La première grossesse de Cora avait été un modèle du genre. La deuxième, en revanche, s'annonce gratinée: Cora vomit sans arrêt. «J'ai l'impression que ça va durer toujours, a-t-elle gémi. Je crois qu'on qu'on me punit.» «De quoi?», ai-je demandé. «Pour Laure», a répondu Cora.
Laure, c'était une de nos copines de jeunesse, qui avait décidé de faire un enfant à 20 ans. Geste courageux, quand on pense qu'à l'époque, la totalité de son entourage (dont Cora et moi) ne connaissait qu'un axiome de vie, pas bébécompatible du tout: faire la foire et se défoncer. Nous avions d'ailleurs été nullissimes avec Laure, trouvant «dommage» qu'elle soit «obnubilée» par son bébé et ses nausées - alors que Laure aurait pu consacrer son énergie de future mère à débattre avec nous de sujets bien plus essentiels: les mecs, la nicotine, l'alcool... Nous n'avions donc plus qu'un seul dénominateur commun: le Coca dégazé du petit dèje - Laure en sifflait pour soulager son remue-ménage hormonal, Cora et moi pour juguler la gueule de bois.
«J'ai honte, a soupiré Cora. Quand je pense que j'ai osé lui dire que ses nausées, c'était un peu psy, tu vois? Genre autosuggestion refoulée pour se faire une grossesse bien clichée... Quelle couche!» «A 20 ans, tout le monde tient des théories nazes», ai-je objecté. «Le problème avec moi, a fait Cora, c'est qu'il y a tout juste un mois, j'étais sûre d'avoir raison! Sûre qu'elle et toutes les autres, elles se faisaient un film...»
Je n'ai rien pu dire: Cora a mis la main sur sa bouche et foncé aux toilettes.