23 août 2008

Kim et Fantô-Mam

L’aîné a une nouvelle héroïne: c'est l’espionne Kim Possible – made by Disney, mais qui se rapproche (un peu) du genre de filles fortes auquel il est souhaitable de confronter les garçons, si l'on en croit l’évangile de puériculture et les gender studies. Donc, je critique pas.

Sans compter qu’elle me fait penser à Fantômette. Sauf qu'avec Fantômette, on aurait eu un problème en moins, vu qu'elle sortait toujours couverte, encagoulée et vêtue de son «élégant justaucorps de soie jaune». Alors que Kim a pour marque de fabrique un bourillon monté sur taille de guêpe qu'elle exhibe en permanence. Et qui turlupine mon aîné, ce qui met à l'épreuve mes compétences de gender studies-mam, soucieuse de ne pas voir son fils virer macho précoce.

Exemple: «Maman, pourquoi Kimpossibeule elle montre toujours son ventre?» Eviter les réponses catégoriques et stéréotypées: «Euh, juste comme ça, j’imagine...» «Mais pourquoi?» Surtout ne pas le laisser IMAGINER que les jolies filles font ça pour exciter les mâles ou/et pour humilier les grosses: «Parce qu’elles trouvent ça joli et qu’elles se sentent bien comme ça.» «Ouais mais, toi, maman, tu montres jamais ton ventre.» Faire comme si c’était mon choix. Comme si ça n’avait RIEN à voir avec le pneu: «Ben non... Peut-être... Je sais pas…» «C’est passk tu t’sens pas bien?» Tenir bon: «Non, ça me dit rien, c’est tout.» «C’est parce que t’es vieille?» Ne pas prendre personnellement: «Mais non…» «En fait, ton ventre il est pas comme celui de Kimpossibeule.» «Non» – voix un peu trop aigre. Se ressaisir et profiter de le rendre attentif au clivage entre idéal et réel: «Mais tu sais, PERSONNE n’a le même ventre que Kim Possible.»

L’aîné se replonge dans sa BD. Et moi je me sers un gros verre de rouge pour me féliciter d’avoir su relever incognito le défi gender studies: même si je ne rentre plus dans le justaucorps, l’esprit Fantômette est toujours en moi.

2 août 2008

Les doigts dans le nez

Cet été, Cora et Sam ne sont pas partis en vacances: Cora a du boulot par-dessus la tête et Sam fait un stage intensif de tennis. La crèche est fermée, mais ils ont réussi à organiser avec leurs voisins un système de garde tournante pour les enfants. Un coup de maître qui leur a coûté quatre après-midi café-cake diplomatiques à mourir d’ennui, mais qui a permis à Cora de sacrément bien bosser et à Sean d’améliorer considérablement son revers. Le concept les a d’ailleurs enthousiasmé au point de leur faire affirmer à au moins quatre reprises: «D’ailleurs, on se demande pourquoi on continue à payer des crèches, quand la solution est là, au coin de la rue!». Enfin ça, c’était jusqu’à ce que ce soit le tour de Cora de garder les six bambins – c’est-à-dire de devoir se dépatouiller seule sur la pelouse (Sam était au tennis, ce salaud) avec une hydre bambinesque à six têtes (Tessa-Victor-Mike-Ludo-Garance-Violette) qui se disputaient le droit d’aînesse sur le tuyau d’arrosage.

Les choses suivaient leur cours (c’est-à-dire que Ludo venait d’arracher le tuyau des mains de Garance qui protestait en le traitant de «gros derrière»), quand son portable a sonné. Un coup d’œil au display à suffi à Cora pour identifier qui l’appelait: son client phénoménal, celui qui lui assure les meilleurs mandats! Aaahrgh!!! Elle a longuement hésité, puis crié aux enfants «Soyez sages, je reviens!» et a couru s’enfermer dans son bureau.

