20 décembre 2008
Mich tout rouge
Ce concert de Mich Gerber, Chantal l’espérait depuis des jours: tel l’oasis au cœur du marathon de l’Avent, il lui ferait revivre la révélation mystique qu’elle avait partagée avec Patrick il y a treize ans, lorsqu’ils avaient découvert le contrebassiste tondu à l’occasion de l’un de ses premiers concerts. Chaque fois qu’elle écoutait son nouvel album, tout lui revenait: Patrick en train de la peloter fougueusement pendant que la contrebasse vibrante de Mich emplissait la nuit étoilée, mais aussi ses aspirations profondes à elle. Des aspirations fortes, exigeante et qu’elle avait failli oublier: en manquant de céder aux supplications des enfants qui voulaient recevoir des Power Ranger pour Noël (quelle horreur!), en craquant l’autre jour pour une écharpe hors de prix et même pas commerce équitable... Donc quand Patrick a acheté deux billets pour le concert, Chantal lui a témoigné une gratitude sans borne – au point que Patrick s’est dit après cette mémorable partie de jambes en l’air que Mich Gerber devrait sortir plus souvent de nouveaux albums.
Et puis le fameux soir est arrivé. Chantal et Patrick sont allés déposer les jumeaux chez les grands-parents, qui leur ont offert un petit verre de rouge pour la route. Ils ont filé ensuite au resto se taper quelques tapas avec d’autres petits verres de rouge. Et le moment venu, ils se sont rendus au club où ils ont encore siroté un peu de rouge, en attendant que Mich débarque enfin sur scène. Dès le premier coup d’archet, Chantal s’est sentie transcendée, en phase avec ces hypnotiques envolées. Serrée contre Patrick, elle a fermé les yeux...
En sentant qu’elle s’affaissait sur son épaule, la respiration de plus en plus régulière, Patrick s’est rappelé que Chantal n’avait jamais bien supporté le rouge. Et s’est dit que tout compte fait, Mich Gerber n'avait pas besoin de sortir plus souvent de nouveaux albums.
6 décembre 2008
Saint Nicolas à l’article
Leo avait tout bien préparé pour le Saint Nicolas («On dit pour Saint Nicolas», avait rectifié Julie). Bricolé des loupiotes pour lui indiquer le chemin de l'appartement (Julie lui avait assuré que Saint Nicolas connaissait le code de l’immeuble). Mis sa botte bien en évidence, avec à côté une soucoupe de sel et une carotte pour l’âne (Julie lui avait assuré que l'âne pourrait grimper fastoche les trois étages). Bref, tout était prêt pour signaler au Saint Nicolas («à Saint Nicolas») que ce que Leo désirait le plus recevoir (en plus des traditionnelles mandarines), c'était un Transformer.
Julie avait bien tenté de lui expliquer que Saint Nicolas trouverait Leo sans doute trop petit pour un Transformer et qu’il apporterait probablement autre chose. Mais Leo «sentait» que le Saint Nicolas («que Saint Nicolas») allait lui offrir un Transformer. Il le sentait d’ailleurs «tellement fort» que Julie a flippé et discrètement supplié Marc d'aider Saint Nicolas à se procurer un Transformer. «Je refuse», a asséné Marc. «Mais on peut pas!, a soufflé Julie. Si tu voyais les loupiotes, la carotte, le sel…» «C'est de ta faute. Tu lui as tellement bourré le mou avec Saint Nicolas l’ami des enfants qu'il délire.» «Mais c’est important, la tradition...» «Ouais, mais je crois pas que le Transformer soit prévu par la tradition. Enfin, je vais voir ce que je peux faire.»
Ce matin, au lever, Leo s’est précipité au salon. Le sel et la carotte avaient disparu! Et ce paquet qui dépassait de sa botte, ça ne pouvait être que le... Leo s’est hâté de déchiqueter l'emballage et d'en extraire… un papa Noël Playmobil. D’abord stupéfait, Leo s’est aussitôt ressaisi pour vociférer rageusement: «Je déteste le Saint Nicolas! Je veux plus jamais voir le Saint Nicolas! Je donnerai plus jamais rien au Saint-Nicolas!» Julie s'est mordu les lèvres pour ne pas rectifier.
Julie avait bien tenté de lui expliquer que Saint Nicolas trouverait Leo sans doute trop petit pour un Transformer et qu’il apporterait probablement autre chose. Mais Leo «sentait» que le Saint Nicolas («que Saint Nicolas») allait lui offrir un Transformer. Il le sentait d’ailleurs «tellement fort» que Julie a flippé et discrètement supplié Marc d'aider Saint Nicolas à se procurer un Transformer. «Je refuse», a asséné Marc. «Mais on peut pas!, a soufflé Julie. Si tu voyais les loupiotes, la carotte, le sel…» «C'est de ta faute. Tu lui as tellement bourré le mou avec Saint Nicolas l’ami des enfants qu'il délire.» «Mais c’est important, la tradition...» «Ouais, mais je crois pas que le Transformer soit prévu par la tradition. Enfin, je vais voir ce que je peux faire.»
Ce matin, au lever, Leo s’est précipité au salon. Le sel et la carotte avaient disparu! Et ce paquet qui dépassait de sa botte, ça ne pouvait être que le... Leo s’est hâté de déchiqueter l'emballage et d'en extraire… un papa Noël Playmobil. D’abord stupéfait, Leo s’est aussitôt ressaisi pour vociférer rageusement: «Je déteste le Saint Nicolas! Je veux plus jamais voir le Saint Nicolas! Je donnerai plus jamais rien au Saint-Nicolas!» Julie s'est mordu les lèvres pour ne pas rectifier.
22 novembre 2008
Le riz de l’adversité
Sam a attrapé la crève, ce qui doit lui arriver tous les douze ans. Mais cette fois, c’est la bonne, il est hors circuit: le cerveau en bouillie, le nez patateux, les yeux larmoyants. Cora lui a même décoché un regard apitoyé ce matin, comme s’il avait cessé d’être Super-Sam, l’homme de toutes les situations, le seul mâle capable de faire 3 trucs en même temps, comme 1) surveiller la cuisson du repas, 2) raconter une histoire palpitante aux enfants, 3) imaginer un concept stratégique de génie pour le boulot. L’horreur, quoi. Tellement l’horreur que Sam a ingéré une dose massive d’ibuprofène et au bout d’une petite heure, il s’est senti mieux. Mieux et même carrément prêt: 1) à apporter la poubelle au container, 2) à rentrer la bagnole au garage, 3) à aller acheter une paella chez le traiteur. Cora allait voir ce qu'elle allait voir!
