29 septembre 2007

The Robby-Dog Strikes Back

Marc déteste son clébard – lequel est en réalité le clébard de Julie, mais comme Julie est du genre «jamais sans mon clebs», Marc a dû faire avec depuis le début et par la force des choses, le clébard est aussi devenu le sien. C’est pourtant lui qui sort la bête tout les matins: il aime laisser ses pensées vagabonder dans l’aube... Et en plus, comme Leo est geignard au réveil, Marc invoque volontiers l’excuse du clébard-qui-doit-pisser pour abandonner à Julie la gestion de ce combat quotidien.

Ce matin-là, en dégainant un Robby-Dog pour un premier ramassage d’étron, Marc s’est remémoré l’excellente histoire signée Martin Suter où un manager fourre un Robby-Dog rempli de frais dans la poche de son imper de peur d’être surpris la chose à la main et l’y oublie… jusqu’au moment de vider ses poches au contrôle de sécurité à l’aéroport. Ha! Ha! Ha! Marc riait tout seul en nouant le packson, lorsqu’il a tout à coup a senti l’exquis aiguillon de la tentation… Son chef n’avait-il pas été odieux avec la jolie stagiaire, l’autre jour? Et s’il gardait le Robby-Dog pour le fourrer dans la poche de cet imbuvable salaud, ni vu ni connu? Ça, ça lui ferait les pieds!

De retour chez lui, Marc s’est fait alpaguer par une Julie très en colère: «Si tu te débines encore une fois avant qu’il ait fini ses corn flakes, a-t-elle grondé, je te jure que je divorce!» Marc a mis machinalement la main au Robby-Dog dans sa poche, en se demandant si tout compte fait, le trench qui méritait le plus une merde de chien ce matin, n’était pas celui de Julie.

22 septembre 2007

L’accélérateur évolutif

Flash-back, il y a quatre ans et demi: je suis en train de tenter de calmer les plaintes affamées du cadet à coups de bouillie pâtisson-nouillettes, alors que l’aîné s’égosille depuis les toilettes «Maaamaaan! J’ai fini de faire caca! Maaamaaan!» Une situation exemplairement double bind, où soulager l’un fera forcément redoubler les hurlements de l’autre et où je réalise que je suis en train de toucher le fond, genre: «Nourrir ou torcher, tel est mon destin.»

Me reviennent alors les propos de ma belle-mère: «On a l’impression que nos enfants resteront toujours des bébés, et puis tout à coup, les voilà qui partent pour leur premier jour d’école.» J’enfile une nouvelle cuillerée de bouillie dans la bouche du cadet, tandis que l’aîné braille de plus belle: «Caacaaa! Fiiniii!» Et je gronde entre mes dents: «Ben là tu vois, vieille noix, je donnerais cher pour un petit coup d’accélérateur évolutif!»

Aujourd’hui, mes enfants vont à l’école et c’est vrai, ces années ont passé à toute vitesse. J’ai aussi changé de destin, puisqu’ils savent se torcher, se préparer un bol de corn flakes et grimper sans ma permission jusqu’au placard à junk food. Ils savent également qu’on adoubait les chevaliers et qu’il y a des superclips Star Wars Lego* sur Youtube qui leur inspirent une rhétorique puissante et futuristico-scato, genre: «Ben moi, je fais pipi sur Dartedevooor.» J’écoute, je n’en reviens pas. Et en goûtant le potage pâtisson-nouillettes de midi, je médite aux ratés de l’accélérateur

15 septembre 2007

Went du bon secours

Ces derniers temps, Anke aurait eu un mal fou à garder les idées claires s’il n’y avait pas eu Wentworth Miller. Enfin plus exactement s’il n’y avait pas eu les DVD de la 1 de «Prison Break» (qui lui ont fourni tout cet été du concentré de Went) et la TSR (qui diffuse enfin la 2 et lui donne de quoi poursuivre sur sa lancée).

Went a en effet permis à Anke de mettre Paolo à distance. Sans lui, elle aurait peut-être déjà cédé à son retour de drague au téléphone ou à la plage et…. «Stop! lui fait Went en se désaquant dans son pénitencier. Regarde-moi plutôt enlever mon t-shirt!» C’est ce sens de l’à propos qu’Anke aime chez lui. Tout comme sa façon de sortir de la douche couvert de gouttelettes et vêtu de son seul tatouage scofieldique, avec ce splendide soupçon de gras sur le ventre… «Alors que Paolo, lui rappelle Went, t’as jamais eu envie d’entrer dans le poste pour l’aider à se sécher.»

