Chaque année, je jure de rester forte, de résister. En vain: dès que la température dépasse10 degrés, je fonce avec le troupeau écumer les garden centers et Ikea, même si ça me coûte quinze kil d’autoroute embouteillée et des parkings mammouths au bord de l’explosion. Mon objectif: choper un caddie XXL pour y charger, bouche ouverte et sueur au front, six mètres cube de bambous géants avec des ten packs de fraisiers, des coussins orientalo-design, de la vaisselle en mélanine rétro «outdoor», des plantes aromatiques qui fouettent, une guirlande lumineuse «Marrakech»… Et couronner l’expédition d’un hot dog suédois à 1 franc.
Pour être honnête, j’ai longtemps cru que la jardinite ne frappait que les papys. Mais moi aussi, j’ai fini par m’y mettre. Pas par amour de la terre. Plutôt par conformisme, en fait. Rapport à cette «fascinante inversion de tendance» identifiée par des sociologues épris de formules sybillino-psys. Lesquels ont déclaré que l’ancien passe-temps du beauf était désormais un hobby tendance et les jardins les «nouveaux lieux d’investissement de la modernité urbaine». Bref, j’alimente simplement une dérive consumériste de plus.
De manière générale, je peux dire que le chéri est d’un stoïcisme à toute épreuve face à ma transe teak&compost: j’aborde le sujet environ neuf fois par jour et il ne m’a jamais suppliée de la fermer. Mais ça ne l’a pas empêché l’autre jour de lâcher un truc qui m’a fait carrément mal: «Je crois que je t’aimais mieux quand tu laissais mourir nos plantes en pots.»