Tout le monde a beau le considérer comme un salaud, Paolo, lui, s'est toujours vu comme un mec réglo. Ça ne veut pas dire, bien sûr, qu’il n’ait jamais fait de coup bas. Mais il les a toujours perpétrés en toute honnêteté.
Par exemple il n'a jamais caché à Anke qu'il la plaquait parce qu’il avait envie de se taper d’autres nanas. C’était vache, d’accord, mais c’était réglo parce que c’était honnête. Autre exemple plus récent, son coup de maître professionnel: l’éviction de Jim le Néo-Zélandais du poste de directeur de l’institut. Paolo avait toujours dit à Jim qu’il voulait le poste. Pas hargneusement, bien sûr, mais en riant et en lui tapant sur l’épaule autour de quelques bières. C’était peut-être tordu, mais il n’avait rien dissimulé. Ça n’avait pas empêché Jim de faire celui qui tombait des nues quand il avait appris qu'au dernier congrès, Paolo avait séduit Hillary, l'experte américaine, ET June, la fiancée de Jim. Okay, sa stratégie de déstabilisation était discutable, Paolo l’admettait volontiers. Mais c’était réglo parce qu'il avait agi en toute honnêteté.
«Ça tient pas, ce que tu dis, affirme Sam en vidant sa chope. Tu cherches une excuse pseudo-noble pour te dire que t’es pas un salaud. Alors que t’es un salaud.» «Moi je trouve que ça tient parfaitement», estime Sean. «Forcément, t’es Amércian et t’es un requin, rétorque Sam. Ton avis ne compte pas.» Mais Sean persiste: «En fait, je dirais même que t’es maladivement honnête. Il t’est déjà arrivé de resquiller?» Paolo réfléchit avant de lâcher: «Non, en fait jamais.» «J’en étais sûr!, exulte Sean. Et tu veux que je te dise pourquoi? Parce que ça te fait moins mal de payer ton ticket que d’être incapable de raconter un bobard au contrôleur.» «T’as raison, dit Paolo, stupéfait. C’est exactement ça. Comment t’as fait pour savoir?» «C’est l’avantage d’être Américain, fait Sean. On a chacun son analyste.»