20 septembre 2008

Banderas? Banderas pas?

Chantal estime que la plupart des parents ne réalisent pas à quel point leur consommation médias influence leur progéniture, «même avant la naissance». Motif, dit-elle, «on ignore encore tout ce qui passe par l’inconscient». Chantal est donc extrêmement sélective et ne consomme depuis vingt ans que des films d’art et d’essai, des documentaires à distribution confidentielle et quelques séries produites par HBO pour résister aux networks et à leur pression capitaliste. Sa DVD-thèque ne fait aucune concession au big business: Truffaut, Almodóvar, Zefirelli, Kubrick, Tarkovski... Quant à ses enfants, ils n’ont vu au compte-goutte que des dessins animés à plus-value artistique et pédagogique vérifiée. Résultat: Patrick lui a caché qu’il était aller voir le dernier «Batman» – mais surtout qu’il l’avait trouvé vachement bien et que son désir secret serait de pouvoir un jour piloter une Batmobile.

Le vent a néanmoins tourné la semaine dernière, alors qu’il regardait par la fenêtre les enfants en train s’ébattre dans la cour de l’immeuble. Il s’est tout à coup tourné triomphalement vers Chantal et lui a dit: «Je vais chez Media Markt!» «Pardon?» a fait Chantal, comme si Patrick lui avait annoncé qu’il allait au sex-shop. «Ouais, a dit Patrick, je vais acheter ‘Le Masque de Zorro’. Et on ira bientôt voir ‘Tropic Thunder’» «Mais non! a protesté Chantal. Tout ça, c’est des blockbusters abjects, commerciaux!» «Ouais.» «Mais tu peux pas!» «Oh que si! Et tu verras, Zorro fera pas plus de dégâts qu’Almodóvar.» «Comment ça?» «Regarde», a dit Patrick en l’invitant à le rejoindre à la fenêtre.

Chantal s’est approchée et à découvert en contre-bas Hugo... qui était en train de ligoter avec sa corde à sauter la petite voisine et de lui dire: «Et tu restes bien sage et tu bouges pas.» Bon Dieu! a frémi Chantal, «¡Átame!»… Son Almodovar favori quand elle était enceinte! «C’est Banderas tout craché, ce petit, tu trouves pas?, lui a soufflé Patrick. Alors, qu’est-ce que tu préfères? Que Louis et lui associent définitivement le bel Antonio à un détraqué sexuel nommé Ricky? Ou à un Zorro qui s’agite que de la cape, mmh?»

6 septembre 2008

Chacun sa détente

Isabel et Juan sont allés passer quelques jours en Bavière dans une ferme plantée à côté d’un établissement bien-être mammouth, où Isabel a booké pour elle un programme bien-être mammouth aussi: saunas, bains de foin, parcours Kneipp, cure de petit-lait, drainages lymphatiques... Marion et Juan la voient à peine. Et quand elle rentre, elle est «tellement détendue» qu’elle bascule aussi sec dans les bras de Morphée. Au grand dam de Juan qui n’a même pas réussi à l’allumer en lui racontant que Marion s’était amourachée de Fritz, le garçon de la ferme.

«Et tu l’as vu, a fait Juan. Acnéique, germain, renfrogné. Avec Marion qui trotte servilement sur ses talons. C’est atroce. On a échoué…» En temps normal, c’est le genre d’annonce qui aurait fait bondir Isabel. Mais là, elle a juste bâillé, avant de lâcher d'un air extatique: «Je suis folle de ce masseur.» «Pardon?» Juan a senti la moutarde lui monter au nez. «Il a des mains fabuleuses, a poursuivi Isabel. Il lui a suffi de poser ses paumes sur mon corps pour sentir ce dont il avait besoin. Jamais j’aurais imaginé qu’un homme pouvait avoir une telle intuition.»

Bordel de merde! s’est dit Juan. «T’as l’air crispé», a remarqué Isabel «Sans blague?», a fait Juan. En temps normal, Isabel aurait capté illico, mais c'était comme si tout ce bien-être lui avait limé les antennes. «Ben puisque tu en parles, a dit Juan de sa voix la plus sexe en se calant contre elle, je me disais…» Mais Isabel dormait déjà. Saloperie de Bavière!

Le lendemain, Juan s’est levé, prêt à faire les bagages pour décamper. Jusqu’à ce qu’on frappe à la porte. C’était Gudrun, la grande sœur de Fritz, qui voulait savoir s’ils avaient besoin de quelque chose. En plongeant le regard dans son bavarois et généreux décolleté à fronces, Juan a senti une chaleur délicieusement réconfortante lui envahir les reins. Le bien-être. Le vrai.