Juan a admis qu’il avait pris un coup de vieux. Il a scruté sans complaisance sa tronche qui s’affaisse, son ventre un peu ramollo, ses muscles qui s’atrophient... Puis il a réagi et décidé de se rendre deux fois par semaine au Kieser Training pour se remuscler.
Le Kieser est exactement ce qu’il fallait à Juan. L’aura quasi médicale des lieux les départit de la vulgarité des salles de fitness. On y vient pour «renforcer son dos», pas pour faire de la gonflette. L’ambiance est sereine, recueillie. Pas de musique, pas de coaches beau-gosse-musclé qui vous renvoient un humiliant miroir, mais des monitrices quadra en pantalon Securitas et en débardeur de laine. La clientèle Kieser (seniors et éclopés) permet également à Juan de se sentir en super forme – par comparaison.
Mais le Kieser a surtout donné à Juan la possibilité de mettre en application le canon de la rubrique «Style» de la «NZZ am Sonntag». Qui fustigeait comme un crime de lèse-savoir-vivre tous les ringards pour qui la tenue fitness se résume à leurs chaussettes, une paire de cuissettes douteuses et un T-shirt I LOVE CANCUN. Car lorsque l’homme de goût vient faire de l’exercice, il revêt des chaussures de sport sombres, des pantalons longs sombres également et un maillot neutre, le tout d’une propreté irréprochable.
Juan suit ces conseils à la lettre. Et peut désormais se délecter chaque fois qu’il aperçoit une paire de vieilles guiboles prise en sandwich entre des cuissettes fripées et des chaussettes à carreaux. Les voies du wellness sont impénétrables.