Il y a aussi eu cette fameuse fois où Anke a cherché à se remémorer la façon dont Paolo embrassait et constaté avec stupéfaction qu’elle n’en avait plus la moindre idée: Went a débarqué pile poil pour lui donner un aperçu très convaincant de ses propres compétences par télé interposée. Sans oublier sa façon de dire «Wait for me» à torse nu, la voix idéalement étranglée. «Encore un truc dont Paolo ne sera jamais capable, même s’il s’entraîne à mort», lui a assuré Went.

«Wow!», conclut Anke. Mais comme Went vient de détourner le regard, il ne voit pas le baiser qu’elle lui souffle – et qui se désintègre dans l’électricité statique du tube cathodique.

8 septembre 2007

Dent pour dent

Patrick est rentré hébété de sa visite chez l’hygiéniste dentaire, avec deux saucissons de coton sanguinolent à la place des gencives.

«Aïe! a lâché Chantal en l’apercevant. Toi, tu l’as pilée, on dirait» «Pilée? Tu veux dire que je viens de me faire mutiler! Violer!» «Te faire violer… Par Bianca, l'hygiéniste dentaire?» «Non, Bianca est malade, alors ils m’ont collé cette brute à la place, avec ses crochets. Elle tirait tellement fort que j’ai cru qu’elle allait m’édenter. Et puis ces bruits horribles… Ziiiiii… Ziiii… Krrk… Krrk…» «Ça, ça veut juste dire que t’as beaucoup de tartre.» «Non, ça veut juste dire que c’est une malade mentale!»

«Comment elle s’appelle?» «Me rappelle plus. Un nom turc, je crois… En tout cas, la prochaine fois, je te jure que je vais leur dire directos que je me tire s’ils osent me la refiler encore, la Turque!» «Mais enfin, tu peux pas dire les choses comme ça! Tu te rends compte que tu vas passer pour un raciste, un mec haineux qui refuse de se faire soigner par quelqu’un uniquement à cause de ses origines?» «Rien à foutre! Je me suis fait violer!» «Oh, là tu exagères…» «J’ai craché au moins un litre de sang! J’ai le droit de refuser qu’elle me charcute, non?» «Mais tu sais même pas si elle est Turque!» Patrick a dardé des yeux emplis de haine sur sa femme et est sortit en claquant la porte.

Chantal a secoué la tête avec réprobation. Avant d’appeler le cabinet dentaire et de demander: «Euh oui, pour mon détartrage la semaine prochaine… Oui, je voulais juste m’assurer… Bianca sera rétablie, vous pensez? Ou il vaut mieux repousser?»

1 septembre 2007

Neutre et non-engageant

Cet été, Anke et Paolo ont prouvé qu’ils ont encore beaucoup en commun. Notamment une conception bien particulière de l’audace et du don de soi.

Fin juin: Paolo appelle Anke. Un coup de fil sur lequel nous ne nous étendrons pas, fait de banalités confondantes, où chacun se demande: «Je fous quoi, là?» L’échange s’achève sur un neutre et non-engageant: «Ouais, on se verra peut-être à la plage cet été.»

Juillet: Paolo entame une liaison passionnée avec une Danoise plus grande que lui, mais cette dernière finit par repartir retrouver son fiancé sous une éolienne en pleine mer du Nord. Anke entame une liaison passionnée avec un dénommé Ophélien: «Québecois?», demande Chantal. «Ivoirien», répond Anke. «Alors il est…?», s’écrie Chantal, subjuguée. «Black…», confirme Anke. «Oh, c’est merveilleux!», s’exclame Chantal. Mais Anke largue Ophélien deux semaines plus tard, après que ce dernier lui ait demandé mille balles «pour la famille». «T’aurais quand même pu lui laisser une chance, déplore Chantal. La multiculturalité, c’est un défi magnifique. Mais si tu baisses les bras à la moindre difficulté… Ouais, je sais, tu préfères te la jouer neutre et non-engageante.»


Mi-août: Anke et Paolo se billent dedans à la buvette de la plage. En dépit d’un trouble intense, chacun s’efforce de rester cool: Paolo en riant d’un air dégagé, Anke en poussant des exclamations légères. Paolo pense: «Elle a grossi, mais elle est toujours canon.» Anke pense: «Il a pris du lard, mais il est toujours classe.» Ils se séparent sur un neutre et non-engageant: «Ouais, alors peut-être à plus tard.»