3 mars 2005

Comestibles

Cora vit en ce moment l’épreuve suprême du post-partum allaitant: la mastite. Car outre le fait que cette «inflammation de la glande mammaire» (Petit Robert) est abominablement douloureuse, elle a le don de faire basculer sa victime au rang de bidoche à apprêter.

C’est le gynécologue de Cora qui s’est laissé aller le premier en découvrant sa poitrine souffrante et enflammée: «Bonté divine! a-t-il lâché avec tact. Mais on dirait du coulis de tomate. Et c’est tellement chaud qu’on pourait faire cuire des œufs au plat là-dessus!» La sage-femme, appelée à la rescousse pour accélérer la décongestion des nénés souffrants, a aussitôt pris le relais en expliquant que la règle d’or pour traiter une mastite, c’est «vider et mettre au frais». Or comme le cold pack de Cora, qui aurait dû favoriser la «mise au frais», était bien au chaud dans son armoire à pharmacie au lieu de se pétrifier au congélo, la sage-femme lui a conseillé de mettre des petits pois surgelés dans un sachet en plastique et de glisser le tout dans son soutien-gorge après chaque tétée. Elle lui a également recommandé d’appliquer sur ses seins des gazes enduites de séré maigre et des feuilles de chou glacées. Un vrai menu thérapeutique.

Si bien que depuis quatre jour, entre chaque tétée, Cora endure un décoleté qui embaume la jardinière de légumes (quand son traitement comestible dégèle) ou marine dans du petit suisse. Mais elle tient le coup. Et encaisse stoïquement quand son gynécologue soupire: «Ah oui, le coup du fromage blanc. Vous verrez: après, on n’a plus envie d’en manger.»