Mon aîné nourrit une passion sans borne pour le syntagme «M-Budget» et clame à tout bout de champ «èèèmebudggèèt!!!» Façon cri de guerre magique censé doter celui qui le braille de pouvoirs insensés.
Je parie qu’au Migros marketing, on n’avait pas pensé à ça: à la force évocatrice de l’enchaînement phonique [εmbydзε], à sa puissance alitérative. D’abord, avec ce ce [b], qu’on peut faire exploser à mort, comme lorsque on crie fort des noms de super héros: Bateman! Buzz Lightyear!!. Et puis ce [dз], une affriquée post-alvéolaire voisée, ultragrisante quand on la tient longtemps et qui s’associe spontanément à des trucs éclatants: les «djoumbodjète», les «djèteski» ou les bébés qui prennent feu et marchent au plafond comme «Djaque-Djaque» des Indestructibles.
Mais la fascination de mon enfant n’est pas strictement phonatoire, donc pas limité au signifiant: il veut savoir ce qu’il y a derrière, il veut connaître le signifié. Et là, la ligne M-Budget avec ses emballages toujours pareils le met au défi. Comme savoir en effet, quand on ne sait pas lire, si le sac vert constellé de lettres blanches que Maman vient de sortir du placard contient des corn flakes ou des chips?
Par ailleurs, mon fils a récemment découvert qu’il avait aussi été un M-Budget lui-même, puisque ses premiers slips étaient des M-Budget – leur prix dérisoire vous permet de rester admirablement cool quand l’enfant qui apprend à être propre a un «gros» accident... Ça l’a troublé, émerveillé: une découverte quasiment métonymique, vous me suivez?