Sam a enfilé pompes et manteau, attrapé le sac à ordures, le trousseau de clés et est sorti de la maison, la démarche cool et altière. Un Super-Sam pur beurre, qui, arrivé au container, a balancé le sac d’un geste leste... et réalisé, en entendant un lugubre <em>bling-blang-blong</em>, qu’il avait balancé en même temps son trousseau de clés. Mais Sam n'a pas craqué: après s’être assuré que personne ne le regardait, il s’est hissé dans le container où il a farfouillé avec opiniâtreté. Vingt minutes d’effort et de puanteur plus tard, il récupérait ses clés dans un sac crevé d’où s’échappait du riz moisi. Saloperie d’adversité! Mais il l’avait emportée!
Sam était en train de s’extraire triomphalement du container quand il s’est retrouvé nez à nez avec Cora. Le regard qu’elle lui a décoché était encore plus apitoyé que ce matin. «Seigneur a-t-elle murmuré. Rentre vite.» «Je pensais aller nous chercher une paella», a suggéré Sam. «C’est ça, une paella, a fait Cora en désignant les grains de riz moisis collés à son manteau. J’ose pas imaginer combien t’as de fièvre.»
Sam a enfilé pompes et manteau, attrapé le sac à ordures, le trousseau de clés et est sorti de la maison, la démarche cool et altière. Un Super-Sam pur beurre, qui, arrivé au container, a balancé le sac d’un geste leste... et réalisé, en entendant un lugubre <em>bling-blang-blong</em>, qu’il avait balancé en même temps son trousseau de clés. Mais Sam n'a pas craqué: après s’être assuré que personne ne le regardait, il s’est hissé dans le container où il a farfouillé avec opiniâtreté. Vingt minutes d’effort et de puanteur plus tard, il récupérait ses clés dans un sac crevé d’où s’échappait du riz moisi. Saloperie d’adversité! Mais il l’avait emportée!
Sam était en train de s’extraire triomphalement du container quand il s’est retrouvé nez à nez avec Cora. Le regard qu’elle lui a décoché était encore plus apitoyé que ce matin. «Seigneur a-t-elle murmuré. Rentre vite.» «Je pensais aller nous chercher une paella», a suggéré Sam. «C’est ça, une paella, a fait Cora en désignant les grains de riz moisis collés à son manteau. J’ose pas imaginer combien t’as de fièvre.»
8 novembre 2008
Do You Read Me? Roger?
Sean est au fond du trou. D’abord parce qu’il a été viré pour cause de crise financière. Ensuite, parce que son intuition boursière est morte, trahie par le MMI.
Pour bien comprendre le MMI, il faut savoir que Sean est fan de Federer. A ses yeux, Roger est ce que la Suisse a fait de plus fabuleux. Donc quand Federer a été dégommé de son trône par Nadal, à Wimbledon, Sean a d’abord été stupéfait, scandalisé. Comment était-ce possible? Il y avait forcément quelque chose. Mais quoi? Alors que son héros endurait stoïquement l’humiliation de la défaite face aux chaînes de télé, Sean se creusait les méninges. Puis la caméra a zoomé sur la girlfriend de Roger, effondrée elle aussi. Et du fond de la pénombre britannique, Mirka Vavrinec est apparue à Sean dans toute sa… massivité. Là, Sean a su: tant qu’elle continuerait d’engraisser, Roger continuerait à perdre. Le Mirka-Mass-Index (MMI) était né.
Le MMI s’est avéré un infaillible instrument de prédiction pour les issues de tournoi: Monte-Carlo, Rome, Hambourg? Toronto, Cincinnati, Pékin? L’équation était toujours la même: MMI inchangé ou en progression = Roger <em>out</em>. Puis dans la foulée, Sean a découvert que le MMI avait également un effet boursier: tant que Roger se rétamait, l’explosion de la bulle spéculative était repoussée. Ergo: tant que Mirka Vavrinec ne se mettrait pas au régime, Sean avait les fesses au sec. Il était un génie!
Puis tout s’est cassé la gueule. Roger a gagné New York, alors que le MMI n’avait pas bougé, nom d'un chien! Et puis la bulle a pété et Wall Street a bu la tasse. Sean a spéculé sur un effet correctif du MMI (Roger s’est planté à Madrid). Mais le répit n’a été que de courte durée et le coup de grâce lui a été asséné à Bâle: Federer a remporté les Davidoff Swiss Indoors (en dépit d’un MMI en évidente progression!), l’action UBS a atteint un plancher historique et Sean a été viré.
Sean est donc au fond du trou. Mais il croit toujours au potentiel du MMI et envisage une reconversion. Dans le secteur wellness, par exemple: Mirka Vavrinec pourrait l’adopter comme coach – à condition de lui pardonner, évidemment.
Pour bien comprendre le MMI, il faut savoir que Sean est fan de Federer. A ses yeux, Roger est ce que la Suisse a fait de plus fabuleux. Donc quand Federer a été dégommé de son trône par Nadal, à Wimbledon, Sean a d’abord été stupéfait, scandalisé. Comment était-ce possible? Il y avait forcément quelque chose. Mais quoi? Alors que son héros endurait stoïquement l’humiliation de la défaite face aux chaînes de télé, Sean se creusait les méninges. Puis la caméra a zoomé sur la girlfriend de Roger, effondrée elle aussi. Et du fond de la pénombre britannique, Mirka Vavrinec est apparue à Sean dans toute sa… massivité. Là, Sean a su: tant qu’elle continuerait d’engraisser, Roger continuerait à perdre. Le Mirka-Mass-Index (MMI) était né.
Le MMI s’est avéré un infaillible instrument de prédiction pour les issues de tournoi: Monte-Carlo, Rome, Hambourg? Toronto, Cincinnati, Pékin? L’équation était toujours la même: MMI inchangé ou en progression = Roger <em>out</em>. Puis dans la foulée, Sean a découvert que le MMI avait également un effet boursier: tant que Roger se rétamait, l’explosion de la bulle spéculative était repoussée. Ergo: tant que Mirka Vavrinec ne se mettrait pas au régime, Sean avait les fesses au sec. Il était un génie!
Puis tout s’est cassé la gueule. Roger a gagné New York, alors que le MMI n’avait pas bougé, nom d'un chien! Et puis la bulle a pété et Wall Street a bu la tasse. Sean a spéculé sur un effet correctif du MMI (Roger s’est planté à Madrid). Mais le répit n’a été que de courte durée et le coup de grâce lui a été asséné à Bâle: Federer a remporté les Davidoff Swiss Indoors (en dépit d’un MMI en évidente progression!), l’action UBS a atteint un plancher historique et Sean a été viré.
Sean est donc au fond du trou. Mais il croit toujours au potentiel du MMI et envisage une reconversion. Dans le secteur wellness, par exemple: Mirka Vavrinec pourrait l’adopter comme coach – à condition de lui pardonner, évidemment.
25 octobre 2008
Les sens en éveil
Scène 1: Chantal et Cora au téléphone. Cora: Donc t’es sûre, ils l’ont fait? Chantal (triomphante): Absolument! Cora: Et comment ça s’est passé? Chantal: J'ai pas encore de détails, je vois Anke cet après-midi. Cora: C'est intenable de pas savoir. Il faut que j’appelle Paolo! Chantal Tu crois qu’il va se confier? Les mecs ont parfois du mal à parler de ça... Cora: T’inquiète, je vais lui mettre la pression.
