24 octobre 2009

Faire péter le micro

Les garçons ont dit au chéri qu’ils voulaient danser «comme en boîte» et le chéri a été sympa. Il leur a branché la lampe Philipps Living Colors, que nous a offerte Chantal pour sauver le climat et qui (même si elle ne sauve pas le climat à cause de son transformateur bouffeur de watts) a fait un light show très passable. L’aîné et le cadet ont poussé des cris de joie en découvrant cette vertigineuse alternance de mauve, de rouge baffe et de jaune citron. Ils ont derechef lancé la miouze et se sont rués sur leur «piste» – entre le lit à étages et leur gratte-ciel de cartes Yu-Gi-Oh et d’autocollants Stickermania.

Je dois avouer qu’ils m’ont coupé la chique. Quand j’étais mouflette, tous les garçons détestaient danser. Alors que mes micro-gaillards, eux, se déchaînaient avec un plaisir évident, ondulant des hanches, claquant des doigts, virevoltant des guiboles. Incroyable! Une révolution avait eu lieu!

Emballé par tant de talent, le chéri a alors ajouté un micro à la sono, si bien que la séance <em>dance </em>s’est muée en <em>karaoke-session</em>. Les chérubins ne se le sont pas fait dire deux fois et se sont mis à crooner à gorge déployée «monimonimoni» et «teïnteud looove». L’ambiance chauffait un max. Et comme le cadet braillait de plus en plus fort dans le micro, le chéri a fini par lui dire: «Tu veux faire péter le micro?» «Parce que c’est possible?», a demandé l’aîné. «Bien sûr, a fait le chéri. C’est super sensib...» L’aîné ne lui a pas laissé le temps de finir sa phrase. Il s’est emparé du micro et a couru avec à la salle de bain, d’où il a hurlé à son frère: «Il est assez long, le fil?» «Ouais!», a fait le cadet. «Yes!», a clamé l’aîné. Le chéri et moi, on s’est regardé sans comprendre. Quand tout à coup, le haut-parleur a lâché un pet retentissant. Colossal. Eléphantesque.

Alors que le cadet pleurait de rire et que l’aîné revenait hilare de la salle de bain, j’ai compris que je m’étais fourré le doigt dans l’oeil: en réalité, les garçons n’ont pas changé d’un pet.

10 octobre 2009

Sputnik: connecting...

Ça va bientôt faire vingt ans que le Mur de Berlin est tombé et plus cet anniversaire approche, plus Marc se sent vieux et plus il pense avec émotion à Sputnik, l’ex-Deutsche Jugendradio DT64 made in RDA. Une station de génie que Marc avait réentendue pour la première fois après toutes ces années lors de son dernier week-end à Berlin chez Gerd. Sputnik! DT64! Son mythe à lui! Sa bande-son à lui! La radio qu’il écoutait sans arrêt quand le Mur était tombé.

Donc depuis quelques temps, Marc répétait soixante fois par jour: «T’as pas une radio ici, pas une, qui arrive à la cheville de Sputnik!» Au point que Julie s’est dit qu’elle préférait devoir écouter Sputnik plutôt que Marc lui parler de Sputnik. Or comme Sputnik sévit aussi sur le web, elle est allée lui acheter un poste de radio Internet «qui marche super avec un wifi», a assuré le vendeur.

Marc a été ravi. Il a embrassé Julie avec fougue, déballé la bête et procédé à l’installation. Le poste a aussitôt indiqué «Connecting…». Mais quarante minutes plus tard, il n’indiquait toujours rien d’autre. «Je vais aller demander au vendeur», a dit Julie. Et le vendeur a dit: «Ça doit venir de votre routeur. Faut une plus grosse antenne.» Et Julie a allongé 40 balles pour une nouvelle antenne. Mais même avec la nouvelle antenne, le poste indiquait toujours «Connecting…» Alors le vendeur a vendu a Julie une antenne encore plus grosse à 120 balles. En vain. «La radio est naze, a conclu Marc. Mais t’as toujours le ticket, non?» «Bien sûr», a dit Julie. Mais elle a eu beau fouiller: le ticket avait disparu. Il n’y avait plus qu’une issue si elle ne voulait pas que la thérapie Sputnik de Marc lui coûte une fortune: elle a revêtu son plus joli décolleté à dentelles avant d’aller trouver le vendeur. Qui a d’abord dit «non», mais fini par dire «okay» quand Julie s’est penchée très en avant par-dessus le comptoir.

Depuis, Marc va beaucoup mieux. Il écoute Sputnik et a pris son billet pour aller trouver Gerd à Berlin en novembre. «Ce qu’il ne sait pas encore, a avoué Julie à Anke, c’est que pendant qu’il écoutera Sputnik avec Gerd dans cet apparte pas chauffé, moi je me ferai enduire de boue par un masseur ayurvédique à Goa.» «C’est de bonne guerre, a dit Anke. On a tous besoin de réconfort pour encaisser les coups de boutoir de l’Histoire.»