28 février 2006

Réflexion multitâche

C’est bien connu, les mères sont les championnes du multitâche, mais la société et l’économie refusent obstinément d’honorer cette qualité. C’est écœurant, se disent des cohortes de mamans. Et moi avec elles. Surtout quand mes nerfs en bavent vachement – par exemple lorsque mon aîné sanglote dans le bus bondé que la dame assise en face «pue»…

Elever des enfants, ça réclame des qualités de manager: de la créativité, de la rigueur, des nerfs d’acier, de l’humour, de la persévérance. Une mère doit par exemple sans cesse poser des limites («Non, tu ne prends pas de drakkar Playmobil sur le télésiège!»), tout en étant capable de faire des compromis («Okay, va pour la moufle Spiderman sur la main gauche et la moufle Bateman sur la droite»). Malheureusement, au pays des managers, personne ne considère le drakkar ou la moufle comme des enjeux majeurs.

Mais est-ce vraiment la maternité qui nous enseigne le multitâche? Pas si sûr. A 20 ans, par exemple, j’excellais déjà dans le domaine. Lors de foires bien arrosées, je pouvais dans la même seconde resservir d’une main huit personnes en vin rouge, platcher de l’autre du risotto dans leurs assiettes et lâcher une bonne blague, tout en recomptant mentalement combien de clopes il me restait avant de devoir me rabattre sur les mégots déjà écrasés.

Dommage qu’aucun CEO n’ait assisté à ce tour de force inspirant. Aujourd’hui, je serais cadre, je pèserais plus lourd économiquement que le chéri. Et ce serait lui qui ferait briller son intelligence émotionnelle dans le bus. 

21 février 2006

Wok-Compète

La télé privée allemande héberge un génie: Stefan Raab, le faiseur du late night show «TV Total». Sa passion: ridiculiser les célébrités et ne reculer devant rien pour y parvenir. Ainsi, «TV Total» organise chaque année des championnats de plongeon auxquels sont contraints de participer les représentants du glamour cathodiques: animateurs, popstars – tous très mauvais plongeurs... Le spectacle est jouissif, les figures toutes ratées, les plats innombrables et sans doute très douloureux. Avec en voix-off, les commentaires techniques 100% sérieux d’un journaliste sportif, qui vous fait vivre l’événement comme s’il s’agissait d’une compétition olympique.

L’hiver a droit aussi sa Raab-discipline: la Wok-Compète, dont le principe consiste à descendre une piste de bob (comme à St-Moritz), les fesses calées dans un wok, avec une louche attachée à chaque pied. Là aussi, le commentaire est comme aux JO («Il fait légèrement dévier la louche droite de l’axe… Ooooh! C’est une manœuvre terriblement audacieuse, car c’est dans cette courbe que le wok prend de la vitesse…! Mais il risque le tout pour le tout!»). Les crashes sont innombrables et les candidats morts de trouille – mais obligés d’avoir l’air très cool et plein d’humour. Du télémiel!

Alors imaginez tout ça avec un casting glamour façon télé francophone: Nicos de «Star’Ac» qui plongerait en synchronisé avec Magaloche-la-Brioche. Ou encore un Wok-à-4 «TSR-Super Seniors» contre «Ex-Lofteurs». Et osez me dire que vous ne vous jetteriez pas sur votre télé pour regarder.

14 février 2006

Le salut vient du Tyrol

Cora a demandé l’autre jour à Isabel si elle pouvait garder Tessa quelques heures. Or comme Isabel ignorait que Tessa n’est plus un bébé modèle, elle a dit oui. Et compris très vite, le fameux jour venu, qu’elle aurait dû dire non. Car en dépit de ses efforts, Tessa est restée rageuse et inconsolable. Elle n’a rien voulu savoir non plus des innombrables CD éducatifs, dont Isabel possède toute une collection parce qu’elle déteste la vulgarité musicale pour enfants. Elle a par exemple l’intégrale des contes de Marlène Jobert «qui font aimer la musique classique aux petits» et les passe en boucle à sa fille Marion, qui conformément aux lois du réflexe conditionné, clame maintenant «C’est la musique de Petsec!» chaque fois qu’elle entend «Les Quatre Saisons». Tessa, en revanche, semblait abominer Vivaldi en mode Jobert.

Isabel était sur le point de l’asseoir devant la télé pour la sédater avec 50 minutes de «Teletubbies», quand elle s’est souvenue du CD «Le Tyrol en chansons pour les enfants», un cadeau très deuxième degré que lui ont fait des amis à leur retour de vacances de ski en Autriche.

Juste pour voir si Tessa pouvait pleurer davantage, Isabel a glissé «Le Tyrol» dans le lecteur. Mais à sa stupéfaction, le visage de la petite s’est éclairé dès les premières mesures de schlager pur beurre. Elle a gloussé de joie, trottiné jusqu’à l’armoire à tupperwares et est restée à farfouiller dedans jusqu’au retour de sa mère.

En glissant des boules Quiès dans ses oreilles, Isabel s’est promis de refiler «Le Tyrol» à Cora. 


7 février 2006

La fièvre E-Bay

Internet a ouvert des horizons formidablement enrichissants: qui aurait pu imaginer il y a vingt ans qu’il serait possible un jour de «googler» sur l’infini du Web son propre nom et celui de quelqu’un qu’on déteste, histoire de voir qui des deux bénéficie du cyberstatut le plus enviable? Ou encore de participer à des enchères virtuelles sur E-Bay?

Le chéri, par exemple, a fait quelques épatantes acquisitions via cette plate-forme: un siège auto «utilisé seulement une fois», deux trailers «design» à accrocher derrière nos vélos pour balader les enfants, une chaîne stéréo Bose «en parfait état»… Tout ça à prix Aldi. Ou presque: au final, en effet, les trailers se sont avérés plutôt chers puisqu’il a fallu traverser la moitié de la Suisse pour aller les chercher. Idem pour la chaîne Bose, dont le display a rendu l’âme au bout de quelque jour (le montant de la facture a été étourdissant)…

E-Bay permet donc aux déchets de circuler. Et preuve que nos greniers regorgent de collectors qui s’ignorent: un journaliste alémanique a réussi à vendre aux Net-enchères un distributeur de bonbons PEZ à l’effigie de Gros Minet pour… 3 francs. Alors le chéri s’est dit l’autre jour qu’il n’y avait aucune raison pour que notre voiture récemment et irrémédiablement emboutie par mes soins ne profite pas, elle aussi, de la magie E-Bay.

Reste une inconnue de taille: l’acquéreur du PEZ Gros Minet répétera-t-il son geste fou pour un break «spacieux, élégant et mécaniquement impeccable» dont le capot ressemble à un bandonéon? Le suspens est total.