21 juin 2008

Oops I Did It Again…

Anke est arrivée chez Paolo avec vingt minutes de retard, histoire de bien afficher sa désinvolture. Elle était en train de se composer un air blasé, lorsque Paolo a ouvert la porte, offrant dans l’embrasure un spectacle… comment dire… merdique – le survête pourri, le tif hirsute, le visage bouffi par le rhume. «Désolé, a-t-il soufflé, je suis out. Je voulais t’appeler, mais j’ai versé. Tu entres quand même? Je te sers un verre, un thé?» Anke a fait «Ouais d'accord» sans conviction en prenant son air mais-c’est-bien-parce-que-t’insistes.

Après avoir mis en route la bouilloire, Paolo s’est effondré dans le canapé en face du fauteuil où elle avait pris place. Et c’est là que c’est arrivé. Que cette inexplicable tache claire est apparue sur le cuir du canapé… Juste entre ses jambes… Son…! Sa…! Nom de Dieu!

Anke a mis quelques secondes à s’en remettre. Puis elle a esquissé un geste évocateur en direction de l’entre-jambes de Paolo, offert à la vue de tous grâce aux trous du survête pourri: «Euh, là, t’as...» Paolo a froncé les sourcils et baissé la tête pour regarder. Anke anticipait déjà avec délectation ses rougissements, ses excuses bredouillées, vaines…! Mais Paolo n’a pas rougi le moins du monde. Il a juste dit «Oups!» et fait disparaître le corps du délit par le même trou d’un geste scandaleusement… routinier! Anke était abasourdie. OUPS!? Il s’était vautré avec son truc à l’air et ça lui arrachait juste un… OUPS!? Elle allait le tuer!!

Mais la voix de Britney Spears est tout a coup montée d’une voiture qui passait sous les fenêtres, musique à coin. Et lui a coupé la chique en emplissant le salon durant quelques secondes d’un dansant «Oops!… I did it again!»

7 juin 2008

La grue, le slip et la tulipe

Anke a fini par accepter l’invitation de Paolo. Elle a bien pesé le pour et le contre avec Wentworth Miller pendant la 3 de «Prison Break»: elle est prête, elle sera forte. Ils ont même fait de l’origami. Car comme dit Went, «La grue de papier, c’est le symbole du lien» - ce qui est lourd de sens...

Pendant qu’Anke attaquait ses premiers plis, Went a longuement scruté la cour du pénitencier avant de déclarer: «Tu fais une connerie.» «Peut-être, a soupiré Anke. Mais faut que j’agisse.» «Faut surtout que t’aies un plan, a rétorqué Went. Tu veux que je m’agrippe à la grille de la tôle d’un air concentré pour te donner des idées?»

Went a vraiment une intuition exceptionnelle, parce qu’il a suffit qu’il empoigne les barreaux en crispant la mâchoire pour qu’Anke ait son flash: si elle ne voulait pas retomber dans le piège du j’enjolive-après-coup, elle devait regarder la vérité en face. Se souvenir sans détour de ce qui l’énervait le plus chez Paolo quand elle était avec lui. Et ce quelque chose, c’était ses slips: d’immondes loques que Paolo refusait pourtant catégoriquement de mettre à la poubelle. «Tu peux comprendre un truc pareil?» a demandé Anke. «Non, a répondu Went avec fermeté. Moi j’ai toujours des boxers impecs de chez GAP.»

Alors Anke a froissé en boulette son cinquième carré de papier et admis: «J’arrive pas à faire la grue.» «Essaye la tulipe, a conseillé Went, j’en aurai besoin pour le final de la 3.» «Et on fait comment, la tulipe?», a demandé Anke. Mais Went était trop absorbé dans l’inspection d’un disjoncteur pour répondre. Il s’est cependant racheté vingt minutes plus tard en retirant son sweat-shirt encore humide de sueur. Et Anke lui aurait volontiers plié dix tulipes pour avoir le droit de se lover dedans.

24 mai 2008

Du rail aux effets secondaires

Les voitures ont toujours inspiré à Chantal une répulsion profonde et si elle a passé son permis de conduire il y a quinze ans, c’est parce que ce papelard était la condition sine qua non pour se faire engager au CICR – or Chantal voulait à tout prix faire le bien. Elle n’a donc accepté que de justesse le récent compromis Prius de Patrick – c’est que Patrick aime Chantal, mais il aime aussi conduire et trouve Mobility «mal foutu et pas marrant».

