25 avril 2006

Dawson’s Cruise

La scène représente deux amies (A. et B.), en train de discuter dans une file d’attente devant un cinéma où passe le film d’Ang Lee «Le Secret de Brokeback Mountains».

A. Tu sais, ce film, ça me fait penser au bébé de Tom Cruise.
B. Comment ça?
A. Mais oui, tu sais, celle qui joue la copine d’un des cow-boys homos, c’est celle qui jouait Jen dans «Dawson». Eh ben dans «Dawson», il y avait aussi Katie Holmes.
B. Katie Holmes?
A. Mais oui, Joey!
B. Celle qui lâche Dawson pour Pacey?
A. Exact. Eh ben dans la vie, Joey, elle vient d’accoucher du bébé de Tom Cruise.
B. Ah ouais, c’est juste et il y a ces bruits qui courent sur le fait que Cruise est peut-être pédé et qu’il lui a fait un gosse pour s’acheter une virilité…
A. Ouais et quelque part, y’a pas de fumée sans feu. Je veux dire, ce Cruise, même s’il était vachement bien dans «Magnolia», c’est un taré de scientologue et je suis sûre qu’il a obligé Joey à se convertir à toutes ces conneries dianétiques. Franchement, moi, Joey, je l’aimais mieux quand elle s’envoyait Pacey et quand elle se défonçait dans «Ice Storm». C’est marrant, ça, elle aussi elle a fait un film avec Ang Lee...
B. Ah ouais! Trop cool, «Ice Storm», les costumes seven, l’ambiance, l’histoire…
A. Ouais. En fait, c’est marrant… B. Quoi? A. Ben que Joey se retrouve avec un pédé qui s’oute pas et Jen aussi, non.
B. Pis Joey, elle sortait pas déjà avec un homo qui arrivait pas à s’outer dans «Dawson»?
A. Ah mais ouais!!! C’était Jack!!!… Mais bon, franchement, elle aurait quand même dû piger que «Dawson», c’était une fiction, non?  

18 avril 2006

Main de fer et gant de velours

Sam, le mari de Cora, est un magistral exemple d’égalité réussie entre les sexes: un champion du moitié-moitié jusqu’au bout, du partage spontané des tâches ménagères et de la paternité engagée. Il est toujours disponible pour aller chez le pédiatre, à la crèche, se lever la nuit, sauter dans la brèche quand sa fille est malade, soutenir à fond la carrière de Cora... En plus, côté look et boulot, Sam est au top. Un sacré jack pot, ce mec, se disent régulièrement les copines de Cora. Un sacré gâche-métier, pensent probablement leurs pendants mâles – qui sentent bien que même quand ils se donnent de la peine, ce n’est jamais aussi parfait qu’«avec Sam».

Mais récemment, Sam a chopé une irritation dans la paume de la main. Minuscule, d’abord, puis qui s’est rapidement étendue, de plus en plus cramoisie et douloureuse. Sam est donc allé chez le toubib. Lequel lui a dit: «J’ai comme l’impression que vous en faites trop, cette affection c’est un signe. Probablement psychosomatique.» Il a donc prescrit à Sam un traitement et lui a ordonné de limiter à son engagement côté tâches ménagères.

Cora, évidemment, n’a pas du tout aimé ces conclusions. Pour elle, le diagnostic de ce «dinosaure sexiste» n’est qu’un complot machiste en déguisement médical. Mais elle ne se laisse pas abattre et soutient Sam de son mieux: elle lui rappelle chaque soir de mettre sa crème et lui a acheté une paire de gants de ménage à sa taille, «parce que quand on est malade, c’est psychologiquement très important de ne pas se sentir diminué».

11 avril 2006

Brasse coulée

Après six mois de Kieser Training, Juan fait un bilan mitigé. La faute à cette foutue balance qui vous mesure le rapport masse maigre (objectif à atteindre) / masse grasse (ennemi à abattre) / flotte (facteur neutre). La dernière fois en effet que Juan est monté dessus, la masse maigre était toujours «dans la norme», la masse grasse toujours «légèrement en dessus»: aucun changement.

Ecœuré, Juan a décidé de se mettre à la natation – la natation, c'est un beau sport et puis Juan s'est senti particulièrement motivé à l’idée d’évoluer au milieu de naïades à maillots échancrés. En arrivant à la piscine, il a donc été étonné (et très déçu) de découvrir des bassins grouillant de seniors. Sans une naïade à l’horizon. Mais Juan ne s’est pas dégonflé pour autant et a entrepris de faire ses longueurs.

Le problème, c’est que toutes les lignes étaient encombrées de mémés et de pépés qui faisaient du sur-place. Juan devait sans arrêt les doubler. Ou plutôt essayer de les doubler, car sitôt qu’ils sentaient que quelqu’un cherchait à les dépasser, ces pisciseniors mettaient toute leur hargne pour gagner la lutte au coude à coude.

Après s’être fait gifler quatre fois d’affilée par une mémé (toujours la même!), Juan a décidé qu’il devait donner une leçon à ces «vioques de mes deux». Il s’est donc approché discrètement sous l’eau de la mémé-gifleuse et l’a empoignée par derrière à la cheville en tirant un coup sec. Sa victime a bu la tasse et refait surface en suffoquant. Juan, lui, a crawlé comme un dératé et battu en retraite aux vestiaires.

Le lendemain, il renouvelait son abonnement Kieser.

4 avril 2006

Vert barge

Chaque année, je jure de rester forte, de résister. En vain: dès que la température dépasse10 degrés, je fonce avec le troupeau écumer les garden centers et Ikea, même si ça me coûte quinze kil d’autoroute embouteillée et des parkings mammouths au bord de l’explosion. Mon objectif: choper un caddie XXL pour y charger, bouche ouverte et sueur au front, six mètres cube de bambous géants avec des ten packs de fraisiers, des coussins orientalo-design, de la vaisselle en mélanine rétro «outdoor», des plantes aromatiques qui fouettent, une guirlande lumineuse «Marrakech»… Et couronner l’expédition d’un hot dog suédois à 1 franc.

Pour être honnête, j’ai longtemps cru que la jardinite ne frappait que les papys. Mais moi aussi, j’ai fini par m’y mettre. Pas par amour de la terre. Plutôt par conformisme, en fait. Rapport à cette «fascinante inversion de tendance» identifiée par des sociologues épris de formules sybillino-psys. Lesquels ont déclaré que l’ancien passe-temps du beauf était désormais un hobby tendance et les jardins les «nouveaux lieux d’investissement de la modernité urbaine». Bref, j’alimente simplement une dérive consumériste de plus.
De manière générale, je peux dire que le chéri est d’un stoïcisme à toute épreuve face à ma transe teak&compost: j’aborde le sujet environ neuf fois par jour et il ne m’a jamais suppliée de la fermer. Mais ça ne l’a pas empêché l’autre jour de lâcher un truc qui m’a fait carrément mal: «Je crois que je t’aimais mieux quand tu laissais mourir nos plantes en pots.»