Mais elle avait à peine eu le temps de dire au client phénoménal d’un ton flatteur «Mmh, c’est le genre de projet aussi ambitieux que prometteur…», que le petit Mike s’est mis à hurler. Cora a aussitôt fermé la fenêtre pour étouffer ses cris. Trop tard, Violette tambourinait déjà contre la vitre en articulant des trucs incompréhensibles. Cora a alors battu en retraite à la cuisine en continuant de déblatérer d’une voix exagérément posée: «Une autre option serait évidemment d’envisager une partition symétrique des contenus, ce qui aurait l’avantage de faciliter l’approche multiorientée que vous ambitionnez…». Peine perdue: Tessa a déboulé en criant: «Maman, y’a Maïke ki saigne!»

Cora s’est aussitôt ruée au dehors en s’exclamant à l’attention du client: «Mais le concept a l’air a-bso-lu-ment passionnant!» Puis elle a jeté son portable vers la cuisine, attrapé Mike, refoncé à la cuisine, crié vers le combiné au sol «Je vous entends mal là… Oui, le réseau!», avant d’ouvrir le congélateur et d’y pousser Mike pour qu’il se chope une glace. Sur quoi Garance a vociféré: «Moi aussi, j’veux une Coloretto!»

Cora a repêché son portable. «Vous avez dit quelque chose?», a demandé le client phénoménal. «Nooon, a assuré Cora en plaquant sa main sur la bouche de Garance qui a écarquillé des yeux scandalisés. Mais vous savez, je crois qu’il vaut mieux que je vous rappelle depuis un fixe!». Elle a raccroché, hors d’haleine, distribué les Colorettos à la ronde, fait semblant d’inspecter le ciel limpide et déclaré d’un ton sentencieux à l’hydre bambinesque à six têtes: «Vous savez quoi, les enfants, j’ai vraiment l’impression qu’il va y avoir de l’orage. Alors, une télé, ça vous dit?»

Résultat: Cora a eu le mandat. Mais la garde tournante a pris fin ce jour-là. Après que Violette a raconté à sa mère «Pis je tapais cont’la f’nêtre pis elle venait pas pis Maïke y pleurait!», Mike à la sienne «Elle m’a poussé pis chuis tombé dans l’congélateur!», et Ludo à son père «Pis on a regardé deux films et dans un, ben y’avait un robot cool ki f’sait peur!»

18 juillet 2008

L'énigme foudischpalte

La scène représente Julie et Marc dans le tram en route pour la plage. Leo a absolument tenu à enfiler son gilet de sauvetage et vient de demander à Julie de le serrer un peu plus. Alors qu’elle s’accroupit face à lui pour s’exécuter, son pantalon lui glisse sur les reins. Les deux enfants assis côte à côte dans son dos se mettent à pouffer.

Les gosses (en suisse allemand): Hi! Hi! Haschgsééé? Foudischpalte! Hi! Hi!
Leur mère assise la rangé à côté les foudroie du regard. Marc se mord les lèvres pour ne pas rire. Julie (irritée): Pourquoi tu ricanes comme ça? Marc: Non rien… Il étouffe un nouveau fou rire. Julie: Non mais vas-y, dis-le! Qu’est-ce que qu’il y a de si drôle? Marc (s'essuyant une larme au coin de l’œil): Fais pas attention, c’est juste des gosses… Julie: Quoi, juste des gosses? Arrête de tourner autour du pot! Marc: Non, je peux pas. Tu vas les tuer. Julie: Non mais ça va pas? D’abord tu me dis que c’est pas grave et ensuite tu insinues que c’est grave au point que si je pige ce qu’ils ont dit, je vais les tuer? Marc: Laisse tomber… Julie (énervée): Je vais rien laisser tomber du tout! Alors, c’est quoi foudichaltruc, toi qui comprends le suisse allemand, hein? Marc (malgré lui): Pas foudischaltruc. Fou-di-schpalte… Julie: Oh, excuse-moi! Alors, c’est quoi fou-di-schpalte? Sur leurs sièges, les gosses se tordent de rire. Leur mère les foudroie de plus belle. Leo: Papa, c’est quoi foudischaltruc fou-di-schpalte? Marc (hilare): Rien, Leo, rien… Hi! Hi! Julie: Bon, ça suffit, maintenant! Leo (tirant sur le t-shirt de Marc): Papa… C’est quoi foudi… Julie (hors d’elle): Ça devient ridicule! Qu’est-ce qu’ils ont dit, nom d’un chien? Marc lui murmure quelque chose à l’oreille. Julie (estomaquée): Et t’interviens même pas? Marc: Mais quelque part c’est de ta faute! Je t’ai toujours dit que quand tu te penches avec ce froc on te voit la (il baisse la voix) la raie des fesses. Leo (fort): C’est quoi la raie des fesses, Papa?

