Cora traverse une phase euphorique. Sa fille Tessa a 6 mois, fait ses nuits, sourit au monde entier, goûte avec enthousiasme aux purées de légumes et joue seule en gazouillant sur son tapis d’éveil quand sa maman papote avec les copines. Un vrai bébé modèle.En fait, Cora a un bol d’enfer. Mais elle est convaincue que si ça se passe aussi bien, c’est avant tout grâce à elle. Parce qu’elle, elle sait s’y prendre.
Cora évoque ainsi régulièrement «ces gosses qui vous interrompent sans arrêt et balancent tout par terre parce que leurs parents ne savent pas poser de limites». Mais elle omet de mentionner la seule véritable différence qu’il y a entre sa fille et «ces gosses»: 12 mois. Car à l’inverse de sa fille, «ces gosses» sont déjà capables de se mouvoir. Seuls. Et d'enclencher la guirlande de catastrophes qui va avec. Mais pour Cora, l’idée d’un bébé qui quitte seul son tapis d’éveil est aussi abstraite que la théorie des cordes. Et elle refuse de croire que bientôt, il ne suffira plus de dire «Oooh, mais regarde plutôt le joli maracas! Tsk tsk tsk!» pour avoir la paix.
Alors bien sûr, quand je raconte à Cora que mes enfants jouaient eux aussi paisiblement sur un tapis d’éveil à l’âge de 6 mois, je lis dans son regard: «Donc ma vieille, c’est que tu as dû entre-temps te planter quelque part.» Evidemment, je ricane intérieurement et me réjouis de reprendre cette conversation dans un an, quand l’adorable bébé aura découvert la marche et l’opposition.
Mais je dois admettre que l’hypothèse me traverse parfois l’esprit.