Chantal est une maman mordue d’alternatif. Et en tant que telle, une obsédée du système immunitaire. Sa mission de tous les jours: le «fortifier». Que ce soit en emmenant régulièrement ses enfants dans une ferme bio «pour le lien à la terre», en leur interdisant les hamburgers ou en les gavant de médics «naturels». Chantal est en effet une enthousiaste adepte de l’homéopathie et des décoctions «ancestrales qui renforcent les défenses». Elle ne se résigne donc aux antibiotiques qu’en dernier recours, par exemple en cas d’inexplicable échec des globuli; face à une otite aiguë.
Chantal a évidemment refusé de faire vacciner ses enfants. Elle est «sûre» que cette saleté leur bousillerait leur système immunitaire et trouve «inquiétant» que tant de parents fasssent encore preuve d’aveuglement, tout en comprenant que c’est «dur» de rester vigilant, vu les «milliards» qu’investit l’industrie pharmaceutique pour dissimuler «les effets secondaires dévastateurs du ROR». Chantal, elle, préfère «protéger» ses gosses. Et faire confiance à l’allaitement et au jus de bouleau.
Mais depuis que la grippe du poulet ne sévit plus seulement dans la lointaine et holistique Asie, Chantal a les jetons. Les globuli anti-grippe suffiraient-ils si ses mouflets venaient à contracter cette saloperie dans le poulailler bio? Dans le doute, elle a jugé plus prudent de se procurer une décoction amazonienne. Ainsi que quelques boîtes de Tamiflu. Et trouve «scandaleux» que l’industrie pharmaceutique n’ait pas encore réussi à mettre au point un vaccin.
21 mars 2006
14 mars 2006
Le père et le cash
La semaine dernière, Lumi et moi avons passé un après-midi remarquable, façon paix royale. Pirkko pionçait ferme couverture, les grands jouaient aux princesses-dinosaures et aux chevaliers-Shrek à l’étage. On pouvait donc bâfrer du cake sans redouter d’avoir à chaque instant un conflit insoluble à arbitrer la bouche pleine. La plénitude!
C’est là que Lumi m’a raconté qu’elle avait récemment réalisé un truc: elle était lessivée, alors que Sean pétait la forme, carrière au poing. «Ce qu’il y a de vache, a poursuivi Lumi, c’est que même quand il voit à peine les enfants, il n’a jamais de doute sur sa place de paternel. Il peut même brandir l’argument bateau de la société moderne qui n’est pas mûre pour le temps partiel masculin. Alors l’autre jour, j’ai décidé de mettre les pendules à l’heure.» «Comment?», ai-je demandé. «J’ai cessé de me sentir mal par rapport au fric et au fait que je vis à ses crochets, a répondu Lumi. J’ai compris que pour m’en sortir, je devais réussir à considérer l’argent qu’il gagne comme étant le mien. De la même façon qu’il considère les enfants que j’élève moi comme étant les siens.
»Eh bien depuis, a-t-elle poursuivi, je comprends mieux les mecs qui ont le front d’affirmer qu’avoir des enfants, ça ne vous chamboule pas tant que ça l’existence. J’ai même décidé de les battre à plate couture sur le terrain de la mauvaise foi et de leur dire, chaque fois qu’ils geignent à cause du boulot, que gagner sa vie, ce n’est pas si dur que ça. La preuve, taper 300 balles à Sean, ça n’a rien d’éreintant.»
C’est là que Lumi m’a raconté qu’elle avait récemment réalisé un truc: elle était lessivée, alors que Sean pétait la forme, carrière au poing. «Ce qu’il y a de vache, a poursuivi Lumi, c’est que même quand il voit à peine les enfants, il n’a jamais de doute sur sa place de paternel. Il peut même brandir l’argument bateau de la société moderne qui n’est pas mûre pour le temps partiel masculin. Alors l’autre jour, j’ai décidé de mettre les pendules à l’heure.» «Comment?», ai-je demandé. «J’ai cessé de me sentir mal par rapport au fric et au fait que je vis à ses crochets, a répondu Lumi. J’ai compris que pour m’en sortir, je devais réussir à considérer l’argent qu’il gagne comme étant le mien. De la même façon qu’il considère les enfants que j’élève moi comme étant les siens.
»Eh bien depuis, a-t-elle poursuivi, je comprends mieux les mecs qui ont le front d’affirmer qu’avoir des enfants, ça ne vous chamboule pas tant que ça l’existence. J’ai même décidé de les battre à plate couture sur le terrain de la mauvaise foi et de leur dire, chaque fois qu’ils geignent à cause du boulot, que gagner sa vie, ce n’est pas si dur que ça. La preuve, taper 300 balles à Sean, ça n’a rien d’éreintant.»
