La grossesse était jusqu’à récemment le seul épisode de la vie d’une femme où son corps avait le droit d’être enrobé et moelleux. Mais aujourd’hui, gynécologues et guides pour «Neuf mois en pleine forme» vous enjoignent à ne pas dépasser 12 kilos côté prise de poids. Heureusement, notre cerveau reptilien nous fait ignorer cette punition diététique. Si bien qu’en règle générale, on pèse plutôt 20 kilos de plus la veille d’un accouchement et presque autant le lendemain.
Mais les corps tendres et charnus des accouchées pourraient bien être une espèce en voie de disparition face à l’invasion des mères slims. Comme celle qui partageait ma chambre à la mat et qui deux jours après la naissance de sa fille enfilait avec désinvolture des jeans taille 36, alors que les vêtements de grossesse continuaient de m’aller presque comme un gant. Pourtant cette négation incarnée du bidon post-partum affirmait avoir «craqué sans arrêt» quand elle était enceinte. Là, je la suivais totalement – la grossesse, c’est fantastique et planant parce que justement n’arrête pas de craquer pour des choses délicieuses. Mais alors que moi j’avais craqué durant trente-huit semaines pour des spaghetti carbonara ou des pâtisseries, elle, elle avait régulièrement craqué… pour des pommes.
Comment peut-on «craquer» pour des pommes? Rien que l’énoncé est suspect et symptomatique d’un mensonge collectif. Ça me met d’ailleurs tellement en rogne que je vais me faire une carbonara archi-riche ce soir. Et tant pis pour le 36.