Scène 2. Chantal et Anke au café. Chantal: Alors? Avec Paolo? Anke (hésitante): C'était super sympa... Chantal: Mais?... Anke: Mais pas de quoi se relever la nuit. Chantal (abasourdie): Nooon! Mais t’es vraiment sûre? Anke: Je sais pas comment dire. Avant, il se lâchait plus, il était plus spontané... Chantal: Mmmh... Anke: Là, c'était comme s'il était tout le temps en train de se mettre en scène, tu vois? Chantal: Mmmh... Anke: On a peut-être voulu trop trop vite. Chantal: Mmmh... Dis, c'était pas bizarre, cette intimité après tout ce temps? Anke: Ben disons que ça nous a rapprochés. Mais de là à parler d'intimité... Chantal (d'un air entendu): Tu préfères y aller doucement... Anke: Si on veut, ouais. Chantal: Mais vous allez remettre ça? Anke: On a convenu de se rappeler.
Scène 3: Cora chez Paolo. Cora: Donc, ça s’est joué à table… Paolo: Non, au salon, à l’apéro. Cora (suspendue à ses lèvres): Et? Paolo: Honnêtement, dans mon souvenir, elle était plus douée. Cora: Peut-être que tu dis ça, parce toi, entre-temps, t’as fait des progrès. Paolo (irrité): Tu sous-entends quoi, là? <em>Cora:</em> Ben faut bien admettre que pour les mecs, c’est pas facile, personne leur explique jamais rien... Paolo: En fait, je crois surtout qu’on était tendus un max, tous les deux. Faut qu’on se remette en confiance. Cora (d'un air entendu): C’est sûr.
Scène 4: Paolo et Anke au téléphone. Paolo: Donc on dit demain chez toi? Anke: Ça marche. Mais faut qu’on baisse les attentes d’un cran. Paolo: Ça me soulage que tu voies aussi les choses comme ça. Et faut peut-être que je prenne l’initiative, d'entrée... Anke: Absolument. Et ensuite que moi j'enchaîne. Avec des truites aux lardons? Paolo: Super. Et une crème brûlée pour terminer, ça te va? Anke: Impecc, j’ai même le petit chalumeau.
A tous ceux qui auraient raté le coche: Anke et Paolo entretiennent pour l’instant une relation strictement culinaire.
Scène 2. Chantal et Anke au café. Chantal: Alors? Avec Paolo? Anke (hésitante): C'était super sympa... Chantal: Mais?... Anke: Mais pas de quoi se relever la nuit. Chantal (abasourdie): Nooon! Mais t’es vraiment sûre? Anke: Je sais pas comment dire. Avant, il se lâchait plus, il était plus spontané... Chantal: Mmmh... Anke: Là, c'était comme s'il était tout le temps en train de se mettre en scène, tu vois? Chantal: Mmmh... Anke: On a peut-être voulu trop trop vite. Chantal: Mmmh... Dis, c'était pas bizarre, cette intimité après tout ce temps? Anke: Ben disons que ça nous a rapprochés. Mais de là à parler d'intimité... Chantal (d'un air entendu): Tu préfères y aller doucement... Anke: Si on veut, ouais. Chantal: Mais vous allez remettre ça? Anke: On a convenu de se rappeler.
Scène 3: Cora chez Paolo. Cora: Donc, ça s’est joué à table… Paolo: Non, au salon, à l’apéro. Cora (suspendue à ses lèvres): Et? Paolo: Honnêtement, dans mon souvenir, elle était plus douée. Cora: Peut-être que tu dis ça, parce toi, entre-temps, t’as fait des progrès. Paolo (irrité): Tu sous-entends quoi, là? <em>Cora:</em> Ben faut bien admettre que pour les mecs, c’est pas facile, personne leur explique jamais rien... Paolo: En fait, je crois surtout qu’on était tendus un max, tous les deux. Faut qu’on se remette en confiance. Cora (d'un air entendu): C’est sûr.
Scène 4: Paolo et Anke au téléphone. Paolo: Donc on dit demain chez toi? Anke: Ça marche. Mais faut qu’on baisse les attentes d’un cran. Paolo: Ça me soulage que tu voies aussi les choses comme ça. Et faut peut-être que je prenne l’initiative, d'entrée... Anke: Absolument. Et ensuite que moi j'enchaîne. Avec des truites aux lardons? Paolo: Super. Et une crème brûlée pour terminer, ça te va? Anke: Impecc, j’ai même le petit chalumeau.
A tous ceux qui auraient raté le coche: Anke et Paolo entretiennent pour l’instant une relation strictement culinaire.
20 septembre 2008
Banderas? Banderas pas?
Chantal estime que la plupart des parents ne réalisent pas à quel point leur consommation médias influence leur progéniture, «même avant la naissance». Motif, dit-elle, «on ignore encore tout ce qui passe par l’inconscient». Chantal est donc extrêmement sélective et ne consomme depuis vingt ans que des films d’art et d’essai, des documentaires à distribution confidentielle et quelques séries produites par HBO pour résister aux networks et à leur pression capitaliste. Sa DVD-thèque ne fait aucune concession au big business: Truffaut, Almodóvar, Zefirelli, Kubrick, Tarkovski... Quant à ses enfants, ils n’ont vu au compte-goutte que des dessins animés à plus-value artistique et pédagogique vérifiée. Résultat: Patrick lui a caché qu’il était aller voir le dernier «Batman» – mais surtout qu’il l’avait trouvé vachement bien et que son désir secret serait de pouvoir un jour piloter une Batmobile.
Le vent a néanmoins tourné la semaine dernière, alors qu’il regardait par la fenêtre les enfants en train s’ébattre dans la cour de l’immeuble. Il s’est tout à coup tourné triomphalement vers Chantal et lui a dit: «Je vais chez Media Markt!» «Pardon?» a fait Chantal, comme si Patrick lui avait annoncé qu’il allait au sex-shop. «Ouais, a dit Patrick, je vais acheter ‘Le Masque de Zorro’. Et on ira bientôt voir ‘Tropic Thunder’» «Mais non! a protesté Chantal. Tout ça, c’est des blockbusters abjects, commerciaux!» «Ouais.» «Mais tu peux pas!» «Oh que si! Et tu verras, Zorro fera pas plus de dégâts qu’Almodóvar.» «Comment ça?» «Regarde», a dit Patrick en l’invitant à le rejoindre à la fenêtre.