7 mars 2006
Les enfants de la télé
Question TV, je suis très double discours. Alors que j’entretiens une relation hpyeraddictive au petit écran, je règle de manière draconienne les périodes où mes enfants y ont droit, rapport à l’état catatonique et un rien effrayant dans lequel ça les plonge.
Mais j’ai aussi constaté l’effet dévastateur que peut avoir la télé-abstinence sur des adultes. Julie, par exemple, n’a plus de poste depuis dix ans et prétend volontiers que c’est «super» comme ça. Pourtant, son paradis préservé de la vulgarité cathodique a récemment connu une grosse perturbation, lorsqu’elle s’est retrouvée en tentation et terriblement désireuse de découvrir la série «Desperate Housewives».
Au moment de la sortie du coffret DVD, elle s’est évidemment ruée dessus. Et a immédiatement cédé à l’enchantement, en se faisant sept épisodes d’un coup sur son ordi. Une sacrée dose, mais Julie y est allée avec l’élan de la novice, qui vit la révélation et trouve ça tellement bon qu’elle en veut toujours plus. Elle a remis ça trois soirées d’affilée, zonant la journée en robe de chambre, oubliant le rendez-vous chez le pédiatre… Le quatrième, elle a vomi tripes et boyaux.
La preuve, me direz-vous, que la télé, c’est super néfaste. Alors qu’en réalité, le vrai danger, c’est de ne jamais la regarder. Car se priver de ce qu’elle fait de meilleur, c’est idiot. Mais pour en profiter, il faut de l’exercice. Sans quoi on se retrouve devant elle comme Julie et mes enfants, médusé, vulnérable.
Okay, l’entraînement de ma progéniture commence dès demain.
Mais j’ai aussi constaté l’effet dévastateur que peut avoir la télé-abstinence sur des adultes. Julie, par exemple, n’a plus de poste depuis dix ans et prétend volontiers que c’est «super» comme ça. Pourtant, son paradis préservé de la vulgarité cathodique a récemment connu une grosse perturbation, lorsqu’elle s’est retrouvée en tentation et terriblement désireuse de découvrir la série «Desperate Housewives».
Au moment de la sortie du coffret DVD, elle s’est évidemment ruée dessus. Et a immédiatement cédé à l’enchantement, en se faisant sept épisodes d’un coup sur son ordi. Une sacrée dose, mais Julie y est allée avec l’élan de la novice, qui vit la révélation et trouve ça tellement bon qu’elle en veut toujours plus. Elle a remis ça trois soirées d’affilée, zonant la journée en robe de chambre, oubliant le rendez-vous chez le pédiatre… Le quatrième, elle a vomi tripes et boyaux.
La preuve, me direz-vous, que la télé, c’est super néfaste. Alors qu’en réalité, le vrai danger, c’est de ne jamais la regarder. Car se priver de ce qu’elle fait de meilleur, c’est idiot. Mais pour en profiter, il faut de l’exercice. Sans quoi on se retrouve devant elle comme Julie et mes enfants, médusé, vulnérable.
Okay, l’entraînement de ma progéniture commence dès demain.
28 février 2006
Réflexion multitâche
C’est bien connu, les mères sont les championnes du multitâche, mais la société et l’économie refusent obstinément d’honorer cette qualité. C’est écœurant, se disent des cohortes de mamans. Et moi avec elles. Surtout quand mes nerfs en bavent vachement – par exemple lorsque mon aîné sanglote dans le bus bondé que la dame assise en face «pue»…
Elever des enfants, ça réclame des qualités de manager: de la créativité, de la rigueur, des nerfs d’acier, de l’humour, de la persévérance. Une mère doit par exemple sans cesse poser des limites («Non, tu ne prends pas de drakkar Playmobil sur le télésiège!»), tout en étant capable de faire des compromis («Okay, va pour la moufle Spiderman sur la main gauche et la moufle Bateman sur la droite»). Malheureusement, au pays des managers, personne ne considère le drakkar ou la moufle comme des enjeux majeurs.
Mais est-ce vraiment la maternité qui nous enseigne le multitâche? Pas si sûr. A 20 ans, par exemple, j’excellais déjà dans le domaine. Lors de foires bien arrosées, je pouvais dans la même seconde resservir d’une main huit personnes en vin rouge, platcher de l’autre du risotto dans leurs assiettes et lâcher une bonne blague, tout en recomptant mentalement combien de clopes il me restait avant de devoir me rabattre sur les mégots déjà écrasés.
Dommage qu’aucun CEO n’ait assisté à ce tour de force inspirant. Aujourd’hui, je serais cadre, je pèserais plus lourd économiquement que le chéri. Et ce serait lui qui ferait briller son intelligence émotionnelle dans le bus.
