Cora a demandé l’autre jour à Isabel si elle pouvait garder Tessa quelques heures. Or comme Isabel ignorait que Tessa n’est plus un bébé modèle, elle a dit oui. Et compris très vite, le fameux jour venu, qu’elle aurait dû dire non. Car en dépit de ses efforts, Tessa est restée rageuse et inconsolable. Elle n’a rien voulu savoir non plus des innombrables CD éducatifs, dont Isabel possède toute une collection parce qu’elle déteste la vulgarité musicale pour enfants. Elle a par exemple l’intégrale des contes de Marlène Jobert «qui font aimer la musique classique aux petits» et les passe en boucle à sa fille Marion, qui conformément aux lois du réflexe conditionné, clame maintenant «C’est la musique de Petsec!» chaque fois qu’elle entend «Les Quatre Saisons». Tessa, en revanche, semblait abominer Vivaldi en mode Jobert.
Isabel était sur le point de l’asseoir devant la télé pour la sédater avec 50 minutes de «Teletubbies», quand elle s’est souvenue du CD «Le Tyrol en chansons pour les enfants», un cadeau très deuxième degré que lui ont fait des amis à leur retour de vacances de ski en Autriche.
Juste pour voir si Tessa pouvait pleurer davantage, Isabel a glissé «Le Tyrol» dans le lecteur. Mais à sa stupéfaction, le visage de la petite s’est éclairé dès les premières mesures de schlager pur beurre. Elle a gloussé de joie, trottiné jusqu’à l’armoire à tupperwares et est restée à farfouiller dedans jusqu’au retour de sa mère.
En glissant des boules Quiès dans ses oreilles, Isabel s’est promis de refiler «Le Tyrol» à Cora.