9 janvier 2010

Bonne année!

On était le 1er janvier et Paolo sentait la sueur lui perler sur le front au fur et à mesure qu’il avançait dans la file au contrôle de sécurité de l’aéroport moscovite de Cherementievo. C’était une catastrophe! Et dire que tout ça, c’était de la faute de ce crétin de Nigérian qui voulait se taper des vierges au Paradis en faisant péter cet avion! Sans lui, Paolo n’aurait jamais été la proie de cette épouvantable angoisse, il aurait passé le contrôle de sécurité sans se poser de question. Mais là!

La nouvelle de l’attentat manqué sur Detroit, Paolo l’avait happée lors du séjour à Moscou qu'il s'était organisé sous prétexte de congrès pour retrouver la prodigieuse et délicieuse Irina, brillante PhD aux jambes irréellement longues qu'il avait rencontrée dans le cadre d'un autre congrès. Avec elle, il avait passé douze jours follement indescriptibles. Et c’était d’ailleurs entre deux machins follement indescriptibles et deux toasts vodka-concombre qu’Irina et lui avaient évoqué les fameux full body scanners et-que-je-te-mette-à-pélos qu’Obama voulait voir pousser dans tous les aéroports. Irina lui avait dit: «Chez nous, ça fait des mois qu’ils sont en service!» «Ah bon?», s’était étonné Paolo. Et puis il avait oublié cette discussion avec force baisouille et vodka. Et puis encore après, le moment était venu pour lui de cuver sa Saint-Sylvestre moscovite et de rentrer.

Le problème, c’était qu’entre-temps, Irina lui avait fait… ce fameux truc. Ce truc incroyable, extatique, indicible, supersonique, hyper russe, quoi. Mais qui avait indubitablement laissé des traces, Paolo le sentait bien au fond de son slip. Et c’était là, dans la file, alors qu’il s’était laissé allé au souvenir doloro-délice du fameux truc, qu’il s’était souvenu que ces Russes de ses noix, le scanner-et-que-je-te-mette-à-pélos, il l’avaient déjà! Donc, ça allait… se voir?! Seigneur! Paolo s’est discrètement épongé le front. Il fallait qu’il ait l’air souverain du chercheur de pointe. S’il continuait de suer, il allait passer pour un terroriste et là, ce serait pire, parce qu’il y aurait la fouille corporelle et… Paolo sentait le dard de l’impuissance lui labourer l’âme. Il imaginait déjà la grosse <em>security woman</em> en uniforme se pencher d’un air perplexe sur l’image livrée par le scanner, incliner la tête en fronçant les sourcils pour tenter de comprendre, d'interpréter cette… Oh mon Dieu! Plus que trois personnes avant lui… Plus que deux… Plus que…

Paolo s’est redressé d’un coup sur son séant en hurlant «Noooon!» Puis il a regardé en tremblant autour de lui, avant de comprendre enfin: il n’était pas à Moscou! Il n’avait pas fait le… truc avec Irina! Il était dans son lit! Tout simplement! Il avait juste bu comme un trou le 31, il avait juste un peu mal au crâne! C’était merveilleux!

«Ça va?» a demandé tout à coup une voix ensommeillée à côté de lui. Paolo a cru que le ciel lui tombait sur la tête: à sa gauche, dans le plumard, il y avait… Anke. ANKE?!?! C’était tellement incroyable que Paolo a posé carrément la mauvaise question: «Mais qu’est-ce que tu fous ici, toi?»