Elever des enfants, ça réclame des qualités de manager: de la créativité, de la rigueur, des nerfs d’acier, de l’humour, de la persévérance. Une mère doit par exemple sans cesse poser des limites («Non, tu ne prends pas de drakkar Playmobil sur le télésiège!»), tout en étant capable de faire des compromis («Okay, va pour la moufle Spiderman sur la main gauche et la moufle Bateman sur la droite»). Malheureusement, au pays des managers, personne ne considère le drakkar ou la moufle comme des enjeux majeurs.
Mais est-ce vraiment la maternité qui nous enseigne le multitâche? Pas si sûr. A 20 ans, par exemple, j’excellais déjà dans le domaine. Lors de foires bien arrosées, je pouvais dans la même seconde resservir d’une main huit personnes en vin rouge, platcher de l’autre du risotto dans leurs assiettes et lâcher une bonne blague, tout en recomptant mentalement combien de clopes il me restait avant de devoir me rabattre sur les mégots déjà écrasés.
Dommage qu’aucun CEO n’ait assisté à ce tour de force inspirant. Aujourd’hui, je serais cadre, je pèserais plus lourd économiquement que le chéri. Et ce serait lui qui ferait briller son intelligence émotionnelle dans le bus.
21 février 2006
Wok-Compète
La télé privée allemande héberge un génie: Stefan Raab, le faiseur du late night show «TV Total». Sa passion: ridiculiser les célébrités et ne reculer devant rien pour y parvenir. Ainsi, «TV Total» organise chaque année des championnats de plongeon auxquels sont contraints de participer les représentants du glamour cathodiques: animateurs, popstars – tous très mauvais plongeurs... Le spectacle est jouissif, les figures toutes ratées, les plats innombrables et sans doute très douloureux. Avec en voix-off, les commentaires techniques 100% sérieux d’un journaliste sportif, qui vous fait vivre l’événement comme s’il s’agissait d’une compétition olympique.
L’hiver a droit aussi sa Raab-discipline: la Wok-Compète, dont le principe consiste à descendre une piste de bob (comme à St-Moritz), les fesses calées dans un wok, avec une louche attachée à chaque pied. Là aussi, le commentaire est comme aux JO («Il fait légèrement dévier la louche droite de l’axe… Ooooh! C’est une manœuvre terriblement audacieuse, car c’est dans cette courbe que le wok prend de la vitesse…! Mais il risque le tout pour le tout!»). Les crashes sont innombrables et les candidats morts de trouille – mais obligés d’avoir l’air très cool et plein d’humour. Du télémiel!
Alors imaginez tout ça avec un casting glamour façon télé francophone: Nicos de «Star’Ac» qui plongerait en synchronisé avec Magaloche-la-Brioche. Ou encore un Wok-à-4 «TSR-Super Seniors» contre «Ex-Lofteurs». Et osez me dire que vous ne vous jetteriez pas sur votre télé pour regarder.
L’hiver a droit aussi sa Raab-discipline: la Wok-Compète, dont le principe consiste à descendre une piste de bob (comme à St-Moritz), les fesses calées dans un wok, avec une louche attachée à chaque pied. Là aussi, le commentaire est comme aux JO («Il fait légèrement dévier la louche droite de l’axe… Ooooh! C’est une manœuvre terriblement audacieuse, car c’est dans cette courbe que le wok prend de la vitesse…! Mais il risque le tout pour le tout!»). Les crashes sont innombrables et les candidats morts de trouille – mais obligés d’avoir l’air très cool et plein d’humour. Du télémiel!
Alors imaginez tout ça avec un casting glamour façon télé francophone: Nicos de «Star’Ac» qui plongerait en synchronisé avec Magaloche-la-Brioche. Ou encore un Wok-à-4 «TSR-Super Seniors» contre «Ex-Lofteurs». Et osez me dire que vous ne vous jetteriez pas sur votre télé pour regarder.
14 février 2006
Le salut vient du Tyrol
Cora a demandé l’autre jour à Isabel si elle pouvait garder Tessa quelques heures. Or comme Isabel ignorait que Tessa n’est plus un bébé modèle, elle a dit oui. Et compris très vite, le fameux jour venu, qu’elle aurait dû dire non. Car en dépit de ses efforts, Tessa est restée rageuse et inconsolable. Elle n’a rien voulu savoir non plus des innombrables CD éducatifs, dont Isabel possède toute une collection parce qu’elle déteste la vulgarité musicale pour enfants. Elle a par exemple l’intégrale des contes de Marlène Jobert «qui font aimer la musique classique aux petits» et les passe en boucle à sa fille Marion, qui conformément aux lois du réflexe conditionné, clame maintenant «C’est la musique de Petsec!» chaque fois qu’elle entend «Les Quatre Saisons». Tessa, en revanche, semblait abominer Vivaldi en mode Jobert.
