27 septembre 2005

Le poids des héroïnes (1)

Je suis fan de «Lost» et des polars de Dennis Lehane. A ma gauche, une épatante série frisson façon «Twin Peaks» à Hawaï (la TSR, bénie soit-elle, nous a offert un mémorable été avec trois épisodes hebdomadaires). A ma droite, les aventures noires à souhait d’un couple de privés bostoniens, cyniques, hypersexuels et amoureux.

Dans «Lost» comme chez Lehane, il y a une héroïne d’enfer: sur l’île maudite, c’est Kate (la belle naufragée ambiguë qui a toujours les cheveux mouillés) et dans les quartiers mal famés de Boston, Angie (la souple championne du flingue qui coupe la chique même aux caïds les plus tordus). Deux super nanas qui piétinent de leurs santiags le cliché de la nunuche et savent dire aux butors qu’ils peuvent toujours aller se brosser. La classe.

Alors dites-moi, qu’est-ce qui leur a pris, au scénariste de «Lost» et à Lehane, de venir nous casser les pieds avec cette info franchement pas vraiment décisive pour le déroulement des intrigues: à savoir que Kate la belle aventurière et Angie la somptueuse flingueuse pèsent «moins de 50 kilos»? Pourquoi un brillant auteur capable de raviver nos angoisses les plus intimes fait-il de la pub pour le yaourt 0%? Comment Lehane peut-il avoir écrit Mystic River et régresser au niveau «régime de l’été»?

Ça m’a donné l’impression qu’on venait de réduire mes héroïnes à de simple fitnetteuses diététiquement correctes et trucideuses de graisse. Il m’a fallu tout un paquet de snacketti paprika et même Jennifer Lopez pour me remettre. Mardi prochain, vous comprendrez pourquoi. 

20 septembre 2005

L’envers du Robby-Dog

Julie estime qu’il est impératif d’inculquer aux enfants le respect des animaux. Parce que les animaux ne sont pas des jouets juste bons à assouvir les caprices de marmots insensibles. Après tout, Julie sait de quoi elle parle: elle a un chien. Et en femme de conviction, elle ne s’est jamais gênée de remettre à l’ordre «ces parents totalement irresponsables» qui laissaient courir en liberté leur marmaille. Avec des remarques bien senties du genre: «Retenez donc un peu votre gosse! Il fait peur à mon chien!»

Mais ente-temps, Julie a eu un bébé. Qui comme nombre de ses contemporains, approche les animaux avec force glapissements suraigus, filets de bave exaltés et galipettes de cascadeur. Si bien qu’aujourd’hui, Julie estime que le problème dans la relation chien-enfant est «en fait du côté des maîtres».

Elle en veut pour preuve un spécimen dont elle a découvert avec dégoût qu’il venait faire déféquer son clébard tous les matins dans le carré de gravier où joue son fils. Certes, ce «porc» comme l’appelle désormais Julie, ramassait chaque fois l’étron dans un Robby-Dog. Mais écœurée à l’idée que les «bactéries fécales de ce clebs dégueulasse» puissent grimper sur les mimines de son fils, Julie a fini par haranguer le type depuis son balcon: «Ça ne vous est jamais venu à l’idée qu’il y a des enfants qui jouent ici? Il pourrait pas chier ailleurs votre chien?»

Depuis, Julie dénonce volontiers ces «tarés limite zoophiles qui mettent leur animal à égalité avec un enfant». Pas de doute, la maternité l’a fait évoluer. 

13 septembre 2005

Retombées de la taille basse

Mon armoire m’a fait savoir que nous avions atteint le point de non-retour et déclaré ma garde-robe zone sinistrée. J’ai donc rempli deux sacs Texaid et suis allée faire du shopping. Pour constater que les pantalons taille basse ont encore au moins une saison devant eux. Tout comme le lavage de cerveau auquel la gent féminine a souscrit depuis que quelqu’un a décidé que la taille n’était plus située à la taille, mais au niveau des hanches et de la raie des fesses.

Anatomiquement parlant, le pantalon taille basse a été conçu pour habiller des extraterrestres. Pourtant, la femelle humaine s’acharne à croire qu’il est fait pour elle. Et que si elle n’arrive pas à l’enfiler, c’est de sa faute. Alors elle pousse, elle tire à hue et à dia. Et constate, une fois dedans, que ce ses gambettes sont devenues des jambonneaux hideusement courtauds et ses petites poignées d’amour un pneu de semi-remorque. Mais elle est vaillante et se dit: «Le froc est adorable. Faut juste que je maigrisse.»

En fait, le pantalon taille basse est une poule aux œufs d’or. Il fait phénoménalement augmenter la probabilité qu’on se trouve obèse et qu’on dépense de l’argent pour être enfin digne de lui: en régimes, fitness, conseils diététiques, plats weight watchers

Mais tout espoir n’est pas perdu. Après tout, nos mamans s’étaient bien révoltées en mettant leurs soutifs au bûcher. Alors qui sait, un jour peut-être, nous déciderons nous aussi de griller des kilos de marshmallows vengeurs sur un feu de strings et de jeans Miss Sixty. 

6 septembre 2005

Système D

J’ai rencontré Cora l’autre jour, précédée de sa poussette trekking à roues mobiles individuelles et à pneus profilés. Nous nous sommes fait des becs, congratulées sur nos «super mines» respectives et racontées nos vacances autour d’un verre sur une terasse.

Ses vacances, Cora les a passées – hors-saison et hors-«troupeau», évidemment – avec son mari Sam et leur exquise petite Tessa sur un îlot croate «magnifique» où «le cousin de la femme d’un copain» possède une maison «incroyable», à deux pas d’une eau «hypercristalline». Leur quotidien s’est joué durant deux semaines entre barbotte, playa de galets, barbecue et verres de rouge (Cora peut enfin se la jouer un peu pochtronne, elle n’allaite plus). En un mot, le paradis.

Mais Dame Nature est venue coller une imperfection majeure sur ce tableau enchanteur (et presque DINK, il faut bien l’admettre), en faisant un come back inopiné dans l’organisme de Cora via… le retour de couches. «Et évidemment je n’avais rien pris, a poursuivi Cora en se mettant tout à coup à chuchoter. Pas même un vieux Tampax qui aurait traîné au fond de la valise. Et tu penses bien que sur cette île plantée dans le cul du monde, zéro magase à l’horizon!»

«Alors tu as fait comment?» ais-je voulu savoir en chuchotant moi aussi et en me penchant par-dessus la table. Cora a alors fait une petite grimace embarrassée et regardé autour d’elle avant de faire un aveu pas DINK du tout: «Ben j’ai pas eu d’autre choix que de prendre les Pampers de Tessa et de les découper aux ciseaux à ongles.»