27 juin 2006

Poil aux tongs

Grâce à Juan, Paolo a récemment adopté une nouvelle Bible hebdomadaire. Elle paraît tous les dimanches dans la «NZZ am Sonntag», s’intitule «Les règles de style» et est signée Jeroen van Rooijen (JvR), un gourou zurichois dont la mission est de métamorphoser ses fidèles en femmes et hommes de goût, rompus à l’évangile du savoir-vivre. JvR ne néglige ni les détails «décisifs» (il nous enseigne par exemple qu’on ne sert jamais de l’eau gazéifiée au Soda Club dans la bouteille Soda Club mais dans une carafe), ni les principes universels, comme ceux qui régissent les codes vestimentaires.

Or là, on évolue en terrain rude. JvR refuse en effet d’accorder le statut de chemise à tout ce qui a des manches courtes, même en pleine canicule. Et l’été dernier, il a passionnément dénoncé celles et ceux qui osent se montrer en public chaussés de tongs - un peu comme s’ils perpétraient là d’un crime contre l’humanité.

Mais toute cette rigueur présente quelques signes de détente. Ainsi, il y a trois semaines, JvR a accordé «une deuxième chance» aux tongs, admettant qu’elles semblent «comme faites» pour compléter le pantalon de lin blanc des garden partys. Mais attention! Se détendre ne veut pas dire faire n’importe quoi: on ne porte que les modèles de cuir fin (donc chers) et on s’épile les orteils.

En vaillant homme de goût, Paolo a commencé par la partie hard de cette ère nouvelle: il s’est enfermé à la salle de bain avec une pince à épiler et une bouteille de whisky – histoire de s’en verser une bonne rasade dans le verre à dents s’il devait flancher. Que JvR lui pardonne.

20 juin 2006

Tenir la distance

Samedi dernier, Cora a fait la foire dans un club tendance plein de jeunes gens cool et déchaînés. Musique au top, ambiance délirante: Cora a adoré. Et s’est sentie revivre, libre, pleine d’énergie, affranchie du train-train, de la vie de famille, de la mesquinerie des horaires. Et surtout parfaitement capable de tenir la distance. Elle a par exemple épaté un joli petit mec en lui révélant que cette musique qu’il ne connaissait pas mais trouvait «trop mortelle», c’était un Sonic Youth de 1990. «Cotton Crown», pour être exact. Au léger mouvement de tête admiratif du joli jeune homme, Cora s’est dit «Yes!» No doubt, elle n’était pas encore une vieille barbe!

Elle s’est donc éclatée à fond jusqu’au petit matin sur de la miouze qui servait déjà de bande-son à ses beuveries il y a seize ans. Et comme Sam avait emmené Tessa en week-end chez ses parents, elle a même pu pioncer jusqu’à 14 heures le lendemain. Une authentique cure de jouvence.

Sauf qu’au réveil, Cora s’est sentie comme un vieux zombie qui se serait fait rouler dessus par un tracteur. En lampant son double Alka Seltzer, elle a imaginé le programme qui attendait probablement le joli jeune homme ce soir (une autre party jusqu’à 5 heures du matin) et a failli retourner s’évanouir dans son lit. Mais elle a quand même trouvé la force de ramper jusqu’au canapé et de se saisir de la télécommande.
En matant les pectoraux de Sawyer-le-voyou trois épisodes de «Lost» durant, Cora a été soulagée de constater qu’eux, au moins, tenaient toujours admirablement la distance.


13 juin 2006

Parano Lordi

Depuis que la Finlande a remporté l’Eurovision grâce à la prestation très gore du groupe Lordi, Lumi pense que tout a changé: pour son pays d’origine, «pour ce qu’il représente», il y a «un avant et un après Lordi». Avant Lordi, la Finlande était une société hyper avant-gardiste en matière d’égalité des sexes et d’éducation; depuis Lordi, c’est un repère de soiffards tarés qui braillent «Hard rock, Allelujah!» et ne suscitent plus que la consternation.

Sa théorie de l’avant et de l’après Lordi, Lumi l’a élaborée après avoir surpris dans le tram une conversation entre deux «femmes sociologues». «C’est symptomatique, disait la première, ce groupe hard rockeux minable que les Finlandais ont délégué pour les représenter. Ça dénote un malaise social qui doit être colossal. Il paraît qu’à Helsinki, il y a plein de jeunes qui font des comas éthyliques à 12 ans… Effrayant!» «Ah, complètement, a renchéri l’autre. C’est un appel à l’aide! Et qu’ils aient choisi un event aussi ringue que l’Eurovision pour le faire, c’est éloquent! Ça doit venir de leur culture hyper malsaine de la boisson. Leur but, c’est pas de s’enivrer, mais de s’écrouler, de rouler sous la table!» «Comme ces loques que Laura à vus à Tallin, a ajouté la première d’un air affligé. Ivre-morts à 7 heures du matin, en train de ramper dans le lobby de l’hôtel…»

Mais le coup de grâce, c’est Sean qui le lui a assené en lui proposant d’organiser très bientôt une soirée vodka-Lordi, «histoire de se marrer un bon coup et de fêter dignement le triomphe culturel suomi». 

6 juin 2006

Grill et caquelon qui clochent

Côté bouffe, le chéri et moi avons tacitement nos prés carrés respectifs dans lequel l’autre ne se risque pas. Et c’est tout en nuance. Par exemple, la confection des crêpes, c’est lui. Celle des blinis, c’est moi. La préparation des entrées à base de pâte filo, c’est lui. Celle des desserts à base de pâte filo, c’est moi. Vous voyez?

Dans d’autres domaines, la répartition est plus tranchée. La fondue pour lui remonter le moral en hiver (le chéri aime la neige mais déteste le stratus), c’est moi qui m’en occupe. Les grillades qui me font presque aimer l’été (je déteste les UV, les canicules et la dominante crudités), c’est son rayon. Jusque là, cette politique des chasses gardées nous a bien réussi: j’ai mis au point des super fondues «anti jours trop courts» et le chéri est passé maître dans la catégorie «grill bucoliques saveurs».

Mais depuis un mois, quelque chose cloche. Trois grillades d’affilée, le chéri nous a bousillé au charbon de la marchandise de premier choix, en faisant comme si de rien n’était. Le déni, quoi. J’ai donc décidé de faire intervenir mes talents caqueloneurs pour enrayer cette spirale et de nous mitonner une fondue d’été au chèvre dégotée sur le site Marmiton. Résultat: c’était infâme. J’ai quand même fait comme si de rien n’était (par vengeance, je l’avoue), en faisant passer la chose avec beaucoup d’alcool. Et la vérité est dans le vin: en débouchant la deuxième bouteille, le chéri et moi avons décidé que le thème de notre prochaine soirée d’été s’intitulerait «Take away».