L’autre jour, Chantal s’est dit qu’elle adorerait faire un long voyage en train dans le Grand Nord cet été: avec soleil de minuit, traditions ancestrales des Sami... Patrick a dit «Why not?», mais préféré tester avant les aptitudes ferroviaires de ses fistons. Il les a donc emmenés chez des amis pour le week-end à bord d’un vaisseau CFF.

«Comment ça s’est passé?», a demandé Chantal au téléphone. «Le cauchemar, a soupiré Patrick. Ils ont fait les cons, flanqué des coups de bottes à une mémère…» «Aïe! Et Max, Natacha, ça baigne?» Patrick a baissé la voix: «Ils divorcent!» «Non!» «Si et j’ai ma petite idée là-dessus…» «Elle le trompe, c’est ça? J’ai toujours senti que Natacha avait un amant!» «Non! Ils divorcent à cause de Budapest!» «L’amant est hongrois?» «Mais non! Budapest! Leur looong voyage en train de l’an dernier! Imagine le tableau: eux enfermés dans ce wagon pendant trente heures avec Théo et zéro possibilité de le ficeler… Y’a de quoi faire craquer n’importe quel couple!» «Mais nous on y arrivera!» «Non, on n’y arrivera pas, parce que nous, on en a deux! Alors on ira en avion et en bagnole! Et si tu refuses, je rachète le 4x4 à tes parents!»

29 septembre 2007

The Robby-Dog Strikes Back

Marc déteste son clébard – lequel est en réalité le clébard de Julie, mais comme Julie est du genre «jamais sans mon clebs», Marc a dû faire avec depuis le début et par la force des choses, le clébard est aussi devenu le sien. C’est pourtant lui qui sort la bête tout les matins: il aime laisser ses pensées vagabonder dans l’aube... Et en plus, comme Leo est geignard au réveil, Marc invoque volontiers l’excuse du clébard-qui-doit-pisser pour abandonner à Julie la gestion de ce combat quotidien.

Ce matin-là, en dégainant un Robby-Dog pour un premier ramassage d’étron, Marc s’est remémoré l’excellente histoire signée Martin Suter où un manager fourre un Robby-Dog rempli de frais dans la poche de son imper de peur d’être surpris la chose à la main et l’y oublie… jusqu’au moment de vider ses poches au contrôle de sécurité à l’aéroport. Ha! Ha! Ha! Marc riait tout seul en nouant le packson, lorsqu’il a tout à coup a senti l’exquis aiguillon de la tentation… Son chef n’avait-il pas été odieux avec la jolie stagiaire, l’autre jour? Et s’il gardait le Robby-Dog pour le fourrer dans la poche de cet imbuvable salaud, ni vu ni connu? Ça, ça lui ferait les pieds!

De retour chez lui, Marc s’est fait alpaguer par une Julie très en colère: «Si tu te débines encore une fois avant qu’il ait fini ses corn flakes, a-t-elle grondé, je te jure que je divorce!» Marc a mis machinalement la main au Robby-Dog dans sa poche, en se demandant si tout compte fait, le trench qui méritait le plus une merde de chien ce matin, n’était pas celui de Julie.

22 septembre 2007

L’accélérateur évolutif

Flash-back, il y a quatre ans et demi: je suis en train de tenter de calmer les plaintes affamées du cadet à coups de bouillie pâtisson-nouillettes, alors que l’aîné s’égosille depuis les toilettes «Maaamaaan! J’ai fini de faire caca! Maaamaaan!» Une situation exemplairement double bind, où soulager l’un fera forcément redoubler les hurlements de l’autre et où je réalise que je suis en train de toucher le fond, genre: «Nourrir ou torcher, tel est mon destin.»

Me reviennent alors les propos de ma belle-mère: «On a l’impression que nos enfants resteront toujours des bébés, et puis tout à coup, les voilà qui partent pour leur premier jour d’école.» J’enfile une nouvelle cuillerée de bouillie dans la bouche du cadet, tandis que l’aîné braille de plus belle: «Caacaaa! Fiiniii!» Et je gronde entre mes dents: «Ben là tu vois, vieille noix, je donnerais cher pour un petit coup d’accélérateur évolutif!»

