Isabel et Juan sont ensemble depuis quinze ans et ils ont décidé de fêter ça à la sauce nostalgique: sur la plage carmaguaise où ils avaient passé leur premier week-end en amoureux. Tout un symbole, cette sublime langue de sable battue par les embruns, qu’à l’époque seuls de rares élus cool comme Juan connaissaient – «alors qu’aujourd’hui, c'est plein de campeurs et de familles, l'horreur, quoi», déplore Juan.
Mais pour leur week-end remember, la Providence s’est montrée clémente. Juan et Isabel ont pu se taper la cloche au resto gitan en ayant l’impression d’être seuls au monde. C’était tellement bon vieux temps que Juan s’est senti magiquement rajeunir et s’est félicité d’avoir emporté ses santiags – celles qu’il portait lors du fameux tour à cheval avec Isabel, il y a quinze ans, un tour à cheval chargé d’une tension sexuelle tellement insoutenable qu’il s’était terminé dans le premier bosquet de roseaux. Juan n’avait même pas eu le temps de retirer ses bottes.
Après le resto, ils ont regagné l’hôtel et Juan a tiré ses mythiques santiags de sa valise pour les brandir comme deux trophées. «Hé, hé!, a-t-il lancé. Tu les remets?» «Tu les as encore?», a fait Isabel. «Je veux!», a clamé Juan en les contemplant avec fierté. Isabel a réfléchi quelques secondes. Avant de dire: «Donc t’as toujours pas réalisé à quel point elles étaient grotesques, ces santiags?» Juan a ouvert la bouche, outré. Avant de dire: «Y’a quinze ans, tu crachais pas dessus!» «C’était le début! T’étais enthousiaste, je voulais pas te scier.» Juan était abasourdi. «Demain, je les mets pour le tour à cheval», a-t-il annoncé d’un air de défi. «Riche idée, a répondu Isabel. On aura tous les paparazzis aux fesses.» Juan l’a regardée sans comprendre. «Ben oui, a fait Isabel. Ils vont croire que Sarko est revenu jouer au cow-boy sur son camarguais!»