Chaque fois que je vois des photos de moi quand j’étais petite, je lâche des «Regarde-moi ça!» apitoyés, comme si j’étais en train de contempler des illustrations de maltraitance infantile. Les clichés qui m’indignent le plus sont ceux qui portent indubitablement la patte de ma mère. Comme celui qui me montre à 9 ans à l’anniversaire de mon cousin en plein mois de juillet, vêtue de l’atroce petite robe de laine turquoise qui grattait et que ma mère m’avait obligée à porter pour l’occasion. Ma mère, cet être tyrannique et aliénant qui avait refusé que je mette mon dos-nu Barbie à paillettes et mes baskets orange.
En grandissant, je me suis jurée comme tant d’autres: jamais je n’imposerai ça à mes enfants. Et pourtant.
Les fringues préférées de mes garçons, celles qui leur arrachent des sourires extatiques, sont précisément celles qui me laissent le plus perplexe et que je leur ai achetées la mort dans l’âme après force supplications: le pull bolide de formule 1, le slip Power Ranger, l’horrible casquette Spiderman... Alors que moi, je les trouve à croquer dans ces adorables vêtements d’inspiration vintage totalement hypes façon faux second hand - vous voyez ce que je veux dire? La preuve que leur goût est encore immature, c’est qu’ils ont l’air de se résigner à les porter.
Quand je dis ça au chéri, il acquiesce. Et me brandit sous le nez la photo de moi à 9 ans en robe turquoise qui gratte. Histoire sans doute de me rappeller qu’il ne suffit pas de bonnes intentions pour rompre une chaîne névrotique.