Aujourd’hui, mes enfants vont à l’école et c’est vrai, ces années ont passé à toute vitesse. J’ai aussi changé de destin, puisqu’ils savent se torcher, se préparer un bol de corn flakes et grimper sans ma permission jusqu’au placard à junk food. Ils savent également qu’on adoubait les chevaliers et qu’il y a des superclips Star Wars Lego* sur Youtube qui leur inspirent une rhétorique puissante et futuristico-scato, genre: «Ben moi, je fais pipi sur Dartedevooor.» J’écoute, je n’en reviens pas. Et en goûtant le potage pâtisson-nouillettes de midi, je médite aux ratés de l’accélérateur

15 septembre 2007

Went du bon secours

Ces derniers temps, Anke aurait eu un mal fou à garder les idées claires s’il n’y avait pas eu Wentworth Miller. Enfin plus exactement s’il n’y avait pas eu les DVD de la 1 de «Prison Break» (qui lui ont fourni tout cet été du concentré de Went) et la TSR (qui diffuse enfin la 2 et lui donne de quoi poursuivre sur sa lancée).

Went a en effet permis à Anke de mettre Paolo à distance. Sans lui, elle aurait peut-être déjà cédé à son retour de drague au téléphone ou à la plage et…. «Stop! lui fait Went en se désaquant dans son pénitencier. Regarde-moi plutôt enlever mon t-shirt!» C’est ce sens de l’à propos qu’Anke aime chez lui. Tout comme sa façon de sortir de la douche couvert de gouttelettes et vêtu de son seul tatouage scofieldique, avec ce splendide soupçon de gras sur le ventre… «Alors que Paolo, lui rappelle Went, t’as jamais eu envie d’entrer dans le poste pour l’aider à se sécher.»

Il y a aussi eu cette fameuse fois où Anke a cherché à se remémorer la façon dont Paolo embrassait et constaté avec stupéfaction qu’elle n’en avait plus la moindre idée: Went a débarqué pile poil pour lui donner un aperçu très convaincant de ses propres compétences par télé interposée. Sans oublier sa façon de dire «Wait for me» à torse nu, la voix idéalement étranglée. «Encore un truc dont Paolo ne sera jamais capable, même s’il s’entraîne à mort», lui a assuré Went.

«Wow!», conclut Anke. Mais comme Went vient de détourner le regard, il ne voit pas le baiser qu’elle lui souffle – et qui se désintègre dans l’électricité statique du tube cathodique.

8 septembre 2007

Dent pour dent

Patrick est rentré hébété de sa visite chez l’hygiéniste dentaire, avec deux saucissons de coton sanguinolent à la place des gencives.

«Aïe! a lâché Chantal en l’apercevant. Toi, tu l’as pilée, on dirait» «Pilée? Tu veux dire que je viens de me faire mutiler! Violer!» «Te faire violer… Par Bianca, l'hygiéniste dentaire?» «Non, Bianca est malade, alors ils m’ont collé cette brute à la place, avec ses crochets. Elle tirait tellement fort que j’ai cru qu’elle allait m’édenter. Et puis ces bruits horribles… Ziiiiii… Ziiii… Krrk… Krrk…» «Ça, ça veut juste dire que t’as beaucoup de tartre.» «Non, ça veut juste dire que c’est une malade mentale!»

«Comment elle s’appelle?» «Me rappelle plus. Un nom turc, je crois… En tout cas, la prochaine fois, je te jure que je vais leur dire directos que je me tire s’ils osent me la refiler encore, la Turque!» «Mais enfin, tu peux pas dire les choses comme ça! Tu te rends compte que tu vas passer pour un raciste, un mec haineux qui refuse de se faire soigner par quelqu’un uniquement à cause de ses origines?» «Rien à foutre! Je me suis fait violer!» «Oh, là tu exagères…» «J’ai craché au moins un litre de sang! J’ai le droit de refuser qu’elle me charcute, non?» «Mais tu sais même pas si elle est Turque!» Patrick a dardé des yeux emplis de haine sur sa femme et est sortit en claquant la porte.

Chantal a secoué la tête avec réprobation. Avant d’appeler le cabinet dentaire et de demander: «Euh oui, pour mon détartrage la semaine prochaine… Oui, je voulais juste m’assurer… Bianca sera rétablie, vous pensez? Ou il vaut mieux repousser?»