20 décembre 2008

Mich tout rouge


Ce concert de Mich Gerber, Chantal l’espérait depuis des jours: tel l’oasis au cœur du marathon de l’Avent, il lui ferait revivre la révélation mystique qu’elle avait partagée avec Patrick il y a treize ans, lorsqu’ils avaient découvert le contrebassiste tondu à l’occasion de l’un de ses premiers concerts. Chaque fois qu’elle écoutait son nouvel album, tout lui revenait: Patrick en train de la peloter fougueusement pendant que la contrebasse vibrante de Mich emplissait la nuit étoilée, mais aussi ses aspirations profondes à elle. Des aspirations fortes, exigeante et qu’elle avait failli oublier: en manquant de céder aux supplications des enfants qui voulaient recevoir des Power Ranger pour Noël (quelle horreur!), en craquant l’autre jour pour une écharpe hors de prix et même pas commerce équitable... Donc quand Patrick a acheté deux billets pour le concert, Chantal lui a témoigné une gratitude sans borne – au point que Patrick s’est dit après cette mémorable partie de jambes en l’air que Mich Gerber devrait sortir plus souvent de nouveaux albums.

Et puis le fameux soir est arrivé. Chantal et Patrick sont allés déposer les jumeaux chez les grands-parents, qui leur ont offert un petit verre de rouge pour la route. Ils ont filé ensuite au resto se taper quelques tapas avec d’autres petits verres de rouge. Et le moment venu, ils se sont rendus au club où ils ont encore siroté un peu de rouge, en attendant que Mich débarque enfin sur scène. Dès le premier coup d’archet, Chantal s’est sentie transcendée, en phase avec ces hypnotiques envolées. Serrée contre Patrick, elle a fermé les yeux...

En sentant qu’elle s’affaissait sur son épaule, la respiration de plus en plus régulière, Patrick s’est rappelé que Chantal n’avait jamais bien supporté le rouge. Et s’est dit que tout compte fait, Mich Gerber n'avait pas besoin de sortir plus souvent de nouveaux albums.

6 décembre 2008

Saint Nicolas à l’article

Leo avait tout bien préparé pour le Saint Nicolas («On dit pour Saint Nicolas», avait rectifié Julie). Bricolé des loupiotes pour lui indiquer le chemin de l'appartement (Julie lui avait assuré que Saint Nicolas connaissait le code de l’immeuble). Mis sa botte bien en évidence, avec à côté une soucoupe de sel et une carotte pour l’âne (Julie lui avait assuré que l'âne pourrait grimper fastoche les trois étages). Bref, tout était prêt pour signaler au Saint Nicolas («à Saint Nicolas») que ce que Leo désirait le plus recevoir (en plus des traditionnelles mandarines), c'était un Transformer.

Julie avait bien tenté de lui expliquer que Saint Nicolas trouverait Leo sans doute trop petit pour un Transformer et qu’il apporterait probablement autre chose. Mais Leo «sentait» que le Saint Nicolas («que Saint Nicolas») allait lui offrir un Transformer. Il le sentait d’ailleurs «tellement fort» que Julie a flippé et discrètement supplié Marc d'aider Saint Nicolas à se procurer un Transformer. «Je refuse», a asséné Marc. «Mais on peut pas!, a soufflé Julie. Si tu voyais les loupiotes, la carotte, le sel…» «C'est de ta faute. Tu lui as tellement bourré le mou avec Saint Nicolas l’ami des enfants qu'il délire.» «Mais c’est important, la tradition...» «Ouais, mais je crois pas que le Transformer soit prévu par la tradition. Enfin, je vais voir ce que je peux faire.»

Ce matin, au lever, Leo s’est précipité au salon. Le sel et la carotte avaient disparu! Et ce paquet qui dépassait de sa botte, ça ne pouvait être que le... Leo s’est hâté de déchiqueter l'emballage et d'en extraire… un papa Noël Playmobil. D’abord stupéfait, Leo s’est aussitôt ressaisi pour vociférer rageusement: «Je déteste le Saint Nicolas! Je veux plus jamais voir le Saint Nicolas! Je donnerai plus jamais rien au Saint-Nicolas!» Julie s'est mordu les lèvres pour ne pas rectifier.