Chantal s’est approchée et à découvert en contre-bas Hugo... qui était en train de ligoter avec sa corde à sauter la petite voisine et de lui dire: «Et tu restes bien sage et tu bouges pas.» Bon Dieu! a frémi Chantal, «¡Átame!»… Son Almodovar favori quand elle était enceinte! «C’est Banderas tout craché, ce petit, tu trouves pas?, lui a soufflé Patrick. Alors, qu’est-ce que tu préfères? Que Louis et lui associent définitivement le bel Antonio à un détraqué sexuel nommé Ricky? Ou à un Zorro qui s’agite que de la cape, mmh?»
Le vent a néanmoins tourné la semaine dernière, alors qu’il regardait par la fenêtre les enfants en train s’ébattre dans la cour de l’immeuble. Il s’est tout à coup tourné triomphalement vers Chantal et lui a dit: «Je vais chez Media Markt!» «Pardon?» a fait Chantal, comme si Patrick lui avait annoncé qu’il allait au sex-shop. «Ouais, a dit Patrick, je vais acheter ‘Le Masque de Zorro’. Et on ira bientôt voir ‘Tropic Thunder’» «Mais non! a protesté Chantal. Tout ça, c’est des blockbusters abjects, commerciaux!» «Ouais.» «Mais tu peux pas!» «Oh que si! Et tu verras, Zorro fera pas plus de dégâts qu’Almodóvar.» «Comment ça?» «Regarde», a dit Patrick en l’invitant à le rejoindre à la fenêtre.
Chantal s’est approchée et à découvert en contre-bas Hugo... qui était en train de ligoter avec sa corde à sauter la petite voisine et de lui dire: «Et tu restes bien sage et tu bouges pas.» Bon Dieu! a frémi Chantal, «¡Átame!»… Son Almodovar favori quand elle était enceinte! «C’est Banderas tout craché, ce petit, tu trouves pas?, lui a soufflé Patrick. Alors, qu’est-ce que tu préfères? Que Louis et lui associent définitivement le bel Antonio à un détraqué sexuel nommé Ricky? Ou à un Zorro qui s’agite que de la cape, mmh?»
6 septembre 2008
Chacun sa détente
Isabel et Juan sont allés passer quelques jours en Bavière dans une ferme plantée à côté d’un établissement bien-être mammouth, où Isabel a booké pour elle un programme bien-être mammouth aussi: saunas, bains de foin, parcours Kneipp, cure de petit-lait, drainages lymphatiques... Marion et Juan la voient à peine. Et quand elle rentre, elle est «tellement détendue» qu’elle bascule aussi sec dans les bras de Morphée. Au grand dam de Juan qui n’a même pas réussi à l’allumer en lui racontant que Marion s’était amourachée de Fritz, le garçon de la ferme.
«Et tu l’as vu, a fait Juan. Acnéique, germain, renfrogné. Avec Marion qui trotte servilement sur ses talons. C’est atroce. On a échoué…» En temps normal, c’est le genre d’annonce qui aurait fait bondir Isabel. Mais là, elle a juste bâillé, avant de lâcher d'un air extatique: «Je suis folle de ce masseur.» «Pardon?» Juan a senti la moutarde lui monter au nez. «Il a des mains fabuleuses, a poursuivi Isabel. Il lui a suffi de poser ses paumes sur mon corps pour sentir ce dont il avait besoin. Jamais j’aurais imaginé qu’un homme pouvait avoir une telle intuition.»
Bordel de merde! s’est dit Juan. «T’as l’air crispé», a remarqué Isabel «Sans blague?», a fait Juan. En temps normal, Isabel aurait capté illico, mais c'était comme si tout ce bien-être lui avait limé les antennes. «Ben puisque tu en parles, a dit Juan de sa voix la plus sexe en se calant contre elle, je me disais…» Mais Isabel dormait déjà. Saloperie de Bavière!
Le lendemain, Juan s’est levé, prêt à faire les bagages pour décamper. Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. C’était Gudrun, la grande sœur de Fritz, qui voulait savoir s’ils avaient besoin de quelque chose. En plongeant le regard dans son bavarois et généreux décolleté à fronces, Juan a senti une chaleur délicieusement réconfortante lui envahir les reins. Le bien-être. Le vrai.
«Et tu l’as vu, a fait Juan. Acnéique, germain, renfrogné. Avec Marion qui trotte servilement sur ses talons. C’est atroce. On a échoué…» En temps normal, c’est le genre d’annonce qui aurait fait bondir Isabel. Mais là, elle a juste bâillé, avant de lâcher d'un air extatique: «Je suis folle de ce masseur.» «Pardon?» Juan a senti la moutarde lui monter au nez. «Il a des mains fabuleuses, a poursuivi Isabel. Il lui a suffi de poser ses paumes sur mon corps pour sentir ce dont il avait besoin. Jamais j’aurais imaginé qu’un homme pouvait avoir une telle intuition.»
Bordel de merde! s’est dit Juan. «T’as l’air crispé», a remarqué Isabel «Sans blague?», a fait Juan. En temps normal, Isabel aurait capté illico, mais c'était comme si tout ce bien-être lui avait limé les antennes. «Ben puisque tu en parles, a dit Juan de sa voix la plus sexe en se calant contre elle, je me disais…» Mais Isabel dormait déjà. Saloperie de Bavière!
Le lendemain, Juan s’est levé, prêt à faire les bagages pour décamper. Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. C’était Gudrun, la grande sœur de Fritz, qui voulait savoir s’ils avaient besoin de quelque chose. En plongeant le regard dans son bavarois et généreux décolleté à fronces, Juan a senti une chaleur délicieusement réconfortante lui envahir les reins. Le bien-être. Le vrai.
23 août 2008
Kim et Fantô-Mam
L’aîné a une nouvelle héroïne: c'est l’espionne Kim Possible – made by Disney, mais qui se rapproche (un peu) du genre de filles fortes auquel il est souhaitable de confronter les garçons, si l'on en croit l’évangile de puériculture et les gender studies. Donc, je critique pas.
Sans compter qu’elle me fait penser à Fantômette. Sauf qu'avec Fantômette, on aurait eu un problème en moins, vu qu'elle sortait toujours couverte, encagoulée et vêtue de son «élégant justaucorps de soie jaune». Alors que Kim a pour marque de fabrique un bourillon monté sur taille de guêpe qu'elle exhibe en permanence. Et qui turlupine mon aîné, ce qui met à l'épreuve mes compétences de gender studies-mam, soucieuse de ne pas voir son fils virer macho précoce.
Exemple: «Maman, pourquoi Kimpossibeule elle montre toujours son ventre?» Eviter les réponses catégoriques et stéréotypées: «Euh, juste comme ça, j’imagine...» «Mais pourquoi?» Surtout ne pas le laisser IMAGINER que les jolies filles font ça pour exciter les mâles ou/et pour humilier les grosses: «Parce qu’elles trouvent ça joli et qu’elles se sentent bien comme ça.» «Ouais mais, toi, maman, tu montres jamais ton ventre.» Faire comme si c’était mon choix. Comme si ça n’avait RIEN à voir avec le pneu: «Ben non... Peut-être... Je sais pas…» «C’est passk tu t’sens pas bien?» Tenir bon: «Non, ça me dit rien, c’est tout.» «C’est parce que t’es vieille?» Ne pas prendre personnellement: «Mais non…» «En fait, ton ventre il est pas comme celui de Kimpossibeule.» «Non» – voix un peu trop aigre. Se ressaisir et profiter de le rendre attentif au clivage entre idéal et réel: «Mais tu sais, PERSONNE n’a le même ventre que Kim Possible.»
