîné: «Au fait, qu’est-ce qui vous faisait rire comme ça?» Il s’est esclaffé et a répondu en désignant l’un de ses cousins hilares: «C’est lui! Il arrêtait pas de dire caca!» 

11 mai 2005

La choco-vérité

Le chocolat noir jouit en ce moment d’une cote d’enfer, au détriment de son cousin au lait que d’aucuns n’hésitent plus à traîner dans la boue. Les médias relaient ainsi avec enthousiasme les propos d’experts qui affirment que «si c’est au lait, pire si c’est blanc, ce n’est pas du chocolat». Un journaliste alémanique n’a d’ailleurs pas hésité à démasquer dans une story baptisée «Le choco-mensonge» cet infâme usurpateur qu’est le chocolat au lait suisse. Car en matière de goût, seul le «couverture Fechlin» sauve l’honneur helvétique, disent les cacaopontes. Pour eux, le meilleur choc du monde vient d’Italie, de France, d’Espagne, de Belgique. Et il est noir.

Cette vague de dénonciation a considérablement ébranlé la fan de Chocmel que je suis. J’ai donc décidé de me reprendre en main et je suis allée chez Globus faire mes emplettes en «bon chocolat». J’ai adoré. Et surtout craqué pour les chocolats belges à cause de leurs emballages. Impossible de résister aux étuis façon pochette à tabac de Dolfin et aux papiers kraft rétro de Café Tasse. Et puis ces mélanges insensés! Au confit d’orange, au thé Earl Grey, au poivre rose, à l’anis… Je les ai tous pris.

J’ai étalé la dégustation sur une bonne semaine. Bilan: exquis et gustativement à des années-lumière de la galaxie Chocmel. Mais ces noirs si raffinés ont un gros défaut: impossible de s’envoyer d’un coup une tablette entière. Alors qu’avec le Chocmel, c’est un jeu d’enfant. Et quand on a besoin de réconfort-délice express, c’est un argument décisif.

4 mai 2005

Roulo et Tristan à la Migros

L’autre jour à la Migros, mes enfants ont décidé d’improviser une course entre leurs machines Bob le Bricoleur sur le tapis roulant de la caisse. Avant que j’aie pu intervenir, Roulo le rouleau-compresseur et Tristan le tracteur étaient dans les starting-blocks entre les fraises et le jambon. Et mes bambins de clamer: «VROUM! VROUM!! AAAH! ROULO ÉCRASE LES FRAISES! VROUM!TRISSS-TAN SHOOTE SIROP! VROUM!!»

Dans mon esprit, tous les voyants lumineux ont aussitôt indiqué «Red Alert, Evacuation immédiate». Mais pour la galerie, j’ai enfilé mon costume de mère posée et tout en bataillant avec le contenu du caddie, tenté de maîtriser mes fils d’un ton qui se voulait serein mais ferme. En vain: contre un rouleau-compressage de mozzarella, je n’avais aucune chance.J’ai alors tendu ma carte Cumulus à la caissière d’un air désolé. Laquelle caissière m’a foudroyée du regard avant de lâcher: «Bon Dieu, ce sont JUSTE DES GOSSES! Faut les laisser un peu! Alors, montre-moi ce super rouleau-compresseur, a-t-elle dit en minaudant à mon aîné qui lui a retourné un sourire radieux. Vroum vroum vroum, hein? Comme il roule vite! Et toi, tu en as un beau tracteur! Comment il s’appelle, hein?» «Triss-tan», a répondu le cadet. «Oooh, Triss-tan», a répété la caissière, la voix dégoulinante d’attendrissement. Avant de me filer le ticket de caisse sans un regard.

Et pour cause: je suis une mère lamentable, qui ignorait que pour les enfants, une M-Bob-course représente une étape fondamentale du développement.