Quand j’ai reçu l’invitation de Juan par la poste, ça m’a fait un choc: 40 ans, déjà? Le chéri, qui a déjà cette épreuve derrière lui, a commenté le carton d’un «jolie l’invite. Très Juan, d’ailleurs». Et c’est vrai qu’avec son design interpellant et son libellé ironico-chaleureux, ledit carton ressemblait à Juan: merveilleux, mais inavouablement angoissé à l’idée de virer ringard – donc de vieillir.Une angoisse qui le fait lire assidûment la rubrique «Style» de la «NZZ am Sonntag» et lutter de toutes ses forces pour ne pas sombrer dans ce qu’il appelle «le laisser-aller parental typique». Le fait de n’avoir qu’un enfant permet d’ailleurs à Juan de jouer encore à l’adulte non amoindri par la vie de famille et de s’offrir un loyer centre-ville.
Le chéri et moi, nous nous sommes donc rendus à sa petite fiesta. Une réussite. Ça grouillait de monde, les pinards étaient super, la bouffe «saveurs vraies». Et Juan avait élégamment paré au dilemme musical «je mets des tubes de ma jeunesse qui font vieux con ou je fais venir un DJ qui scratche une miouze que je déteste mais que je feins d’aimer?» en engageant un quintette tzigane kusturicesque qui jouait des choses balkaniques et tonitruantes.
Tout ça a dû me tourner la tête. Parce qu’il m’a fallu quatre verres de rouge pour remarquer que tous ceux qui étaient là avaient pris un sacré coup de vieux depuis la dernière fois où je les avais vus. Juan y compris. C’est à ce moment que le chéri a lâché à mon attention un discret mais irrévocable «T’inquiète pas, nous aussi!»