Cora avait jusqu’à présent vécu le côté fun de la maternité avec sa fille Tessa, reine des bébés modèles... Elle n’avait donc jamais eu le même air hâve et dépenaillé que les autres mamans. Elle mangeait des trucs sains et complexes à apprêter. Elle se faisait des masques et répétait souvent qu’elle trouvait «effarant» ces mères «incapables» de s’occuper d’elles et qui finissaient pour le midi les nouillettes-brocoli recrachées par leur bébé – parce qu’elles avaient oublié de faire des courses pour un menu d’adulte. «Les psys parlent de mères poubelles! disait Cora. Tu te rends compte?»
Et puis peu avant Noël, Tessa a commencé à marcher. Ou plutôt essayé de commencer et découvert que c’était pas facile, qu’on se cassait la gueule et que… c’était frustrant. Ce moment-clé de son développement cognitif a fait dans la foulée découvrir à sa mère l’envers de la maternité – comme les crises de rage interminables.
Cora la pile donc sec, d’autant plus que rien ne l’avait préparée: elle avait toujours cru que si ça foirait chez les autres, c’était parce qu’ils ne savaient pas s’y prendre. Mais pas de soucis, l’instinct de survie l’emportera. Et Cora découvrira bientôt sans doute que ce qui compte si on veut tenir le coup, c’est d’avoir toujours chez soi quelques stupéfiants: par exemple du vin rouge (pour en descendre un verre à dents cul-sec à la salle de bain quand on va craquer et qu’on a besoin d’un effet spa) et du Chocmel (au cas où il ne resterait pas assez de nouillettes-brocoli pour faire une portion).