24 janvier 2009

Téléportation, interprétation, révélation

Le cadet est un être paradoxal. Il déteste qu’on l’embrasse et si on s’y risque, il s’essuie la joue derechef d'un air dégoûté. En revanche, il pratique avec assiduité la câlin-téléportation: lorsqu’il est saisi d’une pulsion contact, vous le retrouvez tout à coup araldité à vos genoux ou à votre flanc, sans l'avoir vu venir ni bondir. Or récemment, le cadet a découvert qu’il maîtrisait aussi la téléportation dorsale, une variante qui lui permet de se retrouver coincé comme par enchantement entre mon dos et le dossier de la chaise. Action qu'il ponctue systématiquement d'un «Mmh…» extatique, comme si mon seul contact représentait du concentré de délice. Avis à tous ceux qui hésitent encore à faire des enfants, c’est le genre de moment où le grand «Pourquoi?» de la condition parentale trouve une résolution définitive: là, c’est ontologique, indéfectible, vous savez.

Mais je reprends: j'ai le le cadet téléporté blotti dans mon dos, puis tout à coup, ses doigts se mettent à pianoter sur ma taille... et semblent vouloir me dire quelque chose. Genre la stupéfaction qu'ils éprouvent à pouvoir s'enfoncer aussi profondément sans rencontrer la moindre résistance - musculaire ou osseuse - alors que de mon côté, j'essaie désespérément de bander mes muscles pour leur en boucher un coin. Peine perdue, le cadet est en train de m’objectiver le lard. Et il en rajoute: «Dis, Maman, comment ça se fait que ce soit si mou, là?»

Ça y est, je suis Bridget Jones, la loose qui désespère de jamais devenir une sylphide et à qui on vient d’asséner le coup de grâce en lui ronronnant «Mmh, tu es si moelleuse…» Avis à tous ceux qui se demandent quand on abandonne définitivement toute perspective sylphidique: là, c’est ontologique, indéfectible, vous savez.