5 juillet 2008

Donner de la voix

Lumi adore «chanter avec» quand elle est en voiture – c’est-à-dire couiner au volant avec Joss Stone, money-money-moner avec ABBA, jacqueline-baryter avec Franz Ferdinand ou suomiser avec des stars que seuls les Finlandais connaissent. Bref, karaoker la miouze en bagnole, elle trouve ça wow.

Mais depuis quelques mois, Lumi se sent bridée dans ses élans. A cause de ses enfants. Au point d’ailleurs qu’elle regrette l’époque où sa progéniture s’endormait dès le premier tour de roue. Depuis Pâques, en effet, Tuula se bouche les oreilles et hurle: «J’en peux pluuus!!!» chaque fois que Lumi entonne quelque chose – la dernière fois c’était «Life on Mars?» avec David Bowie, alors qu’elle attaquait le glissando ultrapérilleux sur «Ma-a-a-ars». Mati a aussi pris l’habitude d’en rajouter en geignant: «Arrête, maman, j’ai peur quand tu fais comme ça!» Pirkko est la seule qui ne se plaint pas et chante avec sa mère. Tellement faux que Lumi a envisagé de lui faire passer des tests d’audition.

Donc ces temps-ci, Lumi est en quête d’excuses pour prendre la voiture seule. Et l’autre jour, elle a eu l’idée du siècle: le chien! Mais oui! Le chien qui en a tant besoin d’espace! Ni une ni deux, Lumi a embarqué la bête et s’est tirée pour quinze kilomètres de route, seule avec Amy Whinehouse et son prodigieux retard sur le beat, oooh yes. Mais elle avait à peine eu le temps de crooner d’une voix idéalement grave «But I say nooo nooo nooo…» que le chien s’est mis à hurler. Lugubrement. Comme s’il endurait une souffrance atroce. Lumi a poussé un soupir long comme une nuit d’hiver helsinkique. Et décidé d’emmener bientôt Sean pour une virée bagnole en amoureux – histoire de soumettre ses sentiments à l’ultime épreuve.

21 juin 2008

Oops I Did It Again…

Anke est arrivée chez Paolo avec vingt minutes de retard, histoire de bien afficher sa désinvolture. Elle était en train de se composer un air blasé, lorsque Paolo a ouvert la porte, offrant dans l’embrasure un spectacle… comment dire… merdique – le survête pourri, le tif hirsute, le visage bouffi par le rhume. «Désolé, a-t-il soufflé, je suis out. Je voulais t’appeler, mais j’ai versé. Tu entres quand même? Je te sers un verre, un thé?» Anke a fait «Ouais d'accord» sans conviction en prenant son air mais-c’est-bien-parce-que-t’insistes.

Après avoir mis en route la bouilloire, Paolo s’est effondré dans le canapé en face du fauteuil où elle avait pris place. Et c’est là que c’est arrivé. Que cette inexplicable tache claire est apparue sur le cuir du canapé… Juste entre ses jambes… Son…! Sa…! Nom de Dieu!

Anke a mis quelques secondes à s’en remettre. Puis elle a esquissé un geste évocateur en direction de l’entre-jambes de Paolo, offert à la vue de tous grâce aux trous du survête pourri: «Euh, là, t’as...» Paolo a froncé les sourcils et baissé la tête pour regarder. Anke anticipait déjà avec délectation ses rougissements, ses excuses bredouillées, vaines…! Mais Paolo n’a pas rougi le moins du monde. Il a juste dit «Oups!» et fait disparaître le corps du délit par le même trou d’un geste scandaleusement… routinier! Anke était abasourdie. OUPS!? Il s’était vautré avec son truc à l’air et ça lui arrachait juste un… OUPS!? Elle allait le tuer!!

