21 février 2009

La fin, la tarte et les moyens

Chantal, Patrick et les jumeaux passent les relâches de février en Engadine. Alors que Patrick, Louis et Hugo s’éclatent lattes aux pieds dans des portions de paysage hérissées de skilifts, Chantal proteste «contre la violence aveugle des remontées mécaniques et du sport de masse» en pratiquant la raquette à neige et en prenant acte avec consternation de l’enthousiasme que son mari et ses fils nourrissent pour les télésièges chauffants. Et l’effort vrai, alors? Et la magnificence d’une nature intacte? Et le CO2? Incroyable qu’il suffise d’un hiver à peine plus rude pour que tout le monde oublie que la planète est au bord du gouffre. D’autant plus que tout ce froid et toute cette neige prouvent le réchauffement!

Bref, c'est la débandade. Patrick dit de plus en plus de mal de la Prius et a atteint des sommets de mauvaise foi pendant les quatre petites heures durant lesquelles ils ont dû patienter (moteur éteint) aux portes du tunnel de la Vereina. «Je t’avais dit qu’on aurait mieux fait d’aller en Autriche!, a-t-il fulminé. Mais non! Avec ton obsession de consommer local, on se retrouve bloqués avec tous les cons!» Quant à Hugo et Louis, c’est une catastrophe: ils ne pensent plus qu’à la compète et à éclaffer au slalom «les taches qui skient pas parallèle».

Pourtant, Chantal ne s’avoue pas vaincue. Et comme elle n’a pas trouvé d’école de ski alternative susceptible de transmettre de vraies valeurs à ses fils, elle a empoigné le problème à sa façon. En les menaçant pendant que Patrick était aux toilettes de les priver de slalom et de «torta di nusch» pour le reste de la semaine. Ça a marché: depuis mercredi, Louis a dit deux fois «Ce qui compte, c’est de participer» et Hugo a renchéri «Pis tout le monde, il a des qualités».

7 février 2009

Signs…

Isabel a emmené Marion aux bains thermaux pour «une sortie entre filles». Mais Marion lui a d’emblée fait comprendre qu’elle trouvait cette perspective craignos et se l’est jouée 100% évitement tout au long de la barbote – genre «Je me barre vers les buses dès que tu me rejoins au bain à remous» ou «Si tu fais mine de te pointer aux buses pendant que j'y suis, je fous le camp à la cascade». Isabel sentait planer sur elle le spectre ado. Fini, les câlins, les échanges tendres: d’ici peu, il faudrait parler soutien-gorges, contraception…

Histoire de rompre avec ces pensées déprimantes, Isabel a quitté les bassins pour l’aire de repos. Elle était en train d’attraper sa serviette lorsqu’une voix d’homme a chuchoté derrière elle: «Excusez-moi…» Isabel s’est retournée pour découvrir un trentenaire très craquant qui tenait dans les bras un bébé encore plus craquant. C’était un signe! Le destin venait à son secours, consolateur! «Vous pourriez garder mon fils pendant que je vais aux…, a demandé le trentenaire à voix basse, en désignant d’un geste éloquent le couloir qui menait aux toilettes. Ma femme est au massage, et là, vraiment…» «Mais bien sûr!», s’est exclamée Isabel. Et elle a tendu les bras vers l’adorable bébé, qui, tandis que son papa détalait aux waters, l’a gratifié d’un lumineux sourire avant de s’abandonner contre elle, de tout son petit corps. Indicible, cette émotion... Et si Juan et elle s’étaient trompés, avec leur idée d’enfant unique? Si le bonheur, c’était ça? Isabel défaillait. C’était un signe! Il fallait qu’elle parle à Juan! Qu’ils reconsidèrent la question!

Elle était encore en proie à sa bouffée maternante, lorsque le papa est réapparu, déclenchant inopinément une violente crise de gigote chez l’adorable bébé, dont mimines et petons ont rageusement bataillé en quête d’appui. Pour finir par se contenter du bikini d’Isabel, qui s’est retrouvée publiquement dépoitraillée et déculottée sans avoir eu le temps de dire ouf. Un autre signe? Sans aucun doute.