28 avril 2007

«Entourage» et dérapage

Chantal a regardé les premiers épisodes d’«Entourage» et elle s’est tellement répandue en «excellent», «super» et autres «délectable», que Patrick a pris le train en marche pour suivre avec elle les aventures de ces New-Yorkais un peu bas de plafond, qui partent à Hollywood rejoindre leur copain promis à un avenir de star de ciné. On les suit donc après les joints du petit-dèje dans les partys glam-décadentes de L. A. Sous le soleil de Californie, filles et garçons semblent n’avoir qu’un seul but dans la vie: «baiser un maximum de stars».

Tout ce cynisme, Patrick, ça l’a déstabilisé: c’était comme si on lui faisait sentir 1) qu’il était définitivement passé du côté des vieux ringards, 2) que sa jeunesse à lui, en dépit de folles bitures et d’échappées cochonnes, n’avait été qu’une retraite au couvent face à l’estomaquante endurance sexuelle de ces jeunes débiles.

La cerise sur le gâteau, c’est que Chantal, elle, ne semblait pas perturbée le moins du monde. D’où ça lui venait, tout ce know-how, hein? «Mais arrête! lui a-t-elle lancé. Depuis le dernier Tom Wolfe, tout le monde sait que le nouveau hobby de la jeunesse US, c’est de niquer des célébrités.» «Mais ça craint!» «Mais oui… Mais c’est marrant, aussi!» «Ben là, tu vois, ton attitude est complètement hypocrite!» «Mais pas du tout! Et puis relaxe! C’est juste une série… Allez, détends-toi… Tu veux que je t’amène une autre bière?» «Non, je veux qu tu me fasses ce que la blonde à gros seins aurait fait à Vince dans la piscine, si Ari n’avait pas débarqué…»

21 avril 2007

QuietComfort3: l'addiction

Sam a toujours trouvé que même s'il est vachement sympa, Juan est un frimeur. Surtout en matière d'équipement électronique. Car dans ce domaine à haut snobisme ajouté, tout ce que Juan possède est top. Et chacun de ses gadgets électroniques high-tech high-design est pour lui comme un voluptueux marche-pied vers l'extase et la paix intérieures. Au point que quand son téléphone Bang & Olufsen tinte suavement ou quand ses micro-enceintes multiorientées Bose l'enveloppent de leur sonorité satinée, Juan est dans un état qui doit se rapprocher de celui qu'atteint le dalaï-lama après cinq heures de méditation: carrément second.

Sa dernière acquisition, c'est un casque. Mais pas n'importe lequel, évidemment. Car ce casque-là (nom de code Bose QuietComfort3) ne sert pas qu'à écouter de la musique avec une qualité sonore exceptionnelle, non: ce qu'il sait faire, surtout, c'est distiller... du silence. Et affranchir celui qui le porte de l'incessante rumeur du monde pour lui offrir le luxe ultime... du rien - tout ça pour la modique somme de 648 francs, frais de port non compris. «Mais on devient super vite accro, a confié Juan à Sam. Moi, en tout cas, je souffre chaque fois que je dois l'enlever.» Et comme il voyait que Sam ne le croyait pas, Juan lui a prêté son QuietComfort3.

C'était il y a deux semaines. Aujourd'hui, Sam a reçu le sien par courrier et éprouvé un soulagement colossal. Là, c'est bon, le bébé peut arriver: Sam, maintenant, a les munitions nécessaires pour aller affronter Cora en salle d'accouchement. 

14 avril 2007

Le caca de chat

Certaines hérédités finissent immanquablement par vous rattraper. Même si vous aviez longtemps cru leur échapper les doigts dans le nez, parce que reproduire les schémas lamentables, c’est vraiment pas votre genre. Mais paf, voilà qu’un beau jour, vous vous retrouvez en plein dedans.Mon schéma héréditaire lamentable à moi, c’est le caca de chat.

Séquence souvenir: j’ai 6 ans, on est à table et ma mère a préparé une salade russe maxi mayo – un classique de la gastro seventies, heureusement largement tombé dans l’oubli depuis. Je fronce le nez devant ce monticule informe barbouillé de blanc et je demande: «C’est quoi, ça?» A quoi ma mère répond sèchement: «Du caca de chat!» Cette réaction à deux balles pétrie d’agressivité démontre à quel point ma mère était incapable de prendre la moindre distance: se laisser piquer au vif par une gosse de 6 ans, c’est pitoyable, on est d’accord.

Séquence aujourd’hui: je viens de préparer un succulent «risotto verde» avec plein de légumes frais – notre mayo contemporaine, si on y réfléchit bien, y’a pas un plat où on n’en met pas. J’apporte triomphalement ma marmite à table. L’aîné fronce le nez en scrutant le contenu et demande: «C’est quoi, ce truc vert?» Je n’en reviens pas. Ce que ce gosse est ingrat! Et moi qui vient de passer deux heures en cuisine! Deux! J’essaye de me maîtriser. Je veux rester calme, souveraine, et lui dire avec douceur: «C’est du risotto! Tu vas adorer!» Mais le piège atavique se referme, implacable. Et je m’entends articuler sèchement: «Du caca de chat!»