18 décembre 2009

Aléas boutichambreurs - suite et fin

Bon, évidemment, en terme de planification commerciale, le fait que l’inauguration de la Boutichambre n’ait lieu qu’aujourd’hui est un désastre. Faut dire les choses comme elles sont, Sean n’est pas du genre à se voiler la face. Toutes les commandes passées arriveront en retard pour Noël. Il est six heures du matin et Sean scrute le noir de l’aube en récapitulant les portes de sortie qui lui restent.

Tout reporter à l’année prochaine ? No way. Essayer de convaincre les gens de ne pas offrir à Noël mais à Nouvel an seulement ? Même pour un as comme Sean, c'est mission impossible. Sean soupire et se sert de café. Face à lui, le petit matin d’hiver est plus noir que jamais. A moins que… Et s’il ciblait la clientèle orthodoxe qui fête Noël le 6 janvier? Sean sent l’intuition géniale lui chatouiller le bide et le mince trait rose de l’espoir venir ourler la nuit. Il porte son mug à ses lèvres et se concentre. Mais bien sûr! Pourquoi est-ce qu’il n’y a pas pensé avant? Il suffirait juste de tout faire traduire! En quoi d’ailleurs? Sean énumère: en russe, en bulgare, en grec, en serbe, en macédonien, en monténégrin, en roumain, en arménien, en géorgien, en abkhaze… Sean cesse de compter quand il n’a plus de doigts et sent le découragement l’envahir sous forme d’une multitude de mais. C’est que ça en fait des langues et des alphabets zarbes. N’empêche, contre-attaque Sean avec l’énergie du mec-qui-se-laisse-pas-abattre-comme-ça, ce serait sacrément novateur. A mort, même. Genre marché de niche et lui, Sean, serait le pionnier qui aurait saisi le potentiel avant tout le monde! Mais les mais reprennent le dessus. Comment on dit mégablurb en arménien? Et jediroomeur en bulgare? Est-ce qu’on réussirait à rendre dans toute leur subtilité les retorses «Questions pour un Chambreur» en roumain? Est-ce que Spreadshirt accepterait les postscipts pour l’alphabet géorgien?

Vaincu, Sean se rend à l’évidence: ça sent les combines à de nouveau rater l’échéance, même au 6 janvier. Le trait rose s’est fait rebouffer par la nuit. Philosophe, Sean pioche dans la boîte à biscuits un pipparkaku que les enfants ont fait l’autre jour au club finlandais où Lumi les abandonne tous les mercredis après-midi. Il le trempe dans son café et prend une grande résolution en scrutant le noir de l'aube par la vitre: dès janvier, il cherche du boulot. C’est trop dur d’être son propre chef.