L’aîné se replonge dans sa BD. Et moi je me sers un gros verre de rouge pour me féliciter d’avoir su relever incognito le défi gender studies: même si je ne rentre plus dans le justaucorps, l’esprit Fantômette est toujours en moi.
Sans compter qu’elle me fait penser à Fantômette. Sauf qu'avec Fantômette, on aurait eu un problème en moins, vu qu'elle sortait toujours couverte, encagoulée et vêtue de son «élégant justaucorps de soie jaune». Alors que Kim a pour marque de fabrique un bourillon monté sur taille de guêpe qu'elle exhibe en permanence. Et qui turlupine mon aîné, ce qui met à l'épreuve mes compétences de gender studies-mam, soucieuse de ne pas voir son fils virer macho précoce.
Exemple: «Maman, pourquoi Kimpossibeule elle montre toujours son ventre?» Eviter les réponses catégoriques et stéréotypées: «Euh, juste comme ça, j’imagine...» «Mais pourquoi?» Surtout ne pas le laisser IMAGINER que les jolies filles font ça pour exciter les mâles ou/et pour humilier les grosses: «Parce qu’elles trouvent ça joli et qu’elles se sentent bien comme ça.» «Ouais mais, toi, maman, tu montres jamais ton ventre.» Faire comme si c’était mon choix. Comme si ça n’avait RIEN à voir avec le pneu: «Ben non... Peut-être... Je sais pas…» «C’est passk tu t’sens pas bien?» Tenir bon: «Non, ça me dit rien, c’est tout.» «C’est parce que t’es vieille?» Ne pas prendre personnellement: «Mais non…» «En fait, ton ventre il est pas comme celui de Kimpossibeule.» «Non» – voix un peu trop aigre. Se ressaisir et profiter de le rendre attentif au clivage entre idéal et réel: «Mais tu sais, PERSONNE n’a le même ventre que Kim Possible.»
L’aîné se replonge dans sa BD. Et moi je me sers un gros verre de rouge pour me féliciter d’avoir su relever incognito le défi gender studies: même si je ne rentre plus dans le justaucorps, l’esprit Fantômette est toujours en moi.
2 août 2008
Les doigts dans le nez
Cet été, Cora et Sam ne sont pas partis en vacances: Cora a du boulot par-dessus la tête et Sam fait un stage intensif de tennis. La crèche est fermée, mais ils ont réussi à organiser avec leurs voisins un système de garde tournante pour les enfants. Un coup de maître qui leur a coûté quatre après-midi café-cake diplomatiques à mourir d’ennui, mais qui a permis à Cora de sacrément bien bosser et à Sean d’améliorer considérablement son revers. Le concept les a d’ailleurs enthousiasmé au point de leur faire affirmer à au moins quatre reprises: «D’ailleurs, on se demande pourquoi on continue à payer des crèches, quand la solution est là, au coin de la rue!». Enfin ça, c’était jusqu’à ce que ce soit le tour de Cora de garder les six bambins – c’est-à-dire de devoir se dépatouiller seule sur la pelouse (Sam était au tennis, ce salaud) avec une hydre bambinesque à six têtes (Tessa-Victor-Mike-Ludo-Garance-Violette) qui se disputaient le droit d’aînesse sur le tuyau d’arrosage.
Les choses suivaient leur cours (c’est-à-dire que Ludo venait d’arracher le tuyau des mains de Garance qui protestait en le traitant de «gros derrière»), quand son portable a sonné. Un coup d’œil au display à suffi à Cora pour identifier qui l’appelait: son client phénoménal, celui qui lui assure les meilleurs mandats! Aaahrgh!!! Elle a longuement hésité, puis crié aux enfants «Soyez sages, je reviens!» et a couru s’enfermer dans son bureau.
Mais elle avait à peine eu le temps de dire au client phénoménal d’un ton flatteur «Mmh, c’est le genre de projet aussi ambitieux que prometteur…», que le petit Mike s’est mis à hurler. Cora a aussitôt fermé la fenêtre pour étouffer ses cris. Trop tard, Violette tambourinait déjà contre la vitre en articulant des trucs incompréhensibles. Cora a alors battu en retraite à la cuisine en continuant de déblatérer d’une voix exagérément posée: «Une autre option serait évidemment d’envisager une partition symétrique des contenus, ce qui aurait l’avantage de faciliter l’approche multiorientée que vous ambitionnez…». Peine perdue: Tessa a déboulé en criant: «Maman, y’a Maïke ki saigne!»
Cora s’est aussitôt ruée au dehors en s’exclamant à l’attention du client: «Mais le concept a l’air a-bso-lu-ment passionnant!» Puis elle a jeté son portable vers la cuisine, attrapé Mike, refoncé à la cuisine, crié vers le combiné au sol «Je vous entends mal là… Oui, le réseau!», avant d’ouvrir le congélateur et d’y pousser Mike pour qu’il se chope une glace. Sur quoi Garance a vociféré: «Moi aussi, j’veux une Coloretto!»
Cora a repêché son portable. «Vous avez dit quelque chose?», a demandé le client phénoménal. «Nooon, a assuré Cora en plaquant sa main sur la bouche de Garance qui a écarquillé des yeux scandalisés. Mais vous savez, je crois qu’il vaut mieux que je vous rappelle depuis un fixe!». Elle a raccroché, hors d’haleine, distribué les Colorettos à la ronde, fait semblant d’inspecter le ciel limpide et déclaré d’un ton sentencieux à l’hydre bambinesque à six têtes: «Vous savez quoi, les enfants, j’ai vraiment l’impression qu’il va y avoir de l’orage. Alors, une télé, ça vous dit?»
Résultat: Cora a eu le mandat. Mais la garde tournante a pris fin ce jour-là. Après que Violette a raconté à sa mère «Pis je tapais cont’la f’nêtre pis elle venait pas pis Maïke y pleurait!», Mike à la sienne «Elle m’a poussé pis chuis tombé dans l’congélateur!», et Ludo à son père «Pis on a regardé deux films et dans un, ben y’avait un robot cool ki f’sait peur!»
Les choses suivaient leur cours (c’est-à-dire que Ludo venait d’arracher le tuyau des mains de Garance qui protestait en le traitant de «gros derrière»), quand son portable a sonné. Un coup d’œil au display à suffi à Cora pour identifier qui l’appelait: son client phénoménal, celui qui lui assure les meilleurs mandats! Aaahrgh!!! Elle a longuement hésité, puis crié aux enfants «Soyez sages, je reviens!» et a couru s’enfermer dans son bureau.
