C’est bien connu, les mères sont les championnes du multitâche, mais la société et l’économie refusent obstinément d’honorer cette qualité. C’est écœurant, se disent des cohortes de mamans. Et moi avec elles. Surtout quand mes nerfs en bavent vachement – par exemple lorsque mon aîné sanglote dans le bus bondé que la dame assise en face «pue»…
Elever des enfants, ça réclame des qualités de manager: de la créativité, de la rigueur, des nerfs d’acier, de l’humour, de la persévérance. Une mère doit par exemple sans cesse poser des limites («Non, tu ne prends pas de drakkar Playmobil sur le télésiège!»), tout en étant capable de faire des compromis («Okay, va pour la moufle Spiderman sur la main gauche et la moufle Bateman sur la droite»). Malheureusement, au pays des managers, personne ne considère le drakkar ou la moufle comme des enjeux majeurs.
Mais est-ce vraiment la maternité qui nous enseigne le multitâche? Pas si sûr. A 20 ans, par exemple, j’excellais déjà dans le domaine. Lors de foires bien arrosées, je pouvais dans la même seconde resservir d’une main huit personnes en vin rouge, platcher de l’autre du risotto dans leurs assiettes et lâcher une bonne blague, tout en recomptant mentalement combien de clopes il me restait avant de devoir me rabattre sur les mégots déjà écrasés.
Dommage qu’aucun CEO n’ait assisté à ce tour de force inspirant. Aujourd’hui, je serais cadre, je pèserais plus lourd économiquement que le chéri. Et ce serait lui qui ferait briller son intelligence émotionnelle dans le bus.