Mais la voix de Britney Spears est tout a coup montée d’une voiture qui passait sous les fenêtres, musique à coin. Et lui a coupé la chique en emplissant le salon durant quelques secondes d’un dansant «Oops!… I did it again!»

7 juin 2008

La grue, le slip et la tulipe

Anke a fini par accepter l’invitation de Paolo. Elle a bien pesé le pour et le contre avec Wentworth Miller pendant la 3 de «Prison Break»: elle est prête, elle sera forte. Ils ont même fait de l’origami. Car comme dit Went, «La grue de papier, c’est le symbole du lien» - ce qui est lourd de sens...

Pendant qu’Anke attaquait ses premiers plis, Went a longuement scruté la cour du pénitencier avant de déclarer: «Tu fais une connerie.» «Peut-être, a soupiré Anke. Mais faut que j’agisse.» «Faut surtout que t’aies un plan, a rétorqué Went. Tu veux que je m’agrippe à la grille de la tôle d’un air concentré pour te donner des idées?»

Went a vraiment une intuition exceptionnelle, parce qu’il a suffit qu’il empoigne les barreaux en crispant la mâchoire pour qu’Anke ait son flash: si elle ne voulait pas retomber dans le piège du j’enjolive-après-coup, elle devait regarder la vérité en face. Se souvenir sans détour de ce qui l’énervait le plus chez Paolo quand elle était avec lui. Et ce quelque chose, c’était ses slips: d’immondes loques que Paolo refusait pourtant catégoriquement de mettre à la poubelle. «Tu peux comprendre un truc pareil?» a demandé Anke. «Non, a répondu Went avec fermeté. Moi j’ai toujours des boxers impecs de chez GAP.»

Alors Anke a froissé en boulette son cinquième carré de papier et admis: «J’arrive pas à faire la grue.» «Essaye la tulipe, a conseillé Went, j’en aurai besoin pour le final de la 3.» «Et on fait comment, la tulipe?», a demandé Anke. Mais Went était trop absorbé dans l’inspection d’un disjoncteur pour répondre. Il s’est cependant racheté vingt minutes plus tard en retirant son sweat-shirt encore humide de sueur. Et Anke lui aurait volontiers plié dix tulipes pour avoir le droit de se lover dedans.

24 mai 2008

Du rail aux effets secondaires

Les voitures ont toujours inspiré à Chantal une répulsion profonde et si elle a passé son permis de conduire il y a quinze ans, c’est parce que ce papelard était la condition sine qua non pour se faire engager au CICR – or Chantal voulait à tout prix faire le bien. Elle n’a donc accepté que de justesse le récent compromis Prius de Patrick – c’est que Patrick aime Chantal, mais il aime aussi conduire et trouve Mobility «mal foutu et pas marrant».

L’autre jour, Chantal s’est dit qu’elle adorerait faire un long voyage en train dans le Grand Nord cet été: avec soleil de minuit, traditions ancestrales des Sami... Patrick a dit «Why not?», mais préféré tester avant les aptitudes ferroviaires de ses fistons. Il les a donc emmenés chez des amis pour le week-end à bord d’un vaisseau CFF.

«Comment ça s’est passé?», a demandé Chantal au téléphone. «Le cauchemar, a soupiré Patrick. Ils ont fait les cons, flanqué des coups de bottes à une mémère…» «Aïe! Et Max, Natacha, ça baigne?» Patrick a baissé la voix: «Ils divorcent!» «Non!» «Si et j’ai ma petite idée là-dessus…» «Elle le trompe, c’est ça? J’ai toujours senti que Natacha avait un amant!» «Non! Ils divorcent à cause de Budapest!» «L’amant est hongrois?» «Mais non! Budapest! Leur looong voyage en train de l’an dernier! Imagine le tableau: eux enfermés dans ce wagon pendant trente heures avec Théo et zéro possibilité de le ficeler… Y’a de quoi faire craquer n’importe quel couple!» «Mais nous on y arrivera!» «Non, on n’y arrivera pas, parce que nous, on en a deux! Alors on ira en avion et en bagnole! Et si tu refuses, je rachète le 4x4 à tes parents!»