Mais elle avait à peine eu le temps de dire au client phénoménal d’un ton flatteur «Mmh, c’est le genre de projet aussi ambitieux que prometteur…», que le petit Mike s’est mis à hurler. Cora a aussitôt fermé la fenêtre pour étouffer ses cris. Trop tard, Violette tambourinait déjà contre la vitre en articulant des trucs incompréhensibles. Cora a alors battu en retraite à la cuisine en continuant de déblatérer d’une voix exagérément posée: «Une autre option serait évidemment d’envisager une partition symétrique des contenus, ce qui aurait l’avantage de faciliter l’approche multiorientée que vous ambitionnez…». Peine perdue: Tessa a déboulé en criant: «Maman, y’a Maïke ki saigne!»
Cora s’est aussitôt ruée au dehors en s’exclamant à l’attention du client: «Mais le concept a l’air a-bso-lu-ment passionnant!» Puis elle a jeté son portable vers la cuisine, attrapé Mike, refoncé à la cuisine, crié vers le combiné au sol «Je vous entends mal là… Oui, le réseau!», avant d’ouvrir le congélateur et d’y pousser Mike pour qu’il se chope une glace. Sur quoi Garance a vociféré: «Moi aussi, j’veux une Coloretto!»
Cora a repêché son portable. «Vous avez dit quelque chose?», a demandé le client phénoménal. «Nooon, a assuré Cora en plaquant sa main sur la bouche de Garance qui a écarquillé des yeux scandalisés. Mais vous savez, je crois qu’il vaut mieux que je vous rappelle depuis un fixe!». Elle a raccroché, hors d’haleine, distribué les Colorettos à la ronde, fait semblant d’inspecter le ciel limpide et déclaré d’un ton sentencieux à l’hydre bambinesque à six têtes: «Vous savez quoi, les enfants, j’ai vraiment l’impression qu’il va y avoir de l’orage. Alors, une télé, ça vous dit?»
Résultat: Cora a eu le mandat. Mais la garde tournante a pris fin ce jour-là. Après que Violette a raconté à sa mère «Pis je tapais cont’la f’nêtre pis elle venait pas pis Maïke y pleurait!», Mike à la sienne «Elle m’a poussé pis chuis tombé dans l’congélateur!», et Ludo à son père «Pis on a regardé deux films et dans un, ben y’avait un robot cool ki f’sait peur!»
18 juillet 2008
L'énigme foudischpalte
La scène représente Julie et Marc dans le tram en route pour la plage. Leo a absolument tenu à enfiler son gilet de sauvetage et vient de demander à Julie de le serrer un peu plus. Alors qu’elle s’accroupit face à lui pour s’exécuter, son pantalon lui glisse sur les reins. Les deux enfants assis côte à côte dans son dos se mettent à pouffer.
Les gosses (en suisse allemand): Hi! Hi! Haschgsééé? Foudischpalte! Hi! Hi!
Leur mère assise la rangé à côté les foudroie du regard. Marc se mord les lèvres pour ne pas rire. Julie (irritée): Pourquoi tu ricanes comme ça? Marc: Non rien… Il étouffe un nouveau fou rire. Julie: Non mais vas-y, dis-le! Qu’est-ce que qu’il y a de si drôle? Marc (s'essuyant une larme au coin de l’œil): Fais pas attention, c’est juste des gosses… Julie: Quoi, juste des gosses? Arrête de tourner autour du pot! Marc: Non, je peux pas. Tu vas les tuer. Julie: Non mais ça va pas? D’abord tu me dis que c’est pas grave et ensuite tu insinues que c’est grave au point que si je pige ce qu’ils ont dit, je vais les tuer? Marc: Laisse tomber… Julie (énervée): Je vais rien laisser tomber du tout! Alors, c’est quoi foudichaltruc, toi qui comprends le suisse allemand, hein? Marc (malgré lui): Pas foudischaltruc. Fou-di-schpalte… Julie: Oh, excuse-moi! Alors, c’est quoi fou-di-schpalte? Sur leurs sièges, les gosses se tordent de rire. Leur mère les foudroie de plus belle. Leo: Papa, c’est quoi foudischaltruc fou-di-schpalte? Marc (hilare): Rien, Leo, rien… Hi! Hi! Julie: Bon, ça suffit, maintenant! Leo (tirant sur le t-shirt de Marc): Papa… C’est quoi foudi… Julie (hors d’elle): Ça devient ridicule! Qu’est-ce qu’ils ont dit, nom d’un chien? Marc lui murmure quelque chose à l’oreille. Julie (estomaquée): Et t’interviens même pas? Marc: Mais quelque part c’est de ta faute! Je t’ai toujours dit que quand tu te penches avec ce froc on te voit la (il baisse la voix) la raie des fesses. Leo (fort): C’est quoi la raie des fesses, Papa?
Les gosses (en suisse allemand): Hi! Hi! Haschgsééé? Foudischpalte! Hi! Hi!
Leur mère assise la rangé à côté les foudroie du regard. Marc se mord les lèvres pour ne pas rire. Julie (irritée): Pourquoi tu ricanes comme ça? Marc: Non rien… Il étouffe un nouveau fou rire. Julie: Non mais vas-y, dis-le! Qu’est-ce que qu’il y a de si drôle? Marc (s'essuyant une larme au coin de l’œil): Fais pas attention, c’est juste des gosses… Julie: Quoi, juste des gosses? Arrête de tourner autour du pot! Marc: Non, je peux pas. Tu vas les tuer. Julie: Non mais ça va pas? D’abord tu me dis que c’est pas grave et ensuite tu insinues que c’est grave au point que si je pige ce qu’ils ont dit, je vais les tuer? Marc: Laisse tomber… Julie (énervée): Je vais rien laisser tomber du tout! Alors, c’est quoi foudichaltruc, toi qui comprends le suisse allemand, hein? Marc (malgré lui): Pas foudischaltruc. Fou-di-schpalte… Julie: Oh, excuse-moi! Alors, c’est quoi fou-di-schpalte? Sur leurs sièges, les gosses se tordent de rire. Leur mère les foudroie de plus belle. Leo: Papa, c’est quoi foudischaltruc fou-di-schpalte? Marc (hilare): Rien, Leo, rien… Hi! Hi! Julie: Bon, ça suffit, maintenant! Leo (tirant sur le t-shirt de Marc): Papa… C’est quoi foudi… Julie (hors d’elle): Ça devient ridicule! Qu’est-ce qu’ils ont dit, nom d’un chien? Marc lui murmure quelque chose à l’oreille. Julie (estomaquée): Et t’interviens même pas? Marc: Mais quelque part c’est de ta faute! Je t’ai toujours dit que quand tu te penches avec ce froc on te voit la (il baisse la voix) la raie des fesses. Leo (fort): C’est quoi la raie des fesses, Papa?