Isabel était sur le point de l’asseoir devant la télé pour la sédater avec 50 minutes de «Teletubbies», quand elle s’est souvenue du CD «Le Tyrol en chansons pour les enfants», un cadeau très deuxième degré que lui ont fait des amis à leur retour de vacances de ski en Autriche.
Juste pour voir si Tessa pouvait pleurer davantage, Isabel a glissé «Le Tyrol» dans le lecteur. Mais à sa stupéfaction, le visage de la petite s’est éclairé dès les premières mesures de schlager pur beurre. Elle a gloussé de joie, trottiné jusqu’à l’armoire à tupperwares et est restée à farfouiller dedans jusqu’au retour de sa mère.
En glissant des boules Quiès dans ses oreilles, Isabel s’est promis de refiler «Le Tyrol» à Cora.
Isabel était sur le point de l’asseoir devant la télé pour la sédater avec 50 minutes de «Teletubbies», quand elle s’est souvenue du CD «Le Tyrol en chansons pour les enfants», un cadeau très deuxième degré que lui ont fait des amis à leur retour de vacances de ski en Autriche.
Juste pour voir si Tessa pouvait pleurer davantage, Isabel a glissé «Le Tyrol» dans le lecteur. Mais à sa stupéfaction, le visage de la petite s’est éclairé dès les premières mesures de schlager pur beurre. Elle a gloussé de joie, trottiné jusqu’à l’armoire à tupperwares et est restée à farfouiller dedans jusqu’au retour de sa mère.
En glissant des boules Quiès dans ses oreilles, Isabel s’est promis de refiler «Le Tyrol» à Cora.
7 février 2006
La fièvre E-Bay
Internet a ouvert des horizons formidablement enrichissants: qui aurait pu imaginer il y a vingt ans qu’il serait possible un jour de «googler» sur l’infini du Web son propre nom et celui de quelqu’un qu’on déteste, histoire de voir qui des deux bénéficie du cyberstatut le plus enviable? Ou encore de participer à des enchères virtuelles sur E-Bay?
Le chéri, par exemple, a fait quelques épatantes acquisitions via cette plate-forme: un siège auto «utilisé seulement une fois», deux trailers «design» à accrocher derrière nos vélos pour balader les enfants, une chaîne stéréo Bose «en parfait état»… Tout ça à prix Aldi. Ou presque: au final, en effet, les trailers se sont avérés plutôt chers puisqu’il a fallu traverser la moitié de la Suisse pour aller les chercher. Idem pour la chaîne Bose, dont le display a rendu l’âme au bout de quelque jour (le montant de la facture a été étourdissant)…
E-Bay permet donc aux déchets de circuler. Et preuve que nos greniers regorgent de collectors qui s’ignorent: un journaliste alémanique a réussi à vendre aux Net-enchères un distributeur de bonbons PEZ à l’effigie de Gros Minet pour… 3 francs. Alors le chéri s’est dit l’autre jour qu’il n’y avait aucune raison pour que notre voiture récemment et irrémédiablement emboutie par mes soins ne profite pas, elle aussi, de la magie E-Bay.
Reste une inconnue de taille: l’acquéreur du PEZ Gros Minet répétera-t-il son geste fou pour un break «spacieux, élégant et mécaniquement impeccable» dont le capot ressemble à un bandonéon? Le suspens est total.
Le chéri, par exemple, a fait quelques épatantes acquisitions via cette plate-forme: un siège auto «utilisé seulement une fois», deux trailers «design» à accrocher derrière nos vélos pour balader les enfants, une chaîne stéréo Bose «en parfait état»… Tout ça à prix Aldi. Ou presque: au final, en effet, les trailers se sont avérés plutôt chers puisqu’il a fallu traverser la moitié de la Suisse pour aller les chercher. Idem pour la chaîne Bose, dont le display a rendu l’âme au bout de quelque jour (le montant de la facture a été étourdissant)…
E-Bay permet donc aux déchets de circuler. Et preuve que nos greniers regorgent de collectors qui s’ignorent: un journaliste alémanique a réussi à vendre aux Net-enchères un distributeur de bonbons PEZ à l’effigie de Gros Minet pour… 3 francs. Alors le chéri s’est dit l’autre jour qu’il n’y avait aucune raison pour que notre voiture récemment et irrémédiablement emboutie par mes soins ne profite pas, elle aussi, de la magie E-Bay.
Reste une inconnue de taille: l’acquéreur du PEZ Gros Minet répétera-t-il son geste fou pour un break «spacieux, élégant et mécaniquement impeccable» dont le capot ressemble à un bandonéon? Le suspens est total.
Inscription à :
Articles (Atom)