Quand elle avait mon âge, ma mère était déjà une vraie mémère. Elle détestait Nina Hagen et les jeans moulants. Très, très méchamment, je pensais qu’elle faisait semblant de ne pas aimer mes stretch parce qu’elle était déjà trop grosse pour entrer dedans. Pour elle, faire la fête c’était se siffler du Single Malt entre amis dans un bar bourge avec musique douce, sans avoir dans les pattes des ados moulés au stretch. Une vraie has been, pas cool du tout.
Aujourd’hui, nombre de mes contemporains (moi comprise) ont sincèrement l’impression de ne pas être comme ça, d’avoir su rester cool et ouverts, sans rupture. Et pourtant. Un gourou du Zurich branché a récemment livré une éclairante analyse des «nouveaux trends urbains hypes». Sa conclusion: les «Ü 35» (pour «über 35», c’est-à-dire les 35 et plus) dans le coup réclament des endroits «pour eux». Avec «atmosphère douillette» (mais branchée), «tranquille, propice à la discussion», où la musique serait «pas trop fort» et les tenues «moins sexy».
L’avenir in est donc au club pour quadras qui n’aiment pas les nombrils à l’air (c’est «tellement pitoyablement fashion victim» et en plus, avec le pneu qui pousse, ce n’est plus pour nous), mais veulent picoler de bons alcools dans une lounge design (pas se flinguer au Red Bull-vodka dans une cave où ça pue) en faisant la causette (sans qu’un DJ cinglé nous explose les tympans).
Quelque part, c’est vrai que nous ne sommes pas comme nos vieux: nous, nous avons des concepts cool qui nous font croire qu’on peut être «Ü 35» sans être has been.