5 juillet 2008
Donner de la voix
Lumi adore «chanter avec» quand elle est en voiture – c’est-à-dire couiner au volant avec Joss Stone, money-money-moner avec ABBA, jacqueline-baryter avec Franz Ferdinand ou suomiser avec des stars que seuls les Finlandais connaissent. Bref, karaoker la miouze en bagnole, elle trouve ça wow.
Mais depuis quelques mois, Lumi se sent bridée dans ses élans. A cause de ses enfants. Au point d’ailleurs qu’elle regrette l’époque où sa progéniture s’endormait dès le premier tour de roue. Depuis Pâques, en effet, Tuula se bouche les oreilles et hurle: «J’en peux pluuus!!!» chaque fois que Lumi entonne quelque chose – la dernière fois c’était «Life on Mars?» avec David Bowie, alors qu’elle attaquait le glissando ultrapérilleux sur «Ma-a-a-ars». Mati a aussi pris l’habitude d’en rajouter en geignant: «Arrête, maman, j’ai peur quand tu fais comme ça!» Pirkko est la seule qui ne se plaint pas et chante avec sa mère. Tellement faux que Lumi a envisagé de lui faire passer des tests d’audition.
Donc ces temps-ci, Lumi est en quête d’excuses pour prendre la voiture seule. Et l’autre jour, elle a eu l’idée du siècle: le chien! Mais oui! Le chien qui en a tant besoin d’espace! Ni une ni deux, Lumi a embarqué la bête et s’est tirée pour quinze kilomètres de route, seule avec Amy Whinehouse et son prodigieux retard sur le beat, oooh yes. Mais elle avait à peine eu le temps de crooner d’une voix idéalement grave «But I say nooo nooo nooo…» que le chien s’est mis à hurler. Lugubrement. Comme s’il endurait une souffrance atroce. Lumi a poussé un soupir long comme une nuit d’hiver helsinkique. Et décidé d’emmener bientôt Sean pour une virée bagnole en amoureux – histoire de soumettre ses sentiments à l’ultime épreuve.
Mais depuis quelques mois, Lumi se sent bridée dans ses élans. A cause de ses enfants. Au point d’ailleurs qu’elle regrette l’époque où sa progéniture s’endormait dès le premier tour de roue. Depuis Pâques, en effet, Tuula se bouche les oreilles et hurle: «J’en peux pluuus!!!» chaque fois que Lumi entonne quelque chose – la dernière fois c’était «Life on Mars?» avec David Bowie, alors qu’elle attaquait le glissando ultrapérilleux sur «Ma-a-a-ars». Mati a aussi pris l’habitude d’en rajouter en geignant: «Arrête, maman, j’ai peur quand tu fais comme ça!» Pirkko est la seule qui ne se plaint pas et chante avec sa mère. Tellement faux que Lumi a envisagé de lui faire passer des tests d’audition.
Donc ces temps-ci, Lumi est en quête d’excuses pour prendre la voiture seule. Et l’autre jour, elle a eu l’idée du siècle: le chien! Mais oui! Le chien qui en a tant besoin d’espace! Ni une ni deux, Lumi a embarqué la bête et s’est tirée pour quinze kilomètres de route, seule avec Amy Whinehouse et son prodigieux retard sur le beat, oooh yes. Mais elle avait à peine eu le temps de crooner d’une voix idéalement grave «But I say nooo nooo nooo…» que le chien s’est mis à hurler. Lugubrement. Comme s’il endurait une souffrance atroce. Lumi a poussé un soupir long comme une nuit d’hiver helsinkique. Et décidé d’emmener bientôt Sean pour une virée bagnole en amoureux – histoire de soumettre ses sentiments à l’ultime épreuve.
21 juin 2008
Oops I Did It Again…
Anke est arrivée chez Paolo avec vingt minutes de retard, histoire de bien afficher sa désinvolture. Elle était en train de se composer un air blasé, lorsque Paolo a ouvert la porte, offrant dans l’embrasure un spectacle… comment dire… merdique – le survête pourri, le tif hirsute, le visage bouffi par le rhume. «Désolé, a-t-il soufflé, je suis out. Je voulais t’appeler, mais j’ai versé. Tu entres quand même? Je te sers un verre, un thé?» Anke a fait «Ouais d'accord» sans conviction en prenant son air mais-c’est-bien-parce-que-t’insistes.
Après avoir mis en route la bouilloire, Paolo s’est effondré dans le canapé en face du fauteuil où elle avait pris place. Et c’est là que c’est arrivé. Que cette inexplicable tache claire est apparue sur le cuir du canapé… Juste entre ses jambes… Son…! Sa…! Nom de Dieu!
Anke a mis quelques secondes à s’en remettre. Puis elle a esquissé un geste évocateur en direction de l’entre-jambes de Paolo, offert à la vue de tous grâce aux trous du survête pourri: «Euh, là, t’as...» Paolo a froncé les sourcils et baissé la tête pour regarder. Anke anticipait déjà avec délectation ses rougissements, ses excuses bredouillées, vaines…! Mais Paolo n’a pas rougi le moins du monde. Il a juste dit «Oups!» et fait disparaître le corps du délit par le même trou d’un geste scandaleusement… routinier! Anke était abasourdie. OUPS!? Il s’était vautré avec son truc à l’air et ça lui arrachait juste un… OUPS!? Elle allait le tuer!!
Mais la voix de Britney Spears est tout a coup montée d’une voiture qui passait sous les fenêtres, musique à coin. Et lui a coupé la chique en emplissant le salon durant quelques secondes d’un dansant «Oops!… I did it again!»
Après avoir mis en route la bouilloire, Paolo s’est effondré dans le canapé en face du fauteuil où elle avait pris place. Et c’est là que c’est arrivé. Que cette inexplicable tache claire est apparue sur le cuir du canapé… Juste entre ses jambes… Son…! Sa…! Nom de Dieu!
Anke a mis quelques secondes à s’en remettre. Puis elle a esquissé un geste évocateur en direction de l’entre-jambes de Paolo, offert à la vue de tous grâce aux trous du survête pourri: «Euh, là, t’as...» Paolo a froncé les sourcils et baissé la tête pour regarder. Anke anticipait déjà avec délectation ses rougissements, ses excuses bredouillées, vaines…! Mais Paolo n’a pas rougi le moins du monde. Il a juste dit «Oups!» et fait disparaître le corps du délit par le même trou d’un geste scandaleusement… routinier! Anke était abasourdie. OUPS!? Il s’était vautré avec son truc à l’air et ça lui arrachait juste un… OUPS!? Elle allait le tuer!!
Mais la voix de Britney Spears est tout a coup montée d’une voiture qui passait sous les fenêtres, musique à coin. Et lui a coupé la chique en emplissant le salon durant quelques secondes d’un dansant «Oops!… I did it again!»
7 juin 2008
La grue, le slip et la tulipe
Anke a fini par accepter l’invitation de Paolo. Elle a bien pesé le pour et le contre avec Wentworth Miller pendant la 3 de «Prison Break»: elle est prête, elle sera forte. Ils ont même fait de l’origami. Car comme dit Went, «La grue de papier, c’est le symbole du lien» - ce qui est lourd de sens...
Pendant qu’Anke attaquait ses premiers plis, Went a longuement scruté la cour du pénitencier avant de déclarer: «Tu fais une connerie.» «Peut-être, a soupiré Anke. Mais faut que j’agisse.» «Faut surtout que t’aies un plan, a rétorqué Went. Tu veux que je m’agrippe à la grille de la tôle d’un air concentré pour te donner des idées?»
Went a vraiment une intuition exceptionnelle, parce qu’il a suffit qu’il empoigne les barreaux en crispant la mâchoire pour qu’Anke ait son flash: si elle ne voulait pas retomber dans le piège du j’enjolive-après-coup, elle devait regarder la vérité en face. Se souvenir sans détour de ce qui l’énervait le plus chez Paolo quand elle était avec lui. Et ce quelque chose, c’était ses slips: d’immondes loques que Paolo refusait pourtant catégoriquement de mettre à la poubelle. «Tu peux comprendre un truc pareil?» a demandé Anke. «Non, a répondu Went avec fermeté. Moi j’ai toujours des boxers impecs de chez GAP.»
Alors Anke a froissé en boulette son cinquième carré de papier et admis: «J’arrive pas à faire la grue.» «Essaye la tulipe, a conseillé Went, j’en aurai besoin pour le final de la 3.» «Et on fait comment, la tulipe?», a demandé Anke. Mais Went était trop absorbé dans l’inspection d’un disjoncteur pour répondre. Il s’est cependant racheté vingt minutes plus tard en retirant son sweat-shirt encore humide de sueur. Et Anke lui aurait volontiers plié dix tulipes pour avoir le droit de se lover dedans.
Pendant qu’Anke attaquait ses premiers plis, Went a longuement scruté la cour du pénitencier avant de déclarer: «Tu fais une connerie.» «Peut-être, a soupiré Anke. Mais faut que j’agisse.» «Faut surtout que t’aies un plan, a rétorqué Went. Tu veux que je m’agrippe à la grille de la tôle d’un air concentré pour te donner des idées?»
Went a vraiment une intuition exceptionnelle, parce qu’il a suffit qu’il empoigne les barreaux en crispant la mâchoire pour qu’Anke ait son flash: si elle ne voulait pas retomber dans le piège du j’enjolive-après-coup, elle devait regarder la vérité en face. Se souvenir sans détour de ce qui l’énervait le plus chez Paolo quand elle était avec lui. Et ce quelque chose, c’était ses slips: d’immondes loques que Paolo refusait pourtant catégoriquement de mettre à la poubelle. «Tu peux comprendre un truc pareil?» a demandé Anke. «Non, a répondu Went avec fermeté. Moi j’ai toujours des boxers impecs de chez GAP.»
Alors Anke a froissé en boulette son cinquième carré de papier et admis: «J’arrive pas à faire la grue.» «Essaye la tulipe, a conseillé Went, j’en aurai besoin pour le final de la 3.» «Et on fait comment, la tulipe?», a demandé Anke. Mais Went était trop absorbé dans l’inspection d’un disjoncteur pour répondre. Il s’est cependant racheté vingt minutes plus tard en retirant son sweat-shirt encore humide de sueur. Et Anke lui aurait volontiers plié dix tulipes pour avoir le droit de se lover dedans.
24 mai 2008
Du rail aux effets secondaires
Les voitures ont toujours inspiré à Chantal une répulsion profonde et si elle a passé son permis de conduire il y a quinze ans, c’est parce que ce papelard était la condition sine qua non pour se faire engager au CICR – or Chantal voulait à tout prix faire le bien. Elle n’a donc accepté que de justesse le récent compromis Prius de Patrick – c’est que Patrick aime Chantal, mais il aime aussi conduire et trouve Mobility «mal foutu et pas marrant».
L’autre jour, Chantal s’est dit qu’elle adorerait faire un long voyage en train dans le Grand Nord cet été: avec soleil de minuit, traditions ancestrales des Sami... Patrick a dit «Why not?», mais préféré tester avant les aptitudes ferroviaires de ses fistons. Il les a donc emmenés chez des amis pour le week-end à bord d’un vaisseau CFF.
«Comment ça s’est passé?», a demandé Chantal au téléphone. «Le cauchemar, a soupiré Patrick. Ils ont fait les cons, flanqué des coups de bottes à une mémère…» «Aïe! Et Max, Natacha, ça baigne?» Patrick a baissé la voix: «Ils divorcent!» «Non!» «Si et j’ai ma petite idée là-dessus…» «Elle le trompe, c’est ça? J’ai toujours senti que Natacha avait un amant!» «Non! Ils divorcent à cause de Budapest!» «L’amant est hongrois?» «Mais non! Budapest! Leur looong voyage en train de l’an dernier! Imagine le tableau: eux enfermés dans ce wagon pendant trente heures avec Théo et zéro possibilité de le ficeler… Y’a de quoi faire craquer n’importe quel couple!» «Mais nous on y arrivera!» «Non, on n’y arrivera pas, parce que nous, on en a deux! Alors on ira en avion et en bagnole! Et si tu refuses, je rachète le 4x4 à tes parents!»
L’autre jour, Chantal s’est dit qu’elle adorerait faire un long voyage en train dans le Grand Nord cet été: avec soleil de minuit, traditions ancestrales des Sami... Patrick a dit «Why not?», mais préféré tester avant les aptitudes ferroviaires de ses fistons. Il les a donc emmenés chez des amis pour le week-end à bord d’un vaisseau CFF.
«Comment ça s’est passé?», a demandé Chantal au téléphone. «Le cauchemar, a soupiré Patrick. Ils ont fait les cons, flanqué des coups de bottes à une mémère…» «Aïe! Et Max, Natacha, ça baigne?» Patrick a baissé la voix: «Ils divorcent!» «Non!» «Si et j’ai ma petite idée là-dessus…» «Elle le trompe, c’est ça? J’ai toujours senti que Natacha avait un amant!» «Non! Ils divorcent à cause de Budapest!» «L’amant est hongrois?» «Mais non! Budapest! Leur looong voyage en train de l’an dernier! Imagine le tableau: eux enfermés dans ce wagon pendant trente heures avec Théo et zéro possibilité de le ficeler… Y’a de quoi faire craquer n’importe quel couple!» «Mais nous on y arrivera!» «Non, on n’y arrivera pas, parce que nous, on en a deux! Alors on ira en avion et en bagnole! Et si tu refuses, je rachète le 